C'est l'histoire d'un investisseur immobilier qui a tout perdu, non à cause d'une mauvaise affaire, mais à cause d'une trahison et d'une faute d'avocat. En 2013, Marc, entrepreneur aguerri, crée avec un associé une société (SCI) pour construire un hôtel de luxe. Le projet s'annonce prometteur : un emprunt de 553 000 € est obtenu et garanti, les premiers travaux démarrent. Marc y investit toutes ses économies. Mais, en coulisses, son associé se retourne contre lui. Quelques années plus tard, profitant de dissensions, cet associé collabore avec le créancier de la SCI pour lui tendre un piège juridique. Sans que Marc en soit informé, la société est assignée en justice pour un prétendu impayé – alors même que la dette avait été réglée via un accord notarié antérieur. L'assignation, délivrée fin 2016 au siège social (chez le comptable), est dissimulée à Marc par son associé. Résultat : la SCI ne se présente pas au tribunal. En mars 2017, un jugement est rendu par défaut contre la SCI : faute d'avoir pu se défendre, elle est condamnée à payer 720 000 €. Coup de massue : ce jugement, obtenu en catimini, place immédiatement la société en grande difficulté. Un mandataire ad hoc est nommé pour organiser la vente des actifs, et l'hôtel inachevé est mis sur le marché dans l'urgence. Pire encore, l'associé félon, conseillé officieusement par l'avocat du camp adverse, fait appel du jugement sans en informer Marc. Cette manœuvre dilatoire maintient Marc à l'écart de la procédure et complique sa possibilité d'agir pour faire rétracter le jugement injuste. Le temps que Marc découvre le pot aux roses et engage un nouveau recours, le mal est fait : la société est placée en redressement fin 2017, puis liquidée en 2018. L'unique immeuble de la SCI – le futur hôtel, encore en construction – est vendu à la va-vite pour seulement 7 millions d'euros, alors que sa valeur réelle est estimée à 14 millions. C'est une catastrophe : bradé à la moitié de sa valeur, le projet de Marc s'écroule.

La fraude est dévoilée ! Il faudra attendre 2020 pour que la vérité éclate. Marc, enfin au courant, saisit la justice et obtient la rétractation du jugement initial, preuves à l'appui de la fraude : l'acte notarié prouvant le paiement de la dette avait bel et bien été caché au tribunal. Deux ans plus tard, la Cour d'appel confirme que ce premier jugement était frauduleux. Mais il est trop tard. « Malheureusement, la révélation de la fraude est intervenue trop tard pour sauver la société, déjà dissoute et dépourvue de ses actifs », constate sobrement le jugement. Marc a tout perdu : l'intégralité des fonds investis (près de 1,9 million d'euros) est parti en fumée dans la liquidation, et son rêve hôtelier s'est envolé. Face à ce désastre, Marc décide de ne pas en rester là. Certes, il ne peut plus ressusciter sa société ni son projet. Mais il peut demander réparation des préjudices subis. Qui est en faute ? Dans cette histoire, de façon exceptionnelle, c'est l'avocat de la partie adverse qui a commis une faute lourde, en collusion avec l'associé de Marc. L'avocat de l'adversaire – un professionnel pourtant soumis à une déontologie stricte – a violé le principe du contradictoire en aidant à cacher l'assignation et en taisant des documents décisifs au tribunal. Il s'est aussi placé en conflit d'intérêts flagrant en étant secrètement rémunéré par la SCI de Marc tout en représentant le créancier opposé. Un tel comportement « indigne de la profession » excède la simple négligence : c'est une faute intentionnelle d'une exceptionnelle gravité. Il n'est donc pas étonnant que Marc cible cet avocat déloyal dans sa procédure en responsabilité.

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