Contentieux MaPrimeRénov’ : que faire face aux refus ou aux retards de paiement de l’ANAH ?

Depuis son lancement, le dispositif MaPrimeRénov’ est devenu un levier incontournable de la rénovation énergétique en France. Destinée à encourager les particuliers à améliorer la performance énergétique de leur logement, cette aide de l’État, gérée par l’ANAH (Agence nationale de l’habitat), représente un soutien financier crucial. Elle s’adresse également aux entreprises et artisans du bâtiment, qui s’engagent dans la réalisation de ces travaux en avance de trésorerie, dans l’attente du versement de la subvention.

Mais depuis plusieurs mois, de nombreuses difficultés administratives sont remontées du terrain. Refus non motivés, retards de traitement, absence de réponse de l’ANAH, ou encore dossiers bloqués sans explication… Ces dysfonctionnements créent des situations de grande insécurité juridique et financière, tant pour les particuliers que pour les professionnels. Certains ménages voient leur projet de rénovation compromis. D'autres ont effectué les travaux en pensant bénéficier de la prime, pour finalement se voir opposer un refus. Du côté des entreprises, certaines PME du bâtiment sont menacées de cessation de paiement faute de recevoir les sommes attendues.

En tant qu’avocate en droit public, j’interviens aux côtés de particuliers, de PME et d’artisans pour débloquer les situations contentieuses liées à MaPrimeRénov’ et défendre leurs droits face à l’ANAH.


1. MaPrimeRénov’ : un dispositif sous tension

Mis en place en 2020, MaPrimeRénov’ ambitionne d’accélérer la transition énergétique du parc immobilier français. L’aide est versée sous conditions de ressources et selon la nature des travaux engagés. Mais avec le succès croissant du dispositif et l'augmentation des demandes, l’ANAH peine à faire face.

Résultat : des délais anormalement longs, des refus non motivés, des silences administratifs, voire des erreurs manifestes de traitement. De plus en plus de bénéficiaires se retrouvent démunis face à une administration opaque, difficile à joindre, et souvent peu réactive. Pourtant, il existe des moyens juridiques d’action pour faire valoir ses droits.


2. Refus de MaPrimeRénov’ : quelles solutions ?

Vous avez déposé un dossier de demande MaPrimeRénov’ auprès de l’ANAH, et celle-ci vous a notifié un refus ? Ce refus peut être explicite (vous avez reçu un courrier ou une notification) ou tacite (vous n’avez obtenu aucune réponse dans un délai de deux mois). Dans les deux cas, vous disposez de recours juridiques pour contester cette décision.

a) Le recours gracieux

Dans un premier temps, il est conseillé de former un recours gracieux directement auprès de l’ANAH. Ce recours vise à demander une révision de la décision, en apportant des éléments complémentaires (factures, justificatifs, précisions administratives). Il peut permettre de régler rapidement le litige sans passer par la voie contentieuse.

b) Le recours contentieux devant le tribunal administratif

Si l’ANAH confirme son refus ou reste silencieuse à la suite du recours gracieux, vous avez la possibilité de saisir le tribunal administratif pour contester la décision. Ce recours contentieux permet d’obtenir, le cas échéant, l’annulation du refus de l’ANAH, voire la condamnation de l’administration à vous accorder la prime ou à vous indemniser du préjudice subi.


3. Retards de paiement : comment réagir ?

Autre situation fréquente : vous avez reçu l’accord de principe de l’ANAH, vous avez réalisé les travaux, transmis les pièces justificatives, mais vous ne percevez toujours pas le paiement de MaPrimeRénov’. Parfois, plusieurs mois s’écoulent sans réponse ou sans versement. Pour les ménages, cela représente un manque à gagner important ; pour les entreprises, ces retards peuvent devenir létaux pour leur trésorerie.

Ici encore, le droit administratif offre des leviers d’action.

a) Le recours gracieux pour retard de versement

Il est possible d’adresser à l’ANAH une mise en demeure de verser la prime, accompagnée d’un recours gracieux demandant le traitement du dossier dans un délai raisonnable. Ce courrier doit être soigneusement rédigé et argumenté juridiquement pour espérer débloquer la situation rapidement.

b) Le recours contentieux pour inaction administrative

En cas de silence persistant, un recours contentieux pour excès de pouvoir peut être déposé devant le tribunal administratif. Ce recours vise à obliger l’ANAH à exécuter sa décision de versement. Dans certains cas, il est également envisageable de solliciter une indemnisation pour les préjudices causés par ce retard, notamment si vous avez dû contracter un prêt ou que vos travaux ont pris du retard.


4. Les professionnels du bâtiment : les oubliés de MaPrimeRénov’ ?

Les entreprises du bâtiment sont en première ligne de cette crise. Beaucoup ont accepté de réaliser les travaux en confiance, dans l’attente du versement de la prime. Mais face à la lenteur administrative, certaines se retrouvent avec des dizaines de milliers d’euros "en attente", voire plus. Cela menace directement leur activité économique, leur capacité à payer leurs salariés, ou à honorer leurs charges.

Dans ces situations, une stratégie juridique adaptée peut permettre d’exercer une pression légale sur l’administration pour accélérer les paiements, ou au moins faire reconnaître le préjudice subi.

Plusieurs stratégies peuvent être mises en oeuvre :

Recours gracieux

Rédaction d’un courrier motivé à l’attention de l’ANAH, analyse du dossier, stratégie d’argumentation, gestion des échanges avec l’administration.

Recours contentieux

Saisine du tribunal administratif, rédaction du mémoire introductif d’instance, suivi de la procédure, représentation devant le juge administratif.


6. Pourquoi agir maintenant ?

Les délais pour agir sont strictement encadrés par la loi. En général, vous disposez de deux mois à compter de la décision de l’ANAH (ou de son silence) pour déposer un recours. Il est donc essentiel de ne pas attendre si vous vous trouvez dans l’une des situations suivantes :

  • Votre demande MaPrimeRénov’ a été refusée ;
  • Vous n’avez pas de réponse après plusieurs mois ;
  • Vous attendez le paiement depuis longtemps ;
  • Votre entreprise est en difficulté à cause d’un paiement bloqué.

Chaque jour qui passe sans action affaiblit votre position. Une action juridique rapide et bien construite est souvent la meilleure façon d’obtenir une solution.


7. Conclusion : face aux blocages MaPrimeRénov’, le droit est de votre côté

Le dispositif MaPrimeRénov’, aussi utile soit-il, révèle aujourd’hui ses limites administratives. Mais ce n’est pas une fatalité. Il convient de saisir un avocat car une première consultation permet souvent d’évaluer rapidement la stratégie la plus efficace à adopter.