Pourquoi, lorsque l'on aborde le thème du cautionnement, privilégions-nous la question de la disproportion ? En feuilletant les pages Google, ce n'est pourtant pas ce qui ressort en premier sur cette thématique.

Toutefois, la question de la disproportion du cautionnement est probablement, avec celle du formalisme de l'acte, la plus récurrente devant les tribunaux lorsque les cautions, appelées par le créancier professionnel à exécuter leur engagement, sollicitent auprès des juges l'annulation de l'acte de cautionnement. Et pour cause, les enjeux financiers de ces dossiers sont souvent énormes, s'élevant à plusieurs centaines de milliers d'euros et pouvant entraîner la ruine de la caution.

Son régime juridique a été entièrement façonné par la jurisprudence de la Cour de cassation. Entre la Première Chambre civile et la Chambre commerciale, des désaccords sont parfois apparus sur certains points particuliers. Chaque aspect de la question sera abordé dans un post spécifique. L'abondance des décisions en la matière révèle un contentieux vivant et dynamique qui n'a pas fini de s'affiner.

(L'état du droit présenté dans cet article correspond à celui antérieur à la dernière réforme des sûretés issue de l'ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021.)

 

I – LES PERSONNES CONCERNÉES.

 

1.    LA CAUTION PERSONNE PHYSIQUE

 

Avant la réforme de Septembre 2021, l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-3, du code de la consommation disposait que : « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».

 

La caution personne physique ne pouvait invoquer le bénéfice de cette disposition du Code de la consommation (désormais abrogée) qu’à l’égard d’un créancier professionnel. Et il lui appartenait à elle, caution, de prouver que le créancier envers qui elle était tenue était bien un professionnel (Cass com 15-11-2017 n° 16-13.532). La sous-caution, aussi, peut invoquer la disproportion de son engagement (CA Amiens ch écon 7-7-2016 n° 14/05361).

 

L’article L 341-4 n’introduit aucune distinction entre caution profane et caution avertie.  La protection contre les engagements de caution disproportionnés s’applique au dirigeant de société dès lors qu’il est une personne physique (Cass com 22-6-2010 n° 09-67.814).

 

2.    LE CRÉANCIER PROFESSIONNEL

 

Un créancier professionnel est « celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale » (Cass civ 1e 9-7-2009 SPO c/ M X n° 08-15.910, Cass com 10-1-2012 n° 10-26.630, Cass 1e civ 1-10-2014 n° 13-16.273).

 

Sont considérés comme créanciers professionnels :

  • Le cédant d’un fonds de commerce (et qui l’exploitait) qui consent le crédit-vendeur garanti par le cautionnement (Cass 1e civ. 3-11-2016 n° 15-23.333, CA Orléans 18-6-2015 n° 14/02671 ch écon et fin, CA Orléans 20-8-2020 n° 19/02378).
  • Le fournisseur qui fait crédit à ses clients, l’engagement de caution était la contrepartie du financement de l’achat des matériaux ou de boissons (Cass com 10-1-2012 n° 10-26630 , Cass 1e civ 1-10-2014 n° 13-16.273).
  • Une société ayant accordé un prêt constituant un investissement en rapport direct avec une activité de diversification (Cass 1e civ 9-7-2009 n° 08-15.910).

 

A l'inverse, ne sont pas considérés comme des créanciers professionnels :

  • La société ayant pour objet l’activité d’entreprise générale de bâtiment lorsqu’elle donne en location une partie de ses locaux d’activité (CA Paris 14-2-2013 n° 12/02595).
  • Pour une association, qui agit sans but lucratif et se définit à travers ses statuts comme un garant professionnel (Cass com 27-9-2017 n° 15-24.895).

Le cautionnement disproportionné : les parties en présence (chelbi-avocat.fr)