Depuis de nombreux mois, le « barème Macron » (en réalité il y en a 2) institué par l'une des Ordonnances Travail du 22 septembre 2017, et désormais prévu par l’article L 1235-3 du Code du travail, fait l’objet d’une remise en cause profonde, tant il limite les indemnités versées aux salariés victimes d’un licenciement injustifié.

 

Une contestation de principe, au regard notamment du droit du travailleur licencié sans motif valable « au versement d'une indemnité adéquate ou à une réparation appropriée » de son préjudice, posé par l’article 10 de la Convention n° 158 de l’O.I.T. comme par l’article 24 de la Charte Sociale Européenne.

 

Une contestation également d’espèce, particulièrement justifiée dans certaines situations, notamment pour :

  • Les salariés comptabilisant une faible ancienneté dans leur entreprise, que les « barèmes Macron » dissuadent de contester en justice leur licenciement au regard de la faiblesse des sommes espérées ;
  • Les salariés comptabilisant une forte ancienneté, auxquels la perte injustifiée de leur emploi fait subir un préjudice important (absence de retour à l’emploi, incidences financières, familiales et/ou morales, …), que le plafonnement mis en place ne suffira pas à compenser.

 

De nombreux Conseils de prud’hommes ont d’ailleurs écarté l’application des barèmes issus de l’article L 1235-3 du Code du travail au cours de ces 10 derniers mois, les jugeant contraires à l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT et à l’article 24 de la Charte Sociale Européenne (CPH Paris, 22 novembre 2018 ; CPH Troyes, 13 décembre 2018 ; CPH Amiens, 19 décembre 2018 ; CPH Lyon, 21 décembre 2018 ; CPH Lyon, 7 janvier 2019 ; CPH Anger, 17 janvier 2019 ; CPH Grenoble, 18 janvier 2019 ; CPH Amiens, 24 janvier 2019 ; CPH Agen, départage, 5 février 2019 ; CPH Bordeaux, 9 avril 2019).

 

Si la Cour de cassation a estimé, par avis du 17 juillet 2019, les « barèmes Macron » applicables, plusieurs Conseils de prud’hommes ont depuis toutefois à nouveau écarté l'application de l'article L 1235-3 du Code du travail (CPH Grenoble, départage, 22 juillet 2019, n° 18/00267 ; CPH Nevers, 26 juillet 2019, n° 18/00050 ; CPH Troyes, départage, 29 juillet 2019, n° 18/00169).

 

Dernier en date ; le Conseil de prud’hommes de Le Havre, qui, par un Jugement de ce 10 septembre 2019 particulièrement motivé, vient d’estimer que :

« Le plafonnement prévu par l’article L 1235-3 au regard de la seule ancienneté ne prend en compte, ni l’intégralité du préjudice subi par le salarié licencié sans motif valable, ni l’équité, en effet un salarié avec une ancienneté faible peut avoir un préjudice plus important qu’un salarié avec une ancienneté importante.

Le but affiché de ce texte est de sécuriser les employeurs dans leur processus de licenciement et non de réparer le préjudice réellement subi, pour preuve, le simulateur mis en place permettant aux employeurs de calculer leur éventuelle condamnation si le licenciement est déclaré injustifié. Les indemnités octroyées ne sont pas d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur. […]

Il convient d’écarter, au regard de l’article 55 de la Constitution Française de 1958, l’article L 1235-3 du Code du travail, au profit de la Convention n° 158 dans son article 10 et de la Charte Sociale Européenne dans son article 24, normes juridiques européennes et internationales qui s’imposent en ce qu’elles lui sont supérieures. »

 

A n’en pas douter, le débat relatif à l’application des « barèmes Macron » reste ainsi posé, et leur validité sérieusement contestée.

Si les cours d’appel de Paris et de Reims devraient prochainement se prononcer sur la question, ce débat perdurera probablement jusqu’à un éventuel arrêt futur de la Cour de cassation.