La société Marbrerie des Yvelines (la société MDY) fabrique et commercialise des plans de travail en marbre, en granit et pierre naturelle et en quartz de synthèse.

         Soupçonnant ce dernier matériau d’être dangereux pour la santé de ses employés, la société MDY a fait réaliser une étude par l’Institut de recherche et d’expertise scientifique de Strasbourg (l’IRES), et publié sur son site internet et sur les réseaux sociaux de son dirigeant les résultats des deux rapports établis par cet organisme confirmant la présence de composants dangereux dans le quartz de synthèse, puis a lancé une alerte auprès du magazine “60 millions de consommateurs” en indiquant que ce matériau était dangereux pour la santé, non seulement lors du façonnage, mais aussi “lors de l’utilisation quotidienne en cuisine” .

         Après une mise en demeure, restée infructueuse, de cesser cette campagne, qualifiée de dénigrement, l’association A. St. A World-Wide (l’association World-Wide), qui a pour objet de promouvoir la réalisation de plans de travail de cuisines et salles de bain en quartz de synthèse et qui regroupe plusieurs fabricants de pierres agglomérées, invoquant l’existence d’un trouble manifestement illicite et un dommage imminent, a assigné en référé la société MDY, afin d’obtenir, sous astreinte, des mesures conservatoires de retrait et d’interdiction de diffusion des informations relatives aux études menées par l’IRES concernant le quartz de synthèse .

         La Cour  d'Appel de Versailles  a rejeté les demandes de l'association World-Wide, au motif que la mise en garde publique, par la société MDY, sur un matériau qu'elle a cessé de vendre, convaincue du risque de sa nocivité, en alertant parallèlement la ministre des affaires sociales et de la santé, par un courrier du 1 février 2017, et la direction de l'évaluation des risques de l'ANSES, relève de la nécessaire information du consommateur, qui doit être mise en regard avec le droit d'alerte en matière de santé publique et d'environnement reconnu par la loi à toute personne physique et morale qui estime de bonne foi devoir diffuser une information concernant un fait, une donnée ou une action dont la méconnaissance lui paraît faire peser un risque grave sur la santé publique ou l'environnement.

         La Cour d’Appel en a déduit qu'au regard de ce droit d'alerte et des interrogations persistantes et légitimes sur la nocivité pour la santé du consommateur du quartz de synthèse utilisé pour les plans de travail de cuisine, le caractère manifeste du dénigrement reproché à la société MDY n'est pas établi avec l'évidence requise en référé.

         La Cour de Cassation a relevé que   les rapports de l’IRES, invoqués au soutien de ces affirmations, étaient critiqués tant par les deux experts mandatés par l’association World-Wide que par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui soulignaient que les tests de l’IRES n’avaient pas été réalisés dans des conditions normales d’utilisation par des consommateurs.

         Elle a donc jugé au visa des articles 1240 du code civil et 873, alinéa 1, du code de procédure civile ,que même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l'une, d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l'information en cause ne se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure ,que tel n’était pas le cas en l’espèce.( Cass. Com. 4 Mars 2020. N° 18-15.651)