La Commune de BORDEAUX et BORDEAUX METROPOLE ont adopté en juillet 2017 deux délibérations dont les principales dispositions sont entrées en vigueur le 1er mars 2018.

Depuis lors, les propriétaires bordelais qui souhaitant louer leur bien en location courts séjours meublé, type « Airbnb », sont soumis à des obligations très contraignantes.

Pour louer sa résidence principale, il convient de ne pas dépasser 120 jours par an de location.

Pire encore, pour louer sa résidence secondaire, il faut obtenir une autorisation délivrée uniquement après obtention d’une compensation.

En d’autres termes, il convient de proposer à la location classique un bien initialement à vocation commercial, de le transformer en bien à usage d’habitation et de déposer son dossier auprès de la Mairie de BORDEAUX qui décide, ou non, de délivrer ladite autorisation.

Ce parcours du combattant devient aujourd’hui presque impossible à réaliser dans la mesure ou le règlement ajoute des conditions supplémentaires à ce principe de compensation.

Le bien proposé en compensation ne doit pas être situé au rez-de-chaussée, doit disposer d’un parking, être d’une surface au moins équivalente et situé dans le même secteur que le premier bien.

De telles conditions reviennent à une interdiction pure et simple de proposer son bien résidence secondaire à la location meublée de courts séjours.

Pire encore, en se fondant sur l’article L.651-2 du Code de la construction et de l’habitation, la Commune de BORDEAUX tente d’infliger à de nombreux propriétaires bordelais une amende de 50.000€.

Aux termes de cet article :

« Toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 € par local irrégulièrement transformé.

Cette amende est prononcée par le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, sur requête de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat. Le produit de l'amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local. »

En d’autres termes, les propriétaires refusant de procéder au changement d’usage imposé [illégalement] par la Commune de BORDEAUX se voient, depuis le printemps dernier, assignés devant le Président du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX.

L’objectif est clair : leur voir infliger l’amende la plus élevée, à savoir 50.000€.

Pour se faire la procédure prévue est complexe : les agents assermentés de BORDEAUX METROPOLE déterminent, en écumant les sites de location de type « airbnb », cherchent des logements qui ne sont pas en règle avec la nouvelle règlementation en vigueur (voir supra.).

Une fois les logements repérés, ces agents procèdent à des visites [forcées] desdits biens aux fins de prendre des photos et ainsi pouvoir dresser un procès-verbal d’infraction, tel que le prévoit le code de la construction et de l’habitation.

Ce PV d’infraction leur permet alors d’assigner les propriétaires concernés devant le TGI et de solliciter leur condamnation à payer 50.000€ d’amende pour non-respect de la règlementation.

Pourtant de récentes décisions permettent désormais aux propriétaires de refuser cette visite de leur bien.

Il ressort notamment d’un récent arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme en date du 16 mai 2019 n° 66554/14 que :

« La Cour constate que les visites prévues par l’article L. 461-1 peuvent être effectuées dans un domicile, à tout moment et hors la présence d’un officier de police judiciaire, sans que soit explicitement mentionnée la nécessité de l’accord de l’occupant, et sans avoir été préalablement autorisée par un juge. Elle relève, certes, que l’absence de pouvoir coercitif des agents habilités leur interdit de pénétrer dans les lieux en cas de refus de l’occupant, sous peine des sanctions pénales prévues par l’article 432-8 du code pénal (paragraphe 30 ci-dessus). »

« Elle note qu’en matière d’urbanisme, le risque de dépérissement des preuves d’une infraction est susceptible d’être, comme en l’espèce, très limité, pour ne pas dire inexistant, et qu’il ne peut donc justifier une ingérence dans un domicile sans l’assentiment de son occupant ou, à défaut, sans l’autorisation d’une autorité judicaire. »

S’il s’agissait en espèce d’un texte différent, à savoir l’article L.461-1 du Code de l’urbanisme, le principe de la visite d’un bien par des agents assermentés reste le même.

Cet arrêt est donc transposable à la location de meublé courts séjours, dont les acteurs sont autorisés à refuser la visite de leur bien, et ce en vertu de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Plus encore, le Conseil Constitutionnel a récemment eu l’occasion de se prononcer sur cette question et a jugé que :

« Le sixième alinéa de l'article L. 651-6 autorise les agents du service municipal du logement, en cas de refus ou d'absence de l'occupant du local ou de son gardien, à se faire ouvrir les portes et à visiter les lieux en présence du maire ou d'un commissaire de police. En prévoyant ainsi que les agents du service municipal du logement peuvent, pour les motifs exposés ci-dessus, procéder à une telle visite, sans l'accord de l'occupant du local ou de son gardien, et sans y avoir été préalablement autorisés par le juge, le législateur a méconnu le principe d'inviolabilité du domicile. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre grief, le sixième alinéa de l'article L. 651-6 doit donc être déclaré contraire à la Constitution. » (Décision n° 2019-772 QPC du 5 avril 2019)

Cette décision est sans équivoque.

Il en résulte qu’en l’absence d’accord du propriétaire sur la visite des lieux, celle-ci ne peut avoir lieu.

En l’état du droit, les services de la mairie ne peuvent donc pas se fonder sur l’article L. 651-6 du Code de la construction et de l’habitation pour tenter d’obtenir lesdites visites.

Plus encore, le juge des référés du TGI de BORDEAUX a décidé de renvoyer l’ensemble des dossiers présentés devant lui à une date d’audience postérieure à la décision que rendra très prochainement la Cour de Justice de l’Union Européenne sur la question de savoir si ces règlements municipaux sont contraires ou pas au droit de l’Union Européenne.

Affaire à suivre donc…