Par réquisitoire introductif du 6 juin 2018, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Meaux a ouvert une information contre personne non pour des faits harcèlement moral à l’égard de cinq personnes, prise illégale d’intérêts à l’occasion de quatre projets immobiliers, suppression frauduleuse de données contenues dans un système de traitement automatisé concernant un document, usage de sept faux pouvoirs lors de séances du conseil municipal, atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés publics, à l’occasion de quatre marchés publics, et de falsification d’un pouvoir établi au nom d’un conseiller municipal,.

             Par réquisitoire supplétif du 8 novembre 2018, la saisine du juge d’instruction a été étendue à des faits d’atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats à l’occasion d’un marché public en concurrence avec la SCET et d’un marché public visant la réalisation d’un Pôle Santé, ainsi qu’à des faits de prise illégale d’intérêt dans un projet immobilier de SEMOP.

            Par ordonnance du 4 février 2019, le juge d’instruction a décidé de procéder à une perquisition au cabinet de Mme L., avocat, appartenant au cabinet S. et associés, du barreau de Paris.

            Le magistrat instructeur a procédé à cette perquisition, le 6 février 2019, en présence du délégué du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris. Celui- ci s’est opposé à la saisie de documents par le juge d’instruction. Ces documents ont été placés sous scellés fermés, et il a été dressé un procès- verbal des contestations ainsi élevées, qui a été transmis au juge des libertés et de la détention du tribunal de Meaux.

            Le juge des libertés et de la détention a rejeté les contestations.

            La Chambre Criminelle ,au visa des articles 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et 56-1 du code de procédure pénale ,a rappelé que les perquisitions dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué, à la suite d’une décision écrite et motivée prise par ce magistrat, qui indique la nature de l’infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l’objet de celle-ci. Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué. L’absence, dans la décision prise par le magistrat, des motifs justifiant la perquisition et décrivant l’objet de celle-ci, qui prive le bâtonnier, chargé de la protection des droits de la défense, de l’information qui lui est réservée et qui interdit ensuite le contrôle réel et effectif de cette mesure par le juge des libertés et de la détention éventuellement saisie, porte nécessairement atteinte aux intérêts de l’avocat concerné.

            Or en l’espèce, l’ordonnance de perquisition, prise par le juge d’instruction, n’identifie pas les différents marchés publics visés par le réquisitoire introductif, ne contient pas les noms des personnes susceptibles d’avoir été victimes de harcèlement, visées au réquisitoire introductif, ne précise pas le document informatique qui aurait été supprimé de manière illégale, cette précision se trouvant dans le réquisitoire introductif, et n’indique pas la nature des documents qui auraient été falsifiés, ni des faux documents dont il aurait été fait usage. Cette ordonnance ne mentionne pas tous les marchés publics visés par le réquisitoire supplétif, et n’indique pas, en particulier, que la saisine du juge d’instruction s’étendait au projet de SEMOP, alors que des documents relatifs à ce projet ont été saisis par le juge d’instruction au cours de la perquisition.

            La Chambre criminelle de l Cour de Cassation a donc jugé que le bâtonnier, chargé de la protection des droits de la défense, n’a pas reçu, au début de la perquisition, les informations lui permettant de connaître les motifs de celle-ci, ainsi que son objet, qui comprenait la recherche de documents portant sur le marché public du projet de SEMOP, afin de déterminer le degré de participation à celui-ci de l’avocat concerné. Il en résulte que cette imprécision de l’ordonnance de perquisition a porté atteinte aux droits de la défense ; en conséquence, en   ordonnant le versement, au dossier de l’information, de documents saisis au cours d’une perquisition irrégulière, le juge des libertés et de la détention a excédé ses pouvoirs ; Il suit de là que l’annulation de l’ordonnance est encourue. (Cass. Crim. 8 Juillet 2020. N° 19-85.491. JurisData n° 2020-009686.)