Il est très fréquent qu’un voisin décide, avec ou sans fondement juridique, d’attaquer un permis de construire.
La procédure peut alors être longue et les travaux ne doivent en principe pas démarrer avant que les voies de recours ne soient purgées dans le cas où, par extraordinaire, ledit permis serait annulé par le juge.
Faute de quoi, les lieux devraient être remis en l’état aux frais du bénéficiaire.
Ce dernier subit alors un préjudice financier lié à cette perte de temps.
Il existe toutefois un moyen procédural d’en solliciter l’indemnisation : l’article L.600-7 du code de l’urbanisme.
Cet article est ainsi rédigé :
« Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. »
Aussi, de manière très concrète, le bénéficiaire du permis de construire attaqué notifie au Tribunal administratif un mémoire en défense, dans lequel sont repris tous les arguments en faveur de la légalité de cette autorisation d’urbanisme.
La demande indemnitaire doit être effectuée par le biais d’un mémoire distinct, notifié concomitamment, ou non.
Cette demande peut tout à fait être présentée pour la première fois en appel, ce qui peut être opportun dès lors que l’appel interjeté par le demandeur est abusif puisque cela reporte alors à nouveau de plusieurs mois le lancement du projet.
La réussite d’une telle demande est condition à une double démonstration :
- Le recours a été exercé dans des conditions excédant la défense des intérêts légitimes du requérant ;
- Le préjudice subi par le bénéficiaire.
Le caractère abusif d’un recours dirigé contre un permis de construire peut se caractériser par le défaut d’intérêt à agir suffisant dudit requérant.
Voir en ce sens : Cour administrative d’appel de Douai du 17 septembre 2019, n° 17DA01402
« Aux termes de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme que M. et Mme C... ont entendu invoquer : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel ".
Il ressort des pièces du dossier que la maison, propriété des époux B..., est située à proximité immédiate du terrain d’assiette de la construction autorisée par le permis de construire en litige. Eu égard à la configuration des lieux, la maison à construire est susceptible d’avoir pour effet de diminuer l’ensoleillement et la luminosité de la maison des époux B.... Ni la circonstance que les demandes étaient tardives ni celle que les époux B... ne résident pas habituellement dans cette maison ne caractérisent la mise en oeuvre par les époux B... de leur droit de former un recours dans des conditions traduisant de leur part un comportement abusif. Par suite, les conclusions par lesquelles les époux C... demandent que les époux B... soient condamnés à leur verser une somme d’argent à titre de dommages et intérêts, qui en outre n’ont pas été présentées par un mémoire distinct, doivent être rejetées. »
En d’autres termes, le requérant ne doit pas se contenter d’indiquer au Tribunal sa proximité avec le projet litigieux, il doit démontrer de manière certaine dans quelle mesure celui-ci pourrait avoir des conséquences néfastes sur ses conditions d’occupation du bien.
Ainsi, la qualité et l’intérêt à agir sont aujourd’hui des éléments importants et incontournables tant en ce qui concerne la recevabilité d’un recours contentieux que concernant la mise en œuvre de l’article L.600-7 du Code de l’urbanisme.
Le caractère abusif du recours démontré, il convient en suivant d’apporter la preuve d’un préjudice, aussi bien dans son existence que dans son ampleur.
Les juridictions ont déjà eu l’occasion de condamner des requérants à indemniser les bénéficiaires du permis de construire attaqué.
Voir en ce sens : TA de Bordeaux, 16 avril 2015, n°1403072
Les requérants ont été condamnés à verser la somme de 4.000€ de dommages-et-intérêts.
« 8. Considérant qu’il ressort de ce qui précède que, compte tenu des caractéristiques de la parcelle de M. C., le recours pour excès de pouvoir qu’il a formé contre le permis d’aménager en litige excède manifestement la défense des intérêts, même moraux, du requérant, et révèle en réalité une intention de paralyser une opération immobilière dont la réalisation revêt, pour des raisons financières, une certaine urgence pour M. et Mme J. ; que ces derniers établissent par les pièces qu’ils produisent que la commercialisation des terrains objet du permis d’aménager est entravée depuis le printemps 2014 en raison du recours dont le permis d’aménager fait l’objet ; que M. et Mme J. justifient de leurs difficultés financières en produisant une attestation de crédits établie par la Caisse de Crédit Mutuel de Libourne, faisant notamment apparaître trois prêts personnels souscrits depuis le 5 avril 2014 postérieurement au recours administratif contre le permis d’aménager ; que s’ils ne démontrent pas que le blocage de l’opération immobilière en litige est la seule cause de leurs difficultés financières, ils justifient néanmoins d’un lien de causalité entre le recours de M. C. et les difficultés de commercialisation de leurs terrains ainsi que de la concomitance du recours à l’emprunt pour faire face à la perte d’une ressource attendue de la vente des terrains ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des préjudices subis par les requérants du fait du recours de M. C., compte tenu de la date d’introduction du recours, et des frais financiers exposés par ces derniers depuis cette date, en condamnant M. C. à leur verser une somme de 4 000 euros ».
Plus encore, le Tribunal administratif de LYON a également condamné un requérant à verser au bénéficiaire la somme de 82.700€ au titre de l’article L.600-7 du code de l’urbanisme.
Voir en ce sens : TA Lyon, 17 novembre 2015, n°1303301
« 28. Considérant, d’une part, ainsi qu’il a été dit aux points 4 à 6 du présent jugement, que les conclusions dirigées contre le permis de construire délivré à M. et Mme Z. ne sont recevables qu’en tant qu’elles émanent de Mme M. et des consorts G., les autres requérants ne justifiant d’aucun intérêt à agir ; que les seuls requérants justifiant d’un tel intérêt, s’ils sont voisins du projet en cause, ne résident pas à proximité, dès lors que le terrain de Mme M. situé à proximité du projet est un terrain nu, et que le chalet, voisin du projet, dont Mme N. veuve G. est usufruitière, ne constitue pas sa résidence principale ; qu’ainsi la perte d’intimité invoquée au titre de l’intérêt à agir demeure relative, alors que les risques allégués d’inondations ou de déstabilisation du terrain ne sont nullement établis ".
29. Considérant, d’autre part, que les seuls requérants recevables n’ont produit une pièce utile pour établir cet intérêt à agir que le 17 juin 2015, soit peu de jours avant une mise à l’audience initialement prévue le 23 juin 2015, nécessitant un renvoi de l’affaire à l’audience du 31 août 2015, alors que les fins de non recevoir opposées tant par la commune de G que par M. et Mme Z. à ce titre ont été présentées respectivement dès le 21 octobre 2013 et le 24 octobre 2013 ; que cette pratique apparaît manifestement comme dilatoire ».
Dans cette affaire, le Tribunal a pris en compte plusieurs éléments lui permettant de faire droit à la demande de dommages-et-intérêts :
Sur le caractère abusif du recours :
- Le caractère lacunaire de l’intérêt à agir des requérants ;
- L’absence de pièces justificatives du prétendu intérêt à agir ;
- Le fait que la requête ne présente aucun moyen sérieux pour démontrer l’illégalité du PC attaqué ; nombre de moyens sont inopérants, infondés, irrecevables, assortis de faits insusceptibles de venir à leur soutien ou encore non assortis des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé.
Cette disposition législative instaurée en 2019 devrait permettre aux bénéficiaires lésés par des recours abusifs de se voir indemniser. Mais cela devrait également avoir pour conséquence de dissuader certains requérants en cas de procédure de simple opportunité.
Pas de contribution, soyez le premier