Dans le cadre du contentieux des opérations de défiscalisation immobilière la nullité représente pour les investisseurs floués un véritable graal.

En poursuivant la nullité de la vente et, quand il existe (c’est-à-dire dans l’immense majorité des cas), la nullité du prêt qui est l’accessoire de la vente, les plaignants espèrent se retrouver dans la situation qui était la leur avant l’investissement.

Pas de vente.

Et pas de prêt.

En pratique, et suivant une décision judiciaire prononçant la nullité de la vente et du prêt :

  • l’investisseur se voit restituer le montant du prix de vente versé au promoteur (déduction faite toutefois des loyers perçus à compter de la date de l’assignation, lesdits loyers étant eux-mêmes nets des impenses exposées pour leur perception),
  • l’investisseur doit (à l’aide du prix de vente qui lui a été restitué par le promoteur) rembourser la banque ayant accordé son financement (le montant à rembourser étant bien entendu net de toutes les sommes acquittées au titre du prêt).

S’agissant du financement des opérations de défiscalisation immobilière, il convient de rappeler :

  • qu’un nombre important d’opérations a été financé via des prêts libellés en francs suisses,
  • que beaucoup d’investisseurs concernés par ces prêts libellés en francs suisses n’ont malheureusement pas  "juste" eu à subir les affres de l’opération de défiscalisation immobilière (problème de rentabilité locative, vacance, perte de l’avantage fiscal, etc.) mais aussi les conséquences d’une évolution particulièrement défavorable de la parité euro – franc suisse.

Comme illustration du véritable désastre qu’ont pu représenter ces prêts libellés en francs suisses (désastre qui a nourri ces dernières années un contentieux très abondant), l’on pourra citer le cas, réel, d’investisseurs n’ayant jamais eu aucun lien avec la Suisse (situation en principe prohibée depuis la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires qui a introduit un nouvel article L. 312-3-1 dans le code de la consommation) et ayant souscrit fin 2008 un prêt d’un montant de 261.194 francs suisses correspondant à cette date à 167.100 euros et destiné à financer une opération de défiscalisation immobilière sise en France et payable en euros.

En 2014, ces mêmes investisseurs, et compte tenu de l’évolution défavorable de la parité euro-franc suisse (évolution dont on peut légitimement penser qu’elle devait être anticipée par le banquier dès l’offre de prêt intervenue dans un contexte de crise financière avec un franc suisse comme une valeur refuge), devaient près de 211.000 euros à l’établissement de crédit.

Soit tout de même, 43.900 euros de plus ( !) que le montant du capital emprunté et ce alors  même qu’avec un prêt classique, libellé en euros et consenti avec un taux d’intérêt normal, et en 2014, ces mêmes investisseurs auraient été en mesure d’avoir amorti une partie non négligeable de leur prêt.

Contestant la validité de l’acte authentique de vente, ces investisseurs, placés dans une situation financière critique, saisissaient la justice d’une demande de nullité de la vente et du prêt libellé en francs suisses.

Défendant à leur demande, la banque faisait valoir notamment, qu’au cas où la nullité de l’acte authentique et du prêt devait être prononcée, le montant à restituer par les investisseurs ne devait pas être de 167.100 euros mais devait être équivalent à la contre-valeur en euros, au jour de la décision à intervenir, de la somme de 261.194 francs suisses.

Soit pour les demandeurs, et compte tenu de la dépréciation de l’euro par rapport au franc suisse, une somme très largement supérieure à 167.100 euros.

Saisie de ce contentieux, la Cour d’appel d’Angers, dans un arrêt du 18 décembre 2018 (RG 16/01875) :

  • a prononcé la nullité de la vente aux motifs pris d’une violation des dispositions de l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation (sur cette question voir Cass., 3ème civ., 12 avril 2018,n°17-13118 publié au Bulletin),
  • a débouté la banque de sa demande de voir condamner les demandeurs à lui payer la contre-valeur en euros au jour de la décision à intervenir de la somme de 261.194 euros francs suisses.

Sur la question du prêt, la Cour d’appel d’Angers a jugé que les restitutions consécutives à la nullité ne devaient porter que sur les prestations que chacune des parties avait reçu de l’autre.

Ainsi, et dès lors que les demandeurs avaient reçu 167.100 euros de la banque, leur obligation de restitution à son égard ne pouvait être en conséquence que de 167.100 euros.

Cette solution de la Cour d’appel d’Angers est à rapprocher de celle précédemment retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 11 juillet 2018 (n° 17-19873) :

"Attendu, ensuite, que l'arrêt énonce que l'annulation du contrat de prêt implique de remettre les parties dans la situation où elles se trouvaient avant l'acte et qu'ainsi, l'emprunteur est tenu de restituer à la banque les fonds crédités en sa faveur sur son compte en euros ; qu'il relève que, si les avis de mise en place du crédit mentionnent que chaque somme libérée est, par suite d'une opération de change effectuée par la banque, la contre-valeur en euros de sommes en francs suisses, ces montants en devises ne sauraient représenter la mesure de l'obligation de restitution, dès lors que la mise à disposition des fonds entre les mains de l'emprunteur a été faite en euros ; que, de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel a, hors toute dénaturation, exactement déduit que l'obligation de restitution de l'emprunteur ne portait que sur le quantum des euros perçus de la banque".