La loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 introduit un nouveau régime de l'influence commerciale s'attachant à nommer les acteurs de l'influence ainsi que ceux de la régulation de cette activité. . Réitérant des règles déjà portées par le droit positif, elle introduit cependant de redoutables nouveautés pour les opérateurs du secteur

Les motifs formels du droit nouveau. - Quand émerge un nouveau phénomène social, il est toujours difficile de répondre à la question de savoir s'il est besoin de légiférer à son égard. Le droit positif ne suffit-il pas pour appréhender les situations nouvellement suscitées ? Le pouvoir d'interprétation judiciaire n'est-il pas à même de saisir l'existant ? Ce questionnement est d'autant plus fort pour les privatistes, qui grandissent tous dans l'ombre de la sentence de Portalis : « Il faut être sobre de nouveautés en matière de législation » (Discours, rapports et travaux inédits sur le Code civil : Joubert, 1844, p. 5).

La loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 relative à l'influence commerciale n'échappe pas à cette réflexion (V. pour une présentation de l'activité d'influenceur notre étude, Les influenceurs et le droit : D. 2020, p. 92). Le motif principalement avancé par les auteurs de la proposition ayant abouti à la loi ici commentée consiste dans la lutte contre certaines dérives : promotion de « médicaments » contre le cancer ou produits cosmétiques provoquant de graves effets secondaires ; promotion de produits vendus à un prix excessivement élevé au regard de leur prix généralement constaté ; abus du compte personnel de formation ; abonnements à des pronostics sportifs mensongers ; ou encore ventes de produits jamais livrés à leur acheteur (V. Prop. de loi n° 790, visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, 31 janv. 2023. - Étude S. Saber, Influenceurs  : quelle responsabilité pénale ? : RPPI, dossier 8).

Nombre de ces excès pouvaient être réglés par le droit commun des obligations. Lorsque la formation d'un contrat est entachée d'un vice, par exemple lié à une information trompeuse, le droit des contrats fulmine notamment la sanction la plus puissante du droit privé : la nullité (C. civ., art. 1131). Lorsqu'un contractant n'exécute pas la prestation promise, son créancier dispose par ailleurs d'une multitude de remèdes à l'inexécution (C. civ., art. 1217). Le droit de la consommation est au demeurant porteur de techniques similaires.

Les motifs inavoués du droit nouveau. - Il y avait cependant un intérêt définitif à légiférer en ce domaine. En premier lieu, le droit commun que nous ne faisons qu'évoquer n'a visiblement pas suffi à faire peser sur les acteurs de l'influence commerciale un risque à la hauteur des gains retirés d'une telle activité. En ce domaine, comme ailleurs, la violation efficace de la norme joue à plein. C'est la raison pour laquelle le droit nouveau est porteur de sanctions pénales et s'appuie sur la collaboration des plateformes pour assurer l'effectivité de la norme.

 

En second lieu, il fallait aborder une profession pivot de l'influence commerciale : celle d'agent d'influenceur. Ces intermédiaires d'un nouveau genre, souvent établis à l'étranger, comme certains de leurs clients, échappaient à toute emprise de l'ordre juridique français. La loi nouvelle leur octroie un statut original, nous y reviendrons.

En dernier lieu, il convenait à notre avis d'affirmer l'idée fédératrice de la lutte contre les usages excessifs de l'influence sur les réseaux : la loyauté et, à ses côtés, la transparence. Il s'agit là du principal enjeu de la loi nouvelle : non pas interdire l'influence commerciale, mais lui insuffler un degré minimal d'honnêteté. Le droit nouveau permet à l'influence de se déployer sur le marché, mais à des conditions permettant à l'influencé d'en connaître la vraie nature : non pas une opinion ou un contenu entourés du halo protecteur de la liberté d'expression, mais une prestation réalisée à titre onéreux.

La loi nouvelle procède à la création de nouvelles qualifications auxquelles sont adjointes un régime juridique , parfois commun aux différents acteurs de l'influence (1). De façon originale, le législateur désigne ses bras armés, c'est-à-dire les institutions actrices de la régulation de l'influence (2).

1. Les acteurs de l'influence

L'on attendait principalement l'œuvre du législateur à l'égard des acteurs principaux de l'influence commerciale : les influenceurs . La loi nouvelle s'attache également à doter les intermédiaires - les agents d'influenceur - d'un statut juridique propre .

A. – L'influenceur per se

Une définition de l'influenceur. - L'article 1er de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 définit l'influenceur comme étant une personne physique ou morale qui, à titre onéreux, mobilise sa notoriété auprès de son audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d'une cause quelconque. Cette définition, des plus englobantes, appelle les remarques suivantes.

En premier lieu, le caractère moral de la personne de l'influenceur pourrait étonner. Filant l'aphorisme attribué à Duguit selon lequel l'on n'a jamais déjeuné avec une personne morale, l'on pourrait dire que l'on n'a jamais vu une personne morale se mettre en scène sur les réseaux sociaux. Certes, mais le législateur a en réalité souhaité appréhender les influenceurs exerçant tant sous la forme individuelle que sous une forme sociale. La personne morale est donc parfois cocontractante d'un annonceur et s'engage, à ce titre, à exécuter une prestation d'influence qui, concrètement, sera le fait de son associé ou représentant, personne physique jouissant d'une véritable notoriété. Il y a ici une assimilation qui confine à l'anthropomorphisme : dénuée de toute popularité, la personne morale emprunte sa notoriété à la personne physique qui en est membre et peut recevoir la qualité d'influenceur.

En second lieu, la prestation saisie par la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 n'est qu'une prestation « électronique », c'est-à-dire numérique. Ne relèvent donc pas du nouveau régime de l'influence commerciale les autres prestations que peuvent réaliser les influenceurs hors des réseaux : opérations de streetmarketing ; séances de dédicaces ou de rencontres ; prises de parole en public ; mannequinat destiné à des canaux de diffusion non numériques, etc. L'on regrettera un tel cantonnement du droit nouveau : l'influence commerciale, quelle qu'en soit la forme, doit relever de la transparence et de la loyauté qu'appelle le législateur. À notre sens, le public a autant intérêt à savoir d'où parle l'influenceur, qu'il l'observe sur son téléphone ou dans la rue.

En troisième lieu, la loi nouvelle vise tout contenu sans distinguer selon que l'influenceur est ou non l'auteur de ce dernier. En pratique, l'influenceur crée un contenu à l'aide d'éléments de langage notamment fournis par l'annonceur. Dans d'autres hypothèses, l'influenceur ne fait que mettre son image à disposition de l'annonceur qui joue un rôle prépondérant dans la création du contenu.

En dernier lieu, la loi appréhende la promotion d'une « cause quelconque », ce qui semble signifier que la relation qu'une association, une fondation ou un autre groupement à vocation non-lucrative comme un musée ou un syndicat pourrait nouer avec un influenceur relèvera du nouveau régime de l'influence.

L'influence en transparence. - Il s'agit de l'apport principal du droit nouveau : imposer la révélation, par l'influenceur, du caractère commercial du contenu diffusé par l'influenceur. L'article 5 de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 dispose que doit être apposé sur le contenu la mention « publicité » ou « collaboration commerciale ». Cette mention doit être claire, lisible et identifiable sur l'image ou sur la vidéo, sous tous les formats, durant l'intégralité de la promotion.

Une même transparence devra toucher les éventuelles retouches des images diffusées par l'influenceur. Sont ici principalement visés les filtres disponibles sur certains réseaux sociaux et permettant de modifier l'apparence de l'influenceur. L'utilisation d'un tel procédé devra s'accompagner de la mention « images retouchées ». Quant à l'utilisation de l'intelligence artificielle à des fins identiques, la mention « images virtuelles » devra être apposée sur l'image ou la vidéo.

Enfin, la transparence que le législateur souhaite promouvoir consiste à imposer à l'influenceur le respect de l'obligation d'information précontractuelle prévue par l'article L. 221-5 du Code de la consommation, applicable aux contrats conclus à distance. Cette disposition exige une information du consommateur non seulement à l'égard du prix et des caractéristiques essentielles du bien ou du service, mais également sur le délai dans lequel le fournisseur s'engage à livrer le bien ou à fournir le service ; son identité, ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques, les modalités de résiliation, les modes de règlement des litiges, et les autres conditions contractuelles. L'ampleur de cette obligation bouleverse la pratique de nombre d' influenceurs qui se contentent bien souvent de mettre en situation le produit, sans autre information.

L'influence interdite. - La transparence n'est pas la seule ligne directrice du droit nouveau. Le législateur a estimé que certains secteurs d'activité ne sauraient faire l'objet d'une influence commerciale. Il en ressort l'idée que l'on ne saurait, plus généralement, faire la promotion de certains comportements considérés comme risqués pour le public.

C'est la raison pour laquelle l'article 4 de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 dresse une liste de biens ou services à propos desquels l'influence commerciale est interdite. En relèvent notamment les opérations esthétiques et pseudo-thérapeutiques, les pronostics sportifs, ou encore certains produits et services financiers. L'on signalera à cet égard que le législateur entend interdire l'influence commerciale dans le secteur des crypto-actifs, à moins que cette influence soit le fait d'un prestataire de service sur actifs numériques. Par ailleurs, l'influence en matière de jeux d'argent doit respecter les dispositions applicables aux communications commerciales relatives aux jeux d'argent et de hasard (CSI, art. L. 320-1 et s.).

La responsabilité de l'influenceur. - L'article 6 de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 délimite les obligations de l'influenceur en tant que maillon de la chaîne de distribution des produits et services qu'il promeut. Cette délimitation, particulièrement lourde pour les influenceurs , risque de porter un coup d'arrêt au développement de l'activité d'influenceur, en ne laissant persister que les véritables « entreprises d'influence », structurées et assurées.

En effet, il est prévu que les influenceurs qui commercialisent (sans les livrer) des produits vendus par un fournisseur « sont responsables de plein droit à l'égard de l'acheteur, au sens de l'article 15 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ». Ledit article 15, qui figure à l'article L. 221-15 du Code de la consommation, rappelons-le, prévoit une responsabilité « de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat ». Raisonner ainsi revient à faire de l'influenceur une sorte de ducroire légal, que l'on rencontre ailleurs en droit de la distribution, mais qui est généralement d'origine contractuelle. L'influenceur relève donc désormais du droit commun du commerce numérique.

L'influenceur doit par ailleurs s'assurer que les produits qu'il vante sont disponibles et licites. Voilà consacré un devoir de due diligence de l'influenceur qui, selon nous, devrait être une obligation de moyens consistant à s'enquérir auprès du fournisseur des justificatifs nécessaires auprès du fournisseur.

La localisation de l'influenceur. - Sur ce point encore le législateur était très attendu eu égard à la localisation parfois lointaine de certains influenceurs . La présence d'un élément d'extranéité complexifie, ici comme ailleurs, l'application du droit français, notamment en l'absence de structure localisée sur le territoire et susceptible de répondre des actes de l'influenceur. Le choix a donc été fait de s'inspirer de ce qui sera demain le droit commun des plateformes numériques et prévu par le règlement du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques (DSA) (PE et Cons. UE règl. (UE) 2022/2065, 19 oct. 2022 ; Étude E. Dubout, Gouverner la parole en ligne : les défis du Digital Services Act : JCP G 2023, doctr. 220). Celui-ci prévoit, en son article 13, que « Les fournisseurs de services intermédiaires qui n'ont pas d'établissement au sein de l'Union, mais qui proposent des services dans l'Union désignent, par écrit, une personne morale ou physique pour agir comme leur représentant légal dans un des États membres dans lequel le fournisseur propose ses services ».

L'article 9 de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 prévoit dans le même sens que l'influenceur non établi sur le territoire de l'espace économique européen désigne « par écrit une personne morale ou physique pour assurer une forme de représentation légale sur le territoire de l'Union européenne ». L'on note immédiatement la piètre rédaction du texte français : que signifie en effet « une forme de représentation légale » ? Ou bien une personne est un représentant légal, ou bien elle ne l'est pas. Dans un cas, elle est titulaire des pouvoirs et responsabilités que la loi lui octroie ; dans l'autre, ces derniers peuvent être limités. Le texte européen est sur ce point beaucoup plus clair et fait du « point d'attache » désigné par la plateforme un représentant légal de plein exercice. Toujours est-il que la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 institue le quasi-représentant de l'influenceur interlocuteur des autorités administratives et judiciaires. Ce représentant a également pour mission de « garantir la conformité des contrats » de l'influenceur. La loi nous semble excessivement imprécise sur ce point. Le représentant est-il tenu d'une obligation de moyens ? De résultat ? Est-il responsable solidairement ou conjointement avec l'influenceur ? Le texte européen nous semble sur ce point encore plus clair que la loi nouvelle : « le représentant légal désigné peut être tenu pour responsable du non-respect des obligations prévues dans le présent règlement, sans préjudice de la responsabilité du fournisseur de services intermédiaires et des actions en justice qui pourraient être intentées contre lui ».

B. – L'agent d'influenceur

Une définition de l'agent d'influenceur. - L'article 7 de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 définit l'activité d'agent d'influenceur comme celle consistant à « représenter, à titre onéreux, les personnes physiques ou morales exerçant l'activité d'influence commerciale par voie électronique ». Cette formulation appelle trois remarques. D'abord, la forme de l'agent n'est pas précisée par la loi nouvelle, ce qui amène à considérer indifféremment l'agent personne physique et l'agent personne morale. Ensuite, il est spécifié que relève du statut d'agent d'influenceur l'intermédiaire agissant à titre onéreux, et donc à titre professionnel. Enfin, l'agent d'influenceur exerce une mission de représentation. C'est dire qu'il pourrait être un mandataire au sens de l'article 1984 du Code civil. Dans ces conditions, pourrait se poser la question de la qualification de mandat d'intérêt commun, amené à être consacré par la réforme du droit des contrats spéciaux (avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, juill. 2022, art. 2020 : JCP G 2022, act. 548 ; JCP G 2023, act. 472). Cela aurait le cas échéant pour effet de restreindre considérablement la liberté de rupture du contrat d'agent.

Une nouvelle manifestation du dirigisme contractuel. - L'on sait combien il est fréquent que la protection d'une partie faible suscite une action législative sur le contenu des contrats qu'elle conclut. L'histoire des contrats d'assurance (C. assur., art. L. 112-2 et s.), de consommation (C. consom., art. L. 211-1 et s.) ou, plus récemment, de distribution (C. com., art. L. 441-3 et s.) en fournit une éclatante illustration.

L'article 8 de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 s'inscrit dans ce lignage et exige, à peine de nullité, qu'un écrit fixe la relation d'agence d'influenceur et exige qu'un certain nombre de clauses et mentions y figurent : identité des parties, mission confiée, rémunération en font partie.

Étonnante et inédite est cependant l'obligation de stipuler dans le contrat d'agence « la soumission du contrat au droit français, notamment au Code de la consommation, au Code de la propriété intellectuelle et à la présente loi, lorsque ledit contrat a pour objet ou pour effet de mettre en œuvre une activité d'influence commerciale par voie électronique visant notamment un public établi sur le territoire français » (L. n° 2023-451, 9 juin 2023, art. 8). Même le droit de la consommation n'avait jusqu'ici osé entamer la loi d'autonomie pourtant d'application générale, y compris en présence d'un contrat conclu avec un consommateur (V. PE et Cons. UE, règl. (CE) n° 593/2008, 17 juin 2008, Rome I, art. 6-2). Le critère de rattachement au droit français via l'atteinte au marché est connu, notamment par l'effet de l'article 6 du Règlement Rome II. Il n'en demeure pas moins qu'en matière contractuelle il est de principe que, sauf exception prévue par le droit international privé, les parties ont la liberté de choisir la lex contractus. Celle-ci aurait d'ailleurs pour spécificité d'être, en matière de contrat d'agence, doublement applicable : en vertu de la loi et en vertu d'une clause d'electio juris.

La responsabilité de l'agent d'influenceur. - Cette responsabilité devrait être celle de tout mandataire en vertu des articles 1991 et suivants du Code civil. La loi nouvelle institue cependant une redoutable solidarité entre l'agent, l'influenceur et l'annonceur. L'article 8-III dispose en effet que ces trois protagonistes « sont solidairement responsables des dommages causés aux tiers dans l'exécution du contrat d'influence commerciale qui les lie ». Cette affirmation appelle deux remarques. D'abord, l'on comprend que la solidarité est instituée afin de maximiser les chances d'indemnisation d'un tiers victime, celui-ci ayant la liberté d'agir contre l'un quelconque de ses débiteurs, le plus solvable. Ensuite, la formulation adoptée par le législateur entretient une confusion entre l'opération d'influence commerciale et les contrats qui la rendent possible. Cependant, il y a comme une confusion entre l'ensemble contractuel et le contenu de celui-ci. En effet, le législateur semble sous-entendre qu'un contrat unique est conclu entre l'annonceur, l'agent et l'influenceur. Or, rien n'indique dans la loi ni dans la pratique qu'il en soit ainsi. Plus vraisemblablement, un annonceur se rapproche d'un agent qui lui présentera un influenceur. À ce stade, l'annonceur pourrait contracter avec l'agent, celui-ci recourant aux services de l'influenceur désigné dans le cadre d'une promesse de porte-fort ou d'une sous-traitance ; ou bien l'annonceur pourrait contracter directement avec l'influenceur, celui-ci devant verser à son agent une commission sur les sommes qu'il reçoit à titre de rémunération. Étrange mélange des contrats, en somme, qui n'est pas sans évoquer ce que l'on rencontre ailleurs en droit des contrats. Ainsi de la solidarité existant entre le fabricant d'un ouvrage et le locateur d'ouvrage (C. civ., art. 1245-7 et art. 1792-4) ou encore de la solidarité entre les vendeurs successifs d'une chose (Cass. com., 5 mai 1972, n° 70-12.906).

2. Les acteurs de la régulation

La loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 habilite deux catégories d'acteurs aux fins d'assurer la mise en œuvre du droit nouveau. Il s'agit des plateformes numériques d'une part ; des agents de l'Administration, d'autre part.

A. – Les plateformes

Lutte contre les contenus illicites. - Les prestataires de services en ligne sont constamment mobilisés pour assurer l'efficacité du droit du numérique et assurer notamment la suppression des contenus illicites. En droit interne, cette mobilisation résulte principalement la loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004. En droit européen, le règlement DSA précité s'inscrit dans la même perspective (V. spéc. ses art. 16 et s.). La loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 ajoute au droit existant en créant dans la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 un article 6-4-1, lequel dispose que « les fournisseurs de services d'hébergement mettent en place des mécanismes permettant à toute entité ou à tout particulier de leur signaler la présence au sein de leur service d'éléments d'information spécifiques que le particulier ou l'entité considère comme du contenu illicite, y compris au regard de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 ».

Est par ailleurs créé un nouvel article 6-4-2 disposant que « les fournisseurs de plateformes en ligne prennent les mesures nécessaires pour veiller à ce que les notifications soumises par des signaleurs de confiance soient traitées prioritairement ».

Le nouvel article 6-6 dispose quant à lui que « les fournisseurs de services intermédiaires prennent les mesures nécessaires pour donner suite, dans les meilleurs délais, aux injonctions d'agir émises par les autorités judiciaires ou administratives nationales compétentes ».

La gémellité existant entre le droit interne et le règlement DSA est d'autant plus forte qu'il est prévu que ces nouvelles dispositions n'entreront en vigueur que lorsque le règlement européen le sera, soit le 17 février 2024.

Un rôle identique à propos des mineurs. - Ce rôle de gendarme attribué aux plateformes en matière d'influence commerciale trouve sa source antérieurement à la loi du 9 juin dernier. Rappelons en effet que l'article 4 de la loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020, visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne, prévoit que les services de plateforme de partage de vidéos doivent prendre toute mesure utile pour empêcher le traitement à des fins commerciales, telles que le démarchage, le profilage et la publicité basée sur le ciblage comportemental, des données à caractère personnel de mineurs qui seraient collectées par leurs services à l'occasion de la mise en ligne par un utilisateur d'un contenu audiovisuel où figure un mineur. Cette disposition, précurseure de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023, s'applique tout particulièrement aux situations dans lesquelles des parents mettent en scène leurs enfants à des fins d'influence commerciale.

B. – L'Administration

Droit nouveau et pratiques commerciales. - Comme très souvent en droit économique, l'Administration joue un rôle prépondérant dans la surveillance du comportement des entreprises. Afin d'inviter l'Administration et ses agents à appréhender les comportements qui s'écarteraient du droit nouveau, il fallait d'abord lui faire rencontrer le droit de la consommation (V. en effet C. consom., art. L. 511-1 et s.). C'est chose faite avec l'article 5 de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023, qui dispose que la violation de l'obligation de mentionner le caractère commercial d'un contenu constitue une pratique commerciale trompeuse par omission au sens de l'article L. 121-3 du Code de la consommation. Le contenu de cet article nous semblait à vrai dire suffisant à relier influence commerciale occulte et pratique commerciale trompeuse : « une pratique commerciale est également trompeuse (...) lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte ».

D'autres violations relèvent également de la matière pénale et sont sanctionnées par des peines d'amende ou d'emprisonnement (V. not. L. n° 2023-451, 9 juin 2023 in fine, art. 14). C'est dire qu'en ce domaine d'autres agents, ceux du Parquet, auront vocation à intervenir.

Fortification des pouvoirs de l'Administration. - La loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 déborde de son lit pour toucher le droit commun des pouvoirs de l'Administration en matière d'infractions économiques. Elle amplifie considérablement à ce titre l'article L. 521-1 du Code de la consommation.

Désormais, toute injonction de cesser un manquement ou une infraction peut être assortie d'une astreinte journalière ne pouvant excéder un montant de 3 000 €, dans la limite générale de 300 000 €.

Par ailleurs, lorsque l'infraction constatée est passible d'une amende d'au moins 75 000 €, l'astreinte prononcée pourra être déterminée en fonction du chiffre d'affaires mondial hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos de la personne morale contrôlée, sans pouvoir excéder 0,1 % de celui-ci. Le total des sommes demandées au titre de la liquidation de l'astreinte ne peut excéder 5 % du chiffre d'affaires mondial hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos.

Le président de l'Autorité des marchés financiers voit enfin ailleurs ses pouvoirs de mise en demeure étendus aux activités qui violeraient les règles du droit financier et susceptibles de croiser l'orbite de l'influence financière. Ainsi du nouvel article L. 621-13-5-I-1 bis applicable aux « opérateurs offrant des services d'investissement ou de gestion de placements collectifs en ligne non agréés en application de l'article L. 532-9 » du Code monétaire et financier. (( Tristan Girard-Gaymard La Semaine Juridique Edition Générale n° 26, 03 juillet 2023, act. 796 .Tristan Girard-Gaymard enseignant.)