Les opérations de défiscalisation immobilière interviennent le plus souvent dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement précédée de la signature d’un contrat préliminaire de réservation.

Dans le  cadre du contentieux lié à ce type d’opérations, et pour essayer d’obtenir la nullité de la vente,  l’investisseur conclut fréquemment devant les Tribunaux à la nullité du contrat préliminaire (souvent sur le fondement de la violation des dispositions du Code de la consommation relatives au démarchage) et suivant, comme conséquence de cette nullité, à celle de l’acte authentique présenté comme indissociable du contrat préliminaire dont il serait la suite et la conséquence.

En poursuivant la nullité de l’acte authentique de vente qui si elle est prononcée entraîne la résolution du contrat de prêt, l’investisseur, avec les effets rétroactifs attachés à la nullité de la vente et à la résolution du prêt (vente et prêt sont censés n’avoir jamais existé), caresse l’espoir d’être replacé dans la situation qui était la  sienne avant la réalisation de l’opération. 

En l’état de la jurisprudence, et sous la réserve toutefois d’hypothèses d’espèce bien particulières dans lesquelles il peut être démontré que l’avant-contrat n’est pas un contrat préliminaire de réservation au sens de l’article L. 261-15 du Code de la construction et de l’habitation (ci-après le "CCH"), un tel moyen a malheureusement, pour l’investisseur, bien peu de chance de prospérer et, corrélativement, son espoir "d’effacer" l’investissement malheureux, de grandes chances d’être déçu.

En effet, il est aujourd’hui quasiment toujours jugé que le contrat préliminaire de réservation au sens de l’article L. 261-15 du CCH constitue un contrat autonome de l’acte authentique de vente et, comme conséquence logique de cette autonomie, que la nullité de l’avant-contrat n’emporte pas celle de l’acte authentique.

Est-ce à dire pour autant que la nullité du contrat préliminaire de réservation au sens de l’article L. 261-15 du CCH est insusceptible d’affecter la validité de l’acte authentique de vente ?

Telle n’a pas été la position adoptée par la Cour d’appel d’Angers qui a vu son raisonnement validée le 12 avril 2018 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (n° pourvoi 17-13118) dans un arrêt qui, selon la formule consacrée, a eu les honneurs d’une publication au Bulletin.

Il convient de rappeler que :

  • conformément aux dispositions de l’article L. 271-1 du CCH, l'acquéreur non professionnel d'un bien immobilier à usage d’habitation dispose (i) en présence d’un avant-contrat (comme un contrat préliminaire de réservation au sens de l’article L. 261-15 du CCH), d'un délai de rétractation de 7 jours, qui court à compter de remise ou de notification de l’avant-contrat, (ii) en l’absenced’avant-contrat, d’un délai de rétractation de 7 jours (qualifié de délai de réflexion) qui court à compter de la notification ou de la remise du projet d'acte authentique effectuée selon les mêmes modalités que celles prévues pour le délai de rétractation
  • s’agissant spécifiquement de la situation dans laquelle aucun avant contrat n’a été conclu l’article L. 271-1 al. 5 du CCH dispose que :"Lorsque le contrat constatant ou réalisant la convention est dressé en la forme authentique et n'est pas précédé d'un contrat préliminaire ou d'une promesse synallagmatique ou unilatérale, l'acquéreur non professionnel dispose d'un délai de réflexion de sept jours à compter de la notification ou de la remise du projet d'acte selon les mêmes modalités que celles prévues pour le délai de rétractation mentionné aux premier et troisième alinéas. En aucun cas l'acte authentique ne peut être signé pendant ce délai de sept jours".
  • si l’article L. 271-1 al. 5 précité du CCH ne prévoit pas spécifiquement la nullité de l’acte authentique en cas de signature avant l’expiration du délai de 7 jours, la rédaction à tout le moins "impérative" adoptée par le législateur ("en aucun cas") laisse planer peu de doute quant à la sanction : l’acte authentique signé en violation des dispositions de l’article L. 271-1 al. 5 du CCH encoure la nullité

Ceci étant rappelé, le raisonnement adopté par la Cour de cassation dans l’arrêt précité du 12 avril 2018 est le suivant :

  • en raison de la nullité du contrat préliminaire qui est nul et de nul effet et doit donc être considéré comme n’ayant jamais existé, l’investisseur se trouve dans la situation visée à l’article L. 271-1 al. 5 du CCH et aurait du en conséquence bénéficier d’un délai de réflexion de 7 jours à compter de la notification du projet d’acte authentique,
  • en l’absence de bénéfice d’un tel délai de réflexion et pour ce seul motif, l’acte authentique est nul.

"Mais attendu qu'ayant exactement retenu que, le contrat de réservation, qui était un contrat distinct et autonome du contrat de vente, étant nul, M. X... se trouvait dans la situation visée au cinquième alinéa de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation et constaté qu'il n'avait pas bénéficié d'un délai de réflexion, la cour d'appel a déduit, à bon droit, de ces seuls motifs que la vente devait être annulée"

Notre Cabinet ne peut qu’approuver une telle décision qui valide un raisonnement que nous avions déjà fait nôtre et qui est source d’espoir pour toutes les victimes d’opération de défiscalisation immobilière dont le contrat préliminaire, conclu il y a moins de 5 années, serait affecté d’une cause de nullité.

Sous les réserves d’usage, il apparaît que ces investisseurs devraient pouvoir se saisir de la solution dégagée par cet arrêt du 12 avril 2018  pour pouvoir obtenir la nullité de l’acte authentique de vente.