Si les intermédiaires en opérations de défiscalisation immobilière sont souvent très prolixes sur le contenu des avantages fiscaux, force est de constater que l’information relative aux conditions à respecter pour bénéficier desdits avantages et aux conséquences attachées en cas non-respect desdites conditions est quant à elle très souvent lacunaire.

Ainsi et en pratique par exemple, bon nombre d’investisseurs ayant procédé à un investissement dans le cadre du dispositif PINEL ignorent complètement, au moment de signer l’acte d’achat authentique de vente en l’état futur d’achèvement, que le bénéfice de l’avantage fiscal est, conformément aux dispositions de l’article 199 novovicies du Code Général des Impôts ("CGI"), subordonné à un achèvement du logement dans un délai de 30 mois suivant la signature de l’acte.

Et c’est généralement, lorsque le chantier a pris un retard considérable (par rapport aux prévisions de l’acte authentique), que ces mêmes investisseurs, préoccupés en premier lieu d’avoir déjà à assumer, sans les revenus locatifs espérés, les charges financières de l’emprunt contracté (cotisations d’assurance décès, mensualités correspond aux fonds débloqués ou intérêts intercalaires), sont informés (le plus souvent via leur avocat) qu’ils  risquent, en application de l’article 199 novovicies précité du CGI, de perdre le bénéfice de l’avantage fiscal (1).

Heureusement, et face au risque réel de perte de l’avantage fiscal en cas de retard de chantier, les investisseurs ne sont pas totalement démunis.

Une première démarche pourra être d’analyser avec attention les documents produits par le promoteur pour justifier du non respect du délai de livraison prévu à l’acte de vente en l’état futur d’achèvement.

L’objet de cette analyse étant alors de déterminer si, le cas échéant, le dépassement du délai peut être imputé à un cas de force majeure.

En effet, et dans le cadre d’un rescrit publié le 13 juillet 2018 au Bulletin Officiel des Impôts, il a été admis que le délai d’achèvement des logements de trente mois à compter de la date de la signature de l’acte authentique d’acquisition, applicable dans le cadre du dispositif PINEL, puisse sous réserve d’un examen spécifique être prorogé d’un délai égal à celui durant lequel les travaux ont été interrompus à cause d’un cas de force majeure (2).

Ainsi, et s’il apparaît que le dépassement du délai de trente mois peut être imputé à un cas de force majeure, l’investisseur pourra, avant même de solliciter le bénéfice de l’avantage fiscal, demander à l’administration fiscale si son investissement est bien, compte tenu des faits d’espèce, éligible au dispositif PINEL (3).

S’il apparaît que manifestement le dépassement du délai de 30 mois ne peut être imputé à un cas de force majeure ou en cas de rejet par l’administration fiscale de la demande de bénéfice du dispositif PINEL, alors il conviendra, toujours au regard des documents produits par le promoteur pour justifier du non respect du délai de livraison prévu à l’acte de vente en l’état futur d’achèvement, de vérifier si ledit dépassement peut être imputé à un ou des événements entrant dans les prévisions des causes légitimes de suspension du délai de livraison stipulées dans l’acte de vente en l’état futur d’achèvement.

S’il résulte de cette nouvelle analyse que le dépassement du délai est fautif (car ne pouvant être imputé à un ou des événements entrant dans les prévisions des causes légitimes de suspension du délai de livraison), la mise en cause de la responsabilité du promoteur pourra être envisagée.

De même, si le promoteur est défaillant (i.e. en redressement ou en liquidation judiciaire) ou s’il s’avère que les documents fournis ne permettent pas de justifier du caractère fautif du retard, une action en responsabilité contre l’intermédiaire ayant présenté l’opération pourra être envisagée. Il en va ainsi notamment si l’information précontractuelle délivrée a été taiseuse sur les hypothèses de perte ou remise en cause de l’avantage fiscal. Il est sur ce sujet encore fréquent en pratique de constater que parmi toutes les conditions prévues par la loi pour le bénéfice de l’avantage fiscal, seule celle tenant à la durée de l’engagement de location est divulguée aux investisseurs de sorte que sous la seule réserve de respecter la durée de l’engagement de location (et bien entendu d’être assujettis à l’impôt sur le revenu), le bénéfice de l’avantage fiscal leur est in fine faussement présenté comme un gain certain.

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(1) Avantage fiscal dont il convient de rappeler que, loin d’être un totem ou un but en soi, est souvent une condition essentielle à l’équilibre financier de l’opération réalisée et ce comme en témoignent notamment les beaux graphiques circulaires des études financières remises en phase précontractuelle et qui indiquent dans quelle proportion les investissements proposés seront financés par l’avantage fiscal.

(2) Il est précisé que s’agissant des retards de chantier liés aux conséquences de la Covid-19, il n’y pas lieu de s’interroger sur le point de savoir si l’épidémie peut s’analyser ou non comme un cas de force majeure.

En effet, les effets de la Covid-19 sur le délai de 30 mois ont fait l’objet de dispositions particulières publiées au Bulletin Officiel des Impôts du 24 juin 2020 desquelles il résulte que le délai de 30 mois, s’il n’a pas expiré avant le 12 mars 2020, est suspendu jusqu’au 23 juin 2020 inclus.

(3) Cette demande, argumentée et formée dans le cadre d’un rescrit, fiscal sera même parfois effectuée par le promoteur lui-même qui, parfaitement au courant de la condition prévue à l’article 199 novovicies précité du CGI et des conséquences éventuelles pour lui pouvant résulter de la perte de l’avantage fiscal, cherchera à recueillir des mandats auprès des acquéreurs pour effectuer, en leur nom et pour leur compte, des demandes  de rescrit.