Lorsqu’un investisseur lésé par une opération de défiscalisation immobilière saisit la justice d’une demande en nullité de la vente il est assez fréquent que la question du sort des loyers perçus par l’investisseur ne soit pas soumise au Tribunal devant statuer sur la validité de l’acte de vente mais soit, lorsque la nullité est effectivement prononcée, réglée à l’amiable entre les conseil de l’investisseur et du promoteur.

Au plan pratique tout d’abord, un tel traitement amiable des restitutions entre les parties paraît devoir être privilégié.

En effet, et sur la question des restitutions s’amorce souvent un intense débat (lourd de chiffres et de calculs) pour lequel la  correspondance entre avocats semble plus adaptée que le cadre, nécessairement plus formel, des échanges d’écritures et de pièces à l’occasion d’une procédure judiciaire.

En droit de surcroît, et du côté du promoteur, ne pas élever dans le cadre de l’instance devant se prononcer sur la validité de la vente, de prétentions concernant les loyers perçus par l’investisseur, ne doit pas en principe avoir pour effet de le priver de la possibilité, si la nullité venait effectivement à être prononcée et au cas où les parties ne parvenaient pas ensuite à  s’accorder à l’amiable sur les comptes de restitution, de saisir le juge de telles prétentions (voir en ce sens notamment Cour d’appel de Reims, 7 mai 2007, RG 05/03043).

Ceci étant précisé, que le sort des loyers perçus par l’investisseur soit traité au cours même de l’instance devant se prononcer sur la validité de l’acte de vente ou bien postérieurement (à l’amiable ou à l’issue d’une autre procédure judiciaire), se pose la question des règles de droit applicables à la dette de restitution de l’investisseur.

Sur ce sujet, il convient de rappeler que, jusqu’à une époque encore récente, le Code civil ne contenait aucune disposition particulière relative aux restitutions consécutives à la nullité d’un acte juridique.

Le sort des loyers perçus par l’investisseur en cas de nullité de la vente était alors réglé par référence aux dispositions des articles 548 à 550 du Code civil figurant sous un chapitre intitulé "Du droit d'accession sur ce qui est produit par la chose".

En application de ces articles, il était admis que l’investisseur fasse sien les fruits (i.e. les loyers) perçus de bonne foi (article 549 du Code civil).

Les seuls loyers à répéter (au demeurant nets des impenses exposées pour leur perception en application de l’article 548 du Code civil) étaient donc alors ceux perçus à compter de la date à laquelle l’investisseur cessait d’être de bonne foi, c’est à dire à compter du moment où les vices affectant l’acte de vente lui étaient connus (article 550 alinéa 2 du Code civil).

Classiquement, la jurisprudence faisait coïncider ce moment (de basculement dans la "mauvaise foi") avec la date de l’assignation en nullité de la vente (voir en ce sens notamment Cour d’appel de Reims, 1ère chambre civile, 7 mai 2007, RG 05/03043; Cass., 3ème civ., 7 juin 2011, RG 09/70998  ou encore Cour d’appel de Reims, 15 avril 2014, RG 12/01932).

Avec l’Ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, le législateur a estimé nécessaire d’intégrer dans le Code civil, sous les articles 1352 et suivants, un chapitre entier dédié aux restitutions.

Sans qu’il soit opportun aux fins des présentes de rentrer dans tous les détails de ce chapitre contenant dix articles, il convient de souligner que, pour le contentieux qui nous intéresse ici (le contentieux de la défiscalisation immobilière), ce nouveau régime paraît moins favorable aux investisseurs.

En effet, et alors qu’autrefois, les effets de la rétroactivité attachés à la nullité de la vente  étaient tempérés par la prise en compte de la bonne foi de l’investisseur, le nouveau régime issu de l’Ordonnance précitée du 10 février 2016 ne semble plus permettre de distinguer selon que loyers ont été perçus de bonne ou de mauvaise foi.

L’article 1352-3 al. 1 du Code civil issu de l’Ordonnance précitée en disposant que "La restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée" fait une stricte application de la rétroactivité.

Si la solution est à l’évidence moins favorable aux investisseurs (qui devront restituer tous les loyers perçus depuis la date d’acquisition et non plus les seuls loyers perçus à compter de la date de l’assignation), il n’en demeure pas moins qu’en pratique l’action en nullité demeure une solution intéressante pour l’investisseur lésé par une opération de défiscalisation immobilière.

L’écart entre le prix d’acquisition des biens et leur valeur vénale est en effet le plus souvent tel que même si l’investisseur doit répéter tous les loyers, la nullité reste une issue enviable.

Au demeurant, il convient de préciser que le nouveau régime  issu de l’Ordonnance n’a pas vocation à s’appliquer à tous les contentieux.

L’article 9 de l’Ordonnance modifié par la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 dispose en effet que :

"Les dispositions de la présente ordonnance entreront en vigueur le 1er octobre 2016.

Les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d'ordre public.

Toutefois, les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article 1123 et celles des articles 1158 et 1183 sont applicables dès l'entrée en vigueur de la présente ordonnance.

Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente ordonnance, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation".

Sur le fondement de ces dispositions, il a d’ores et déjà été jugé,  et à plusieurs reprises, que le nouveau régime de restitution n’avait pas à s’appliquer aux contrats conclus antérieurement au 1er octobre 2016 (voir en ce sens notamment  Cour d’appel d’Amiens, 9 mai 2017, RG 14/05201 et Cour d’appel de Rouen, 22 novembre 2017, RG 16/04762).