Dans un arrêt rendu le 20 juillet 2017 suivant renvoi en interprétation préjudicielle à l’initiative de la Cour suprême du Portugal (Affaire C-287/16 - Fidelidade-Companhia de Seguros SA contre Caisse Suisse de Compensation e.a.), la Cour de Justice de l'Union Européenne a jugé, comme contraire à la réglementation communautaire, la législation d’un Etat membre aux termes de laquelle la nullité du contrat d’assurance pour fausse déclaration du souscripteur concernant l’identité du conducteur habituel serait opposable aux tiers victimes.

La CJUE a précisé par ailleurs que cette solution ne saurait être remise en cause par la possibilité pour la victime d’obtenir réparation de son préjudice via un Fonds de garantie.

En effet, l’intervention de l’organisme visé à l’article 1er, paragraphe 4, de la deuxième directive a été conçue comme une mesure de dernier recours, prévue uniquement dans le cas où les dommages ont été causés par un véhicule pour lequel il n’a pas été satisfait à l’obligation d’assurance (….), à savoir un véhicule pour lequel il n’existe pas de contrat d’assurance" (point 35 de l’arrêt).

A titre liminaire, il n’est pas inutile de rappeler que cet arrêt n’a de force obligatoire qu’à l’égard du juge de renvoi (savoir en l’espèce la Cour suprême du Portugal).

Ainsi, et en droit français, la portée effective de l’arrêt du 20 juillet 2017 sera bien entendue fonction de sa prise en considération par les assureurs.

En pratique, cette prise en considération, sauf intervention du législateur, n’interviendra véritablement et pleinement que suivant un arrêt de la Cour de cassation.

Ceci étant précisé, et à supposer que la solution de la CJUE trouve dès demain à s’appliquer en France, l’on peut se demander quelle serait alors sa portée ?

S’agissant des victimes tout d’abord, cette portée sera des plus limitée puisque les victimes jouissent déjà de règles très protectrices visant à assurer la réparation de leur préjudice.

En effet, et en l’état, les victimes bénéficient, avant toute déclaration de nullité du  contrat, du mécanisme de l’indemnisation pour le compte de qui il appartiendra tel que prévu aux articles L. 211-20 et suivants du Code des assurances.

Les victimes  peuvent par ailleurs, et suivant la déclaration de nullité du contrat, prétendre à une indemnisation de leur préjudice par le Fonds de Garantie.

Pour les assureurs et le Fonds de garantie, l’analyse de la portée de la solution dégagée par la CJUE est a priori relativement simple.

L’application de cette solution en droit interne devrait logiquement se traduire par une augmentation des engagements des assureurs et, corrélativement, une diminution de ceux du Fonds de garantie.

Quid des tiers payeurs ?

La question mérite d’être posée lorsque l’on garde à l’esprit qu’en considération du principe de subsidiarité de l’intervention du Fonds de garantie, le Fonds n’est en principe tenu qu’à l’égard des seules victimes ou de leurs ayant droits ou à l’égard des compagnies d’assurance qui auraient indemnisé la victime pour le compte de qui il appartiendra (en ce sens, Cass., 1ère civ., 20 décembre 1988, n°87-17298).

Les tiers payeur ne sont donc pas admis à faire valoir leur créance subrogatoire auprès du Fonds de garantie (voir en ce sens Cass., crim., 16 février 1994, n°92-85828).

Ainsi, à la date des présentes, et lorsque suivant décision de justice la fausse déclaration intentionnelle concernant le conducteur habituel du véhicule devient opposable à la victime et que cette dernière saisit le Fonds de Garantie, la seule possibilité offerte à un tiers payeur pour recouvrer sa créance subrogatoire est d’agir contre le tiers responsable.

Avec toutes les difficultés d’exécution que l’on peut aisément anticiper pour les sinistres corporels les plus graves.

Appliquer la solution de l’arrêt du 20 juillet 2017 en cas de fausse déclaration du souscripteur concernant le conducteur habituel du véhicule impliqué, pourrait permettre aux tiers payeurs de disposer d’un recours additionnel à leur recours contre le tiers responsable.

Un recours contre l’assureur, soit un recours contre une partie toujours solvable.