Depuis de nombreux mois, le « barème Macron » (en réalité il y en a 2) institué par l'une des Ordonnances Travail du 22 septembre 2017, et désormais prévu par l’article L 1235-3 du Code du travail, fait l’objet d’une remise en cause profonde, tant il limite les indemnités versées aux salariés victimes d’un licenciement injustifié.

 

A la suite de de nombreux jugements de conseils de prud'hommes écartant l'applicationn du "barème Macron" au regard notamment du droit du travailleur licencié sans motif valable « au versement d'une indemnité adéquate ou à une réparation appropriée » de son préjudice, posé par l’article 10 de la Convention n° 158 de l’O.I.T. comme par l’article 24 de la Charte Sociale Européenne, plusieurs arrêts de cours d'appel étaient attendus en septembre.

 

  • C'est ainsi que la Cour d'appel de Reims a, dans un arrêt rendu le 25 septembre 2019, appliqué le barème dans le cas d'espèce, tout en laissant clairement ouverte la possibilité d'y déroger.

 

La Cour d'appel a ainsi dans un premier temps jugé que les articles 10 de la Convention n° 158 de l'OIT et 24 de la Charte Sociale Européenne "bénéficient d'un tel effet direct permettant à Mme [...] de s'en prévaloir dans le litige prud'homal qui l'oppose au liquidateur de la société qui l'employait".

Si la solution n'est pas nouvelle s'agissant de l'article 10 de la Convention n° 158, elle vient consacrer l'invocabilité devant les juridictions nationales de l'article 24 de la Charte Sociale Européenne.

 

S'agissant du barème en lui-même, la Cour a notamment jugé que :

“Il en résulte une potentielle inadéquation de l’indemnité plafonnée, voire une possible forme de différence de traitement en raison de l’ancienneté.

Enserré entre un plancher et un plafond, le juge prud’homal ne dispose pas de toute la latitude pour individualiser le préjudice de perte d’emploi et sanctionner l’employeur.

Et l'article L 1235-3  du code du travail impose, en son dernier aliné, un cumul d'indemnités susceptibles en certaines circonstances de compromettre l'indemnisation requise par les textes conventionnels de ce préjudice.

Il s’en déduit que le dispositif est de nature à affecter les conditions d’exercice des droits consacrés par les textes."

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Après avoir émis ces réserves importantes, la Cour d'appel en a conclu que:

"Le contrôle de conventionnalité exercé de façon objective et abstraite sur l'ensemble du dispositif, pris dans sa globalité, et non tranche par tranche, conduit à conclure,, peu important la situation de Mme [...], à la conventionnalité de celui-ci".

 

En clair, le barème serait conventionnel in abstracto. La Cour a toutefois immédiatement précisé que :

“Le contrôle de conventionnalité ne dispense pas, en présence d’un dispositif jugé conventionnel, d’apprécier s’il ne porte pas atteinte aux droits des salariés concernés c’est-à-dire en imposant des charges démesurées par rapport au résultat recherché. La recherche de proportionnalité, entendue cette fois “in concreto” et non seulement “in abstracto” (..)”

 

Si le barème est donc jugé in abstracto conventionnel par la Cour, celle-ci ouvre ainsi immédiatement LA POSSIBILITE D'Y DEROGER par le biais d'une appréciation in concreto du cas d'espèce.

La Cour reconnaît ainsi :

- L'effet direct de l'article 24 de la Charte Sociale Européenne ;

- Une "potentielle inadéquation de l'indemnité plafonnée" ;

- Le problème pouvant résulter du cumul d'indemnités permis par l'article L 1235-3 du Code du travail.

 

  • Il résulte de ce premier arrêt de cour d'appel que les salariés conservent la possibilité de faire écarter le "barème Macron" s'ils démontrent soigneusement leur préjudice, et si les juges estiment, face à une telle démonstration, que la réparation prévue par l'article L 1235-3 du Code du travail n'est pas adéquate ou appropriée.

Le prochain arrêt de cour d'appel attendu devrait être rendu par la Cour d'appel de Paris le 30 octobre...