Les directives anticipées permettent à une personne majeure d'exprimer sa volonté concernant sa fin de vie pour le cas où, devenue inconsciente, elle ne serait, un jour, plus en mesure de manifester ses souhaits (CSP, art. L. 1111-1). Ces directives ont une utilité certaine si la poursuite des traitements relève d'une obstination déraisonnable. Cela recouvre les cas où les soins sont « inutiles, disproportionnés ou (...) n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». De tels soins peuvent alors être interrompus « conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire » (CSP, art. L. 1110-5-1). S'il est conscient, sa volonté de poursuivre les soins prime sur toute autre considération : elle doit être respectée, alors même qu'il en résulterait une obstination déraisonnable (CE, ord., 28 janv. 2021, n° 448923, inédit : JurisData n° 2021-002296). Dans l'hypothèse où le patient est inconscient, la décision d'arrêter les traitements dispensés, « au titre du refus d'une obstination déraisonnable, ne peut être prise que (...) dans le respect des directives anticipées » (CSP, art. R. 4127-37-2, I). Depuis la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, de telles directives « s'imposent au médecin », sauf si, notamment, elles « apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale » (CSP, art. L. 1111-11, al. 3).

          Toute la question est de savoir ce qu'il faut entendre par « manifestement inappropriée ». Elle s'est posée au Conseil d'État (CE, ord., 19 août 2022, n° 466082, inédit : JurisData n° 2022-014094) qui a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L. 1111-11 du CSP. En l'espèce un patient avait indiqué, dans ses directives anticipées, sa volonté, « dans l'hypothèse où il ne serait plus en mesure de s'exprimer, d'être maintenu en vie, même artificiellement, en cas de coma prolongé jugé irréversible ». L'accident qui le plongea dans un tel état se produisit en mai 2022 et le médecin, à l'issue de la procédure collégiale, entendit arrêter les soins après avoir écarté les directives anticipées, en raison de leur caractère manifestement inapproprié, au motif notamment que la qualité de survie du patient était qualifiée de « catastrophique ». Les requérants soutenaient que l'article L. 1111-11 du CSP conduisait le médecin à mettre fin à la vie du patient contre sa volonté, au mépris du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, ainsi que de la liberté personnelle et de la liberté de conscience. Plus précisément la loi, qui permet au médecin d'interrompre les traitements maintenant en vie le patient sans tenir compte de ses directives lorsqu'elles « sont manifestement inappropriées ou non conformes à la situation du patient », ne serait pas entourée de « garanties suffisantes » dès que lors que ces termes seraient imprécis et confèreraient une marge d'appréciation au médecin trop importante.

          Le Conseil constitutionnel valide le dispositif législatif de façon bien laconique. Considérant qu'il ne lui appartient pas de « substituer son appréciation à celle du législateur », il estime que les dispositions de la loi qui subordonnent, sous le contrôle du juge, la mise à l'écart par le médecin des directives anticipées à ce qu'elles soient « manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale », ne sont « ni imprécises ni ambiguës ». On pourrait ne pas être convaincu par une telle affirmation, dont le caractère péremptoire ne suffit pas, à lui-seul, à effacer le flou d'une notion que le législateur n'a pas pris soin de définir.

          L'intention du législateur permet, néanmoins, d'en préciser le sens. La pêche à une telle intention est bien maigre lorsque l'on se tourne vers les travaux préparatoires de la loi de 2016. Elle est davantage fournie en s'intéressant à sa ratio legis.(veille lexis nexis - La Semaine Juridique Edition Générale n° 46, 21 novembre 2022, act. 1284.- Cons. const. 10 nov. 2022, n° 2022-1022 QPC : JO 11 nov. 2022, texte n° 162- Libres propos par Astrid Marais professeur à l'université de Paris 8)