CE, 6 décembre 2017, n° 401674 et 408542

Voici une décision intéressante pour toute personne qui s’intéresse à l’éthique et la déontologie des fonctionnaires.

Elle s’applique dans un domaine où les considérations de déontologie sont particulièrement prégnantes.

Il est donc difficile d’en tirer des conclusions trop hâtives pour les autres secteurs de la fonction publique.

La tentation sera pourtant grande d’y voir l’occasion de faire des garanties déontologiques des candidats fonctionnaires un critère de sélection.

Dans cette affaire, une avocate inscrite au Barreau de Toulouse a sollicité son intégration au second grade dans la hiérarchie judiciaire sur le fondement de l’article 22 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Après avoir suivi une formation probatoire, son dossier a été présenté à la commission d’avancement.

Cette dernière a émis un avis défavorable au motif que l’intéressée ne présentait pas les garanties de conscience et de respect des règles déontologiques requises pour exercer les fonctions de magistrat.

Or, la nomination ne pouvait intervenir qu’après avis conforme de la commission et l’impétrante a formé un recours contre cet avis.

Le Conseil d’Etat, dont le Collège de déontologie a eu à examiner il y a peu de temps le cas d’un magistrat qui avait fait le chemin inverse puisqu’il s’est inscrit au Barreau[1], a rendu une décision contentieuse instructive le 6 décembre 2017[2].

En premier lieu, la juridiction rappelle que la commission d’avancement pouvait étendre l’interdiction d’exercer les fonctions de magistrat dans le ressort du tribunal de grande instance ou d'un tribunal de première instance où il aura exercé depuis moins de cinq ans en qualité d’avocat notamment, à un ou plusieurs autres ressorts de tribunaux du ressort de la cour d'appel[3].

Il s’agit tout simplement d’une règle de bon sens permettant de prévenir d’éventuels conflits d’intérêt par pantouflage.

Cette règle vaut d’ailleurs également pour le magistrat qui devient avocat comme le rappelle la recommandation du collège de déontologie du Conseil d’Etat évoquée ci-dessus.

Or, la candidate a persisté à demander son affectation dans l’un des tribunaux dans le ressort desquels elle avait exercé et cette réitération a conduit les membres de la commission à considérer qu’elle ne présentait pas les garanties suffisantes de respect des devoirs s’attachant à l’état de magistrat et plus précisément, le respect de la règle de droit !

En deuxième lieu, non contente de faire montre d’une souplesse certaine dans l’application du droit, la candidate a cru utile de devoir solliciter les services d’une personnalité politique en exercice pour qu’elle prenne sa défense auprès du Garde des Sceaux.

Ce faisant, elle a manqué à son devoir de probité puisqu’elle a commis un recel de trafic d’influence et plus grave encore, pour un magistrat, n’a montré aucun gage d’indépendance à l’égard du pouvoir politique.

Assez logiquement, la commission d’avancement en a déduit que la candidate ne présentait pas les garanties suffisantes en termes de respect des devoirs s’attachant à l’état de magistrat parmi lesquels se trouvent l’intégrité, la discrétion, la connaissance et le respect de la règle de droit.

Comme un clin d’œil à un journal pourfendeur des dérives éthiques, PAN SUR LE BEC !

Sandrine TRIGON

Docteur en Droit

Avocat au Barreau de l’Ain

 


[1] Recommandation n° 2017-17 du 15 novembre 2017 du Collège de déontologie du Conseil d’Etat, http://www.conseil-etat.fr/content/download/118711/1199895/version/1/file/Recommandation2017-1.pdf

[2] CE, 6 décembre 2017, n° 401674 et 408542

[3] Article 32 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature