Se plaignant notamment d'un défaut de conformité des hauteurs sous plafond, M. et Mme Da Silva ont, après expertise, assigné les locateurs d'ouvrage et leurs assureurs en sollicitant l'indemnisation de leur préjudice à hauteur du coût de la démolition et de la reconstruction de l'ouvrage.
La Cour d’Appel de Rennes a fait droit à la demande indemnitaires des époux Da Silva, à hauteur du montant de la démolition et de la reconstruction de la maison, en énonçant que cette solution a été proposée par l’expert qui n’a pas relevé que la démolition-reconstruction de l'immeuble était disproportionnée.
La société A2D et la MAF se sont pourvus en cassation en soutenant que :
« que le juge doit apprécier la proportionnalité entre la demande indemnitaire du maître d'ouvrage, d'un montant équivalant au coût des travaux de démolition et de reconstruction de l'ouvrage, et l'absence ou le caractère limité des conséquences dommageables de la non-conformité affectant l'ouvrage ;
…il appartient au juge d’opérer lui-même un contrôle de proportionnalité entre la réparation du préjudice subi et la gravité des non-conformités présentées par l'ouvrage, qu’à défaut de l’avoir fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
La Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation au visa des articles 1147, 1149 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 , a jugé que :
-1- le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
-2-. les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit (3e Civ., 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.869, Bull. 2009, III, n° 170).
-3- Il est jugé, au visa du troisième, que la demande de démolition et de reconstruction d'un ouvrage en raison des non-conformités qui l'affecte peut ne pas être accueillie si elle se heurte au principe de proportionnalité du coût de celle-ci au regard des conséquences dommageables des non-conformités constatées (3e Civ., 17 novembre 2021, pourvoi n° 20-17.218, publié).
-4- En conséquence, la demande de démolition et de reconstruction peut faire l'objet d'un contrôle de proportionnalité lorsqu'elle est formée au titre de l'exécution forcée ou en nature du contrat, tandis que si elle est présentée sous le couvert d'une demande de dommages-intérêts d'un montant égal à celui de la démolition et de la reconstruction, le juge saisi, qui apprécie souverainement les modalités de réparation et leur coût, n'est pas tenu à un tel contrôle.
-5-Il résulte des considérations qui précédent que le juge saisi d'une demande de démolition-reconstruction d'un ouvrage en raison des non-conformités qui l'affectent, que celle-ci soit présentée au titre d'une demande d'exécution forcée sur le fondement de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ou, depuis la date d'entrée en vigueur de cette ordonnance, sur le fondement de l'article 1221 du même code, ou sous le couvert d'une demande en réparation à hauteur du coût de la démolition-reconstruction, doit rechercher, si cela lui est demandé, s'il n'existe pas une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier au regard des conséquences dommageables des non-conformités constatées.
-6-En l’espèce la Cour d’Appel de Rennes, en se déterminant sans avoir recherché, comme il le lui était demandé, si la solution réparatoire consistant en la démolition-reconstruction du complet ouvrage n'était pas manifestement disproportionné au regard des conséquences dommageables des non-conformités retenues, qui ne s'est déterminée qu'en fonction du coût comparé des solutions réparatoires entre elles, n'a pas donné de base légale à sa décision. (Cass.Civ.III°.6 juillet 2023.N° 22-10.884.)
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