Si un investissement locatif réalisé par une personne physique peut bien entendu être intégralement financé sur fonds propres, il est usuel d’avoir recours à un concours bancaire.

Et il est parfois des situations où malheureusement l’investisseur peine à honorer les échéances de son prêt. Si face à ces difficultés des solutions correctives ne sont pas, ou bien ne peuvent, être rapidement apportées, alors la banque, en cas d’impayés, procédera à la déchéance du terme et engagera une procédure de saisie immobilière qui se soldera par la vente forcée ou éventuellement amiable du bien.

Et il ne sera pas rare en pratique que le prix de vente soit alors inférieur (parfois très significativement) au montant des la créance de la banque. Tel est fréquemment le cas des biens acquis dans le cadre d’un dispositif fiscal de faveur.

En pareille hypothèse (i.e. où le prix net de vente ne permet pas de rembourser la dette), et pour recouvrer le solde lui restant dû, la banque devra conformément aux dispositions de l’article L. 218-2 du Code de la consommation ("L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans") diligenter des mesures d’exécution dans un délai de deux ans  à compter de la date de distribution du prix de vente.

Et il arrivera de temps en temps (pour le plus grand bonheur des investisseurs et de leurs conseils) que ce délai de deux ans ne soit pas respecté.

Pour pallier aux conséquences de leur inertie et lorsque assignés devant le Juge de l’exécution, les établissements bancaires seront parfois tentés de faire valoir que le prêt souscrit se rattache en fait à une activité professionnelle (même accessoire) de location de leur client et que dans ces conditions, il y a lieu d’écarter la prescription biennale prévue au seul bénéfice des consommateurs pour faire application du délai de prescription de droit commun (i.e. la prescription quinquennale).

Quel est le mérite d’un tel argumentaire ?

L’analyse de la jurisprudence fait d’abord apparaître que l’inscription au Registre du Commerce et des Sociétés en qualité de loueur meublé professionnel est un élément suffisant de qualification de l’activité de location développée par un particulier en activité professionnelle (Cass., 1ère civ., 22 juin 2017, numéro pourvoi 16-18.718 ; Cass., 1ère civ., 6 décembre 2017, numéro pourvoi 16-10.341 ; Cass., 1ère civ., 23 janvier 2019, numéro pourvoi 17-23.917 ; Cass., 1ère civ., 8 janvier 2020, numéro pourvoi 17-27.073).

Ainsi, et si à la date du prêt, un particulier est inscrit au Registre du Commerce et des Sociétés en qualité de loueur meublé professionnel, alors il doit être considéré comme un professionnel.

La jurisprudence enseigne aussi que l’absence d’inscription au Registre du Commerce et des Sociétés en qualité de loueur meublé professionnel n’exclue pas ipso facto la qualification de l’activité de location développée par un particulier en activité professionnelle (Cass., 1ère civ., 6 juin 2018, numéro pourvoi 17-16.519).

Encore faudra-t-il bien entendu dans cette hypothèse que la banque soit en mesure de rapporter la preuve que l’activité de location ainsi développée par son client est importante.

Sous les réserves d’usage, le caractère important de l’activité de location devra être apprécié in concreto en tenant compte notamment de la proportion des revenus générés par cette activité par rapport aux revenus globaux de l’emprunteur.

Dans une espèce qui concernait un prêt souscrit en leur nom propre par des particuliers pour l’acquisition d’un bien à usage locatif dans le cadre du dispositif "Monuments Historiques", la banque invoquait le fait qu’au moment de la date de conclusion du contrat, les emprunteurs, exploitants d’une société de menuiserie, étaient par ailleurs associés d’une société civile immobilière propriétaire des locaux donnés à bail à leur société de menuiserie (société dont la liquidation judiciaire sera à l’origine des problèmes financiers du couple).

Par Jugement du 28 août 2023 (RG 22/02489), le Juge de l’exécution près le Tribunal judiciaire de Blois a considéré que pour apprécier si les emprunteurs pouvaient être considérés comme développant à titre professionnel une activité accessoire de location, il n’y avait pas lieu de tenir compte des revenus fonciers (au demeurant minimes) générés par la société civile immobilière.

Pour parvenir à cette solution, le Juge a rappelé tout d’abord que la SCI possédait une personnalité juridique distincte de celle de ses associés. Le Juge de l’exécution a ensuite et surtout retenu qu’en tout état de cause l’activité de location ici concernée ne pouvait être considérée comme une activité professionnelle distincte de l’activité professionnelle des emprunteurs puisque justement la location portait sur des locaux techniques nécessaires à l’exploitation de leur société de menuiserie.

Cette solution qui est à approuver a vocation à s’appliquer à quantité de situations pratiques. L’acquisition (directement ou via une SCI) de leurs locaux professionnels est en effet un schéma patrimonial des plus classiques chez les entrepreneurs et professionnels libéraux.

En dehors des deux hypothèses précitées (inscription au Registre du Commerce et des Sociétés en qualité de loueur meublé professionnel et/ou activité importante de location), la banque ne devrait pas pouvoir échapper au jeu de la prescription biennale.

Il sera vain par exemple pour elle de tenter d’exciper du caractère spéculatif du prêt.

Dans un arrêt du 22 septembre 2016, la première chambre civile de la Cour de cassation (numéro pourvoi 15-18.858) a en effet jugé que "ne perd pas  la qualité de consommateur la personne physique qui, agissant à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, souscrit un prêt de nature spéculative".

Il sera  enfin signalé qu’il sera totalement vain pour la banque de soutenir que son client était un emprunteur averti. Dans un arrêt du 3 septembre 2015 (n° C-110/14) qui concernait un prêt souscrit par un Avocat, la Cour de Justice de l’Union européenne a en effet jugé que "La notion de «consommateur», au sens de l’article 2, sous b), de la directive 93/13, a, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 28 à 33 de ses conclusions, un caractère objectif et est indépendante des connaissances concrètes que la personne concernée peut avoir, ou des informations dont cette personne dispose réellement".