La première application de la procédure du DGD tacite par le Conseil d’Etat près de cinq années après sa consécration

 

 

Dans un récent arrêt (Conseil d’Etat, 25 janvier 2019, n°423331), le Conseil d’Etat fait application de la très controversée procédure dite du « DGD tacite ».

 

En quoi consiste-t-elle ?

 

La nouvelle rédaction des articles du CCAG Travaux en matière de paiement, parue au JO en mars 2014, a donné naissance à une innovation majeure : la procédure de DGD tacite.

 

En synthèse, la procédure de paiement d’un marché public se décompose comme suit :

 

1.       Le titulaire adresse, dans la limite de 30 jours après notification du PV de réception, sa demande de paiement, appelée projet de décompte final (MO avec copie au MOE) ;

2.       Le pouvoir adjudicateur bénéficie alors d’un délai de 30 jours pour adresser au titulaire ce décompte signé, qui devient alors le décompte général et définitif.

 

Dans l’hypothèse dans laquelle le pouvoir adjudicateur n’adresse pas le décompte dans la limite des 30 jours, le titulaire peut actionner la procédure de DGD tacite.

 

En cas de silence du pouvoir adjudicateur à l’issue des 30 jours après réception du projet de décompte final de l’entreprise, cette dernière lui notifie le projet de décompte général.

 

Si le pouvoir adjudicateur ne réagit toujours pas pendant les 10 jours suivant cette notification, le projet transmis par l’entreprise devient le DGD tacite.

 

Mieux encore, le titulaire peut tout à fait intégrer à ce DGD les sommes réclamées au titre d’un éventuel mémoire en réclamation.

 

Dès lors que le DGD devient tacite, les sommes sont dues.

 

C’est d’ailleurs ce que rappelle le Conseil d’Etat dans l’arrêt précité puisqu’après avoir fait application de cette procédure très controversée au sein des collectivités locales, rappelle la possibilité pour le titulaire de faire usage du référé provision pour obtenir le paiement des sommes dues.

 

En effet en l’espèce, la Collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon avait confié à la société SELF SPM l’exécution d’un marché public de travaux portant sur l’électricité et le chauffage dans le cadre de la construction de la Maison de la nature et de l’environnement à Miquelon. Ce marché a été conclu pour un prix global et forfaitaire d’un montant de 245.017,18 € avec une durée d’exécution de 12 mois. Mais l’exécution de ce marché ne s’est pas passée comme prévu. D’une part, de nombreux travaux modificatifs ont été exigés des différentes entreprises, sans qu’aucune prolongation de délai ne leur soit accordée. D’autre part, la société SELF SPM a été tributaire du retard accumulé par d’autres entreprises.

 

Le 6 avril 2017, la collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon a prononcé la réception du lot de la société avec réserves.

 

Compte tenu des nombreuses perturbations subies lors de l’exécution des travaux, la société SELF SPM a sollicité, dans son projet de décompte final, un règlement complémentaire à hauteur de 247.382,87 €. Ce projet de décompte final a été reçu par la collectivité, maître de l’ouvrage, le 12 juin 2017 et par le maitre d’œuvre le 19 juin suivant. En l’absence de notification du décompte général dans un délai de 30 jours à compter de la réception du projet de décompte final, la société a notifié au maître de l’ouvrage son projet de décompte le 31 juillet 2017, reçue le 3 août suivant. Copie a été adressée au maître d’œuvre. Aucun document n’a été notifié par la collectivité dans le délai de 10 jours prévu à l’article 13.4.4 du CCAG travaux 2014, de sorte que le projet de décompte général est devenu le décompte général et définitif du marché.

 

C’est dans ces conditions que la société SELF SPM a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Pierre et Miquelon sur le fondement de l’article R. 541-1 du code de justice administrative d’une requête tendant à ce que la collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon soit condamnée à lui verser une provision de 247.382,87 € assortie des intérêts moratoires au taux de 8% à compter du 14 septembre 2017.

 

Par ordonnance du 22 janvier 2018, le juge du référé provision du tribunal administratif de Saint-Pierre et Miquelon a rejeté cette requête. La société exposante a formé appel de cette ordonnance. Par ordonnance du 2 juillet 2018, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté cette requête.

 

Le Conseil d’Etat va casser ces deux ordonnances et condamner la collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon à verser à la société SEL SPM les sommes demandées en considérant que la créance réclamée résulte du décompte général devenu définitif de manière tacite de sorte qu’elle ne peut être remise en cause par les parties.

 

Pour conclure cet arrêt précise est intéressant sur deux points :

 

1.       Il fait, pour la première fois depuis 2014, application du DGD tacite ;

 

2.       Il admet que le juge administratif peut uniquement vérifier si la procédure d’établissement du décompte général et définitif est régulière et dans l’affirmative, il ne peut remettre en cause les sommes qui y figurent pour des motifs de fond, fussent-ils d’ordre public.