L’affaire commentée se passe au Portugal, mais les principes posés par la Cour Européenne sont transposables France et dans outres pays démocratiques.

            Dans une première affaire, un avocat avait déposé une plainte concernant le comportement d'un magistrat durant une audience préliminaire ainsi que certaines irrégularités dans la procédure. Il fut débouté de sa plainte. Le magistrat visé dans la plainte a poursuivi l’avocat en diffamation. La Débouté, il a été condamné pour diffamation dans le cadre d'une procédure déclenchée par ledit magistrat.

            Dans une deuxième affaire l'avocat avait accepté de représenter deux tsiganes pour porter plainte contre une magistrate pour diffamation et discrimination. La plainte a été classée sans suite, et la magistrate s'est retournée contre l'avocat, estimant que, en sa qualité de représentant, il avait introduit une plainte pénale non fondée à son encontre en connaissance de cause. 

            Ce sont dans ces circonstances que la Cour Européenne Droits de l’Homme a été saisie. Celle-ci affirme que les accusations formulées par l’avocat dans sa lettre critiquée, étaient des critiques que tout juge peut s’attendre à recevoir dans l’exercice de ses fonctions, sans que cela ne porte atteinte à son honneur ou sa réputation, qu’en l’espèce Il ne les accusations litigieuses n‘avaient pas dépassé la limite de la critique admissible d’autant qu’elles avaient été adressées au Conseil Supérieur de la Magistrature.

            La Cour Européenne  rappelle  ensuite que même si l’amende infligée à l’avocat était modeste  et que celui-ci a bénéficié de la non-inscription de sa condamnation dans son casier judiciaire, l’application d’une sanction pénale présente à elle seule un effet dissuasif pour l’exercice de la liberté d’expression, ce qui est d’autant plus inacceptable, s’agissant d’un avocat appelé à assurer la défense effective de ses clients, et qu’elles  sont en outre de nature à produire un effet dissuasif pour la profession d’avocat dans son ensemble, notamment lorsqu’il s’agit pour les avocats de défendre les intérêts de leurs clients.

            En conséquence la Cour Européenne estime que les motifs fournis par les juridictions internes pour justifier les condamnations contre un avocat qui a agi dans l’exercice de ses fonctions, ne pouvaient passer pour pertinents et suffisants et ne correspondaient à aucun besoin social impérieux. Elle considère que l’ingérence dans l’exercice par les intéressés de leur droit à la liberté d’expression était donc disproportionnée et non nécessaire dans une société démocratique. (CEDH. 8 oct. 2019.N° 24845/13 et 49103/15. L.P. et Carvalho c. Portugal.)