Il ressort d’une jurisprudence récente que le pouvoir adjudicateur ayant proposé une méthode de notation fixée sur un prix HT ne peut appliquer la TVA aux prix proposés par les candidats aux fins de les comparer.
CAA de Bordeaux, 15 novembre 2016, n°15BX00253.
En effet, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a jugé que :
« une collectivité ne saurait comparer les prix proposés par chacune des entreprises en ajoutant aux prix proposés hors taxe, conformément aux règles définies par elle, par les candidats non exonérés de taxe à la date de la comparaison, la TVA qui sera éventuellement due par la collectivité sur les prestations […] » [1]
Cela s’est traduit comme suit en l’espèce :
« En l’espèce, l’article 5 du cahier des charges prévoit que les critères de sélection des offres étaient au nombre de deux, le prix, pondéré à 40 %, et le délai d’exécution, pondéré à 60 %. L’article 8-1 de la lettre de commande de la communauté urbaine de Bordeaux dispose que : "le prix présenté par le titulaire est unitaire, ferme et définitif, exprimé en euros hors taxe. (...) Les prix prévus à la présente lettre de commande s’entendent hors taxes. Ils seront augmentés de tous les droits, impôts et taxes légalement applicables et en vigueur le jour de leur exigibilité". Il résulte de ces dispositions que le prix proposé devait être exprimé hors taxe par l’ensemble des candidats, sans distinction entre ceux qui étaient exonérés de TVA et les autres. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que la méthode de comparaison des offres ayant consisté à comparer les prix tels qu’ils étaient exprimés par les candidats permettait de respecter le principe d’égalité entre les candidats, sans considération de leur situation fiscale particulière. Contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, la communauté urbaine de Bordeaux n’a commis aucune erreur de droit en retenant une telle règle de notation des prix et n’a donc pas entaché la procédure de passation du marché en litige d’irrégularité. Il appartient à la cour, par la voie de l’effet dévolutif, de statuer sur l’ensemble des prétentions de la société ECF-CESR-FP présentées devant le tribunal administratif de Bordeaux ».
Une telle méthode de notation a nécessairement pour effet de léser la candidate assujettie à la TVA par rapport à ses concurrentes non assujettie.
S’il est vrai que les collectivités publiques ne sont en règle générale pas assujettie à la TVA, les règles de transparence et d’égalité de traitement des candidats en matière de marchés publics imposent de ne pas ajouter le montant de la TVA aux prix proposés dès lors que les documents de la consultation font état d’un prix HT [2].
En effet, aux termes de cet article :
« Les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d’égalité de traitement des candidats à l’attribution d’un contrat de la commande publique. Ils mettent en œuvre les principes de liberté d’accès et de transparence des procédures, dans les conditions définies dans le présent code.
Ces principes permettent d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ».
Aussi, dès lors que les prix demandés sont demandés hors taxe, les entreprises candidates peuvent faire état des prix sans mentionner la TVA qui sera nécessairement appliquée au jour du paiement et le pouvoir adjudicateur ne peut y ajouter la TVA pour déterminer les notes attribuées sur le critère prix.
Le juge des référés ne devrait-il cependant pas aller plus loin dans l’analyse et considérer que la TVA ne devrait jamais être prise en compte dans l’analyse des offres.
En effet l’assujettissement de la TVA peut revêtir un véritable caractère discriminant pour une société candidate à un marché public.
Les sociétés assujetties à la TVA n’en faisant pas le choix, se voient pourtant présenter des offres économiquement moins avantageuses que des associations par exemple, lesquelles ne sont jamais assujetties à la TVA.
Il convient de rappeler que l’assujettissement à la TVA ne permet pas à ces sociétés de produire davantage de bénéfices, puisqu’elles reversent cette taxe à l’Etat.
Aussi, une entreprise ne devrait-elle pas être jugée en dehors de tout critère sur lequel elle n’a pas la mainmise ?
C'est réducteur de dire que les associations ne sont jamais assujetties à la TVA. Selon l'activité exercée par l'association celle-ci peut être assujettie. Aussi cette question relative à la TVA, touche certaines entreprises, telles que les entreprises d'insertion. Or même si le CCP prévoit des marchés réservés, peu sont les acheteurs qui ont vraiment recours. Pour la TVA cela dépend de ce que l'acheteur a prévu dans son marché pour la formation du prix et donc dans sa méthode de notation (TA de Grenoble, 7 janvier 2005, Société PH, n° 0406616) . C'est toujours la frontière entre le principe d'égalité et le principe d'équité. Or la commande publique prévoit bien le principe d'égalité. Il ne relève donc pas des acheteurs de corriger des situations dans lesquelles les entreprises sont en situation différente. D'un autre point de vue ce serait aussi pénaliser les entreprises d'insertion, et les associations qui répondent à but autre que purement économique. Toutes les dernières évolutions de la commande publique montrent nettement la volonté des décideurs de lui ôter sa mécanique purement mercantile.