Un décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025, portant réforme de l’instruction conventionnelle et recodification des modes amiables de résolution des différends est paru au cœur de l’été.
Il concerne la mise en état conventionnelle d’une part, la résolution amiable des différends d’autre part.
Nous nous intéresserons ici à la mise en état conventionnelle qui devient le principe, la mise en état judiciaire devenant l’exception (article 127 du CPC dans sa version applicable à partir du 1er septembre 2025).
S’agit-il véritablement d’un tournant procédural ou d’un simple toilettage ? L’examen de la mise en état conventionnelle, désormais érigée en principe, montre que cette réforme repose davantage sur des outils déjà connus que sur une transformation structurelle profonde ?
Cette instruction conventionnelle peut prendre deux formes : l’instruction conventionnelle simplifiée où la procédure participative aux fins de mise en état qui n’est en soi pas une nouveauté.
L’instruction conventionnelle simplifiée :
Lorsqu’une juridiction est saisie, des conventions ayant pour objet l’instruction de l’affaire en la forme simplifiée peuvent être conclues entre les avocats des parties. A cette fin, les parties qui décident, une fois la juridiction saisie, d’instruire leur affaire par voie conventionnelle en informent le juge, notamment par voie de conclusions concordantes ou par la transmission d’une copie de la convention. Elles lui précisent les modalités de mise en œuvre convenues (articles 129-1 et 129-2 du CPC dans sa version applicable à partir du 1er septembre 2025).
Si l’instruction conventionnelle a permis de mettre l’affaire en état d’être jugée, le juge fixe la date de clôture de l’instruction s’il y a lieu et la date de l’audience de plaidoiries.
En revanche, si la convention ne permet pas de préserver les principes directeurs du procès ou le droit au procès équitable ou si sa mise en œuvre n’a pas permis de mettre l’affaire en état d’être jugée, le juge peut, d’office ou à la demande d’une partie, poursuivre l’instruction selon les modalités usuelles de la mise en état judiciaire (129-2 du CPC dans sa version applicable à partir du 1er septembre 2025).
La conclusion de la convention interrompt le délai de péremption de l’instance jusqu’à la survenance du terme fixé par les parties ou jusqu’à l’avis donné aux parties de l’acte matérialisant la reprise de l’instruction judiciaire à condition que son exécution
donne lieu à des actes de nature à faire progresser l’affaire. En outre, elle ne dessaisit pas le juge qui connait de toute demande liée à la convention, des incidents, des exceptions de procédure et des fins de non-recevoir et peut ordonner toute mesure conservatoire ou provisoire (129-3 du CPC dans sa version applicable à partir du 1er septembre 2025).
La procédure participative aux fins de mise en état :
Cette procédure n’est en soi pas nouvelle et est prévue aux articles 2064 et suivants du code civil.
Elle peut être conclue par toute personne assistée de son avocat, avant la saisine du juge et si tel est le cas, elle rend irrecevable tout recours au juge pour qu'il statue sur le litige. Toutefois, l'inexécution de la convention par l'une des parties autorise une autre partie à saisir le juge pour qu'il statue sur le litige. Bien évidemment, en cas d'urgence, la convention ne fait pas obstacle à ce que des mesures provisoires ou conservatoires soient demandées par les parties (2064 du code civil).
Elle fait l’objet d’un écrit contenant, qui précise à peine de nullité (2063 du code civil) :
- Son terme
- L'objet du différend
- Les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige et les modalités de leur échange
- Le cas échéant, les actes contresignés par avocats que les parties s'accordent à établir
En outre, la convention fixe la répartition des frais de la procédure participative entre les parties sous réserve, lorsque l’une des parties bénéficie de l’aide juridictionnelle, des dispositions de l’article 123 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020. A défaut de précision dans la convention, les frais sont partagés entre les parties à parts égales (130-1 du CPC dans sa version applicable à partir du 1er septembre 2025)
Qu’elle soit conclue avant la saisine d’une juridiction ou en cours de procédure, es parties qui, au terme de la convention de procédure participative, parviennent à un accord réglant en tout ou partie leur différend peuvent soumettre cet accord à l'homologation du juge.
Sauf en matière prud’homale, lorsque, faute de parvenir à un accord au terme de la convention conclue avant la saisine d'un juge, les parties soumettent leur litige au juge, elles sont dispensées de la conciliation ou de la médiation préalable le cas échéant prévue (2066 du code civil).
En cours d’instance, les parties peuvent conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état. La partie la plus diligente informe le juge saisi de la conclusion de la convention et lui en transmet une copie. (130-2 du CPC dans sa version applicable à partir du 1er septembre 2025)
Comme en matière d’instruction conventionnelle simplifiée, le juge fixe la date de clôture de l’instruction s’il y a lieu la date de l’audience de plaidoiries.
De même, la conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état interrompt le délai de péremption de l’instance jusqu’à l’extinction de la convention et ne dessaisit pas le juge qui connait de toute demande liée à la convention, des incidents, des exceptions de procédure et des fins de non-recevoir et peut ordonner toute mesure conservatoire ou provisoire (130-4 du CPC dans sa version applicable à partir du 1er septembre 2025).
La convention de procédure participative aux fins de mise en état qui peut être modifiée dans les mêmes formes que celles prévues pour son établissement (130-5 du CPC dans sa version applicable à partir du 1er septembre 2025) prend fin par (130-6 du CPC dans sa version applicable à partir du 1er septembre 2025) :
- La survenance du terme fixé par les parties
- La réalisation de son objet
- Un accord écrit des parties contresigné par leurs avocats y mettant fin de manière anticipée
- L’inexécution, par l’une des parties, de la convention
- La conclusion d’un accord mettant fin en totalité au litige.
Comme en matière d’instruction conventionnelle simplifiée, si à l’issue de la procédure participative aux fins de mise en état l’affaire n’est toujours pas en état d’être jugée, l’instruction est poursuivie selon les modalités propres à chaque juridiction (130-7 du CPC dans sa version applicable à partir du 1er septembre 2025).
S’agissant de l’instruction conventionnelle, le décret recodifie les dispositions applicables au recours à un technicien mais il n’y a là rien de révolutionnaire.
En définitive, la seule vraie nouveauté réside dans la création de l’instruction conventionnelle simplifiée qui apparait plus souple que la procédure participative aux fins de mise en état avec notamment un formalisme allégé et la possibilité d’y recourir entre avocats.
Il y a certes une inversion d’un paradigme ou plutôt une affirmation de cette inversion en proclamant la mise en état conventionnelle comme devenant le principe mais en définitive rien de contraignant.
Il est toutefois prévu que les affaires instruites conventionnellement fassent l’objet d’un audiencement prioritaire (127 CPC dans sa version applicable à partir du 1er septembre 2025).
En réalité, au-delà de ce que pourraient prévoir les juridictions en termes d’audiencement prioritaire, il appartient aux avocats de se saisir tout particulièrement de l’instruction conventionnelle simplifiée pour notamment fixer un calendrier de procédure plus contraint que celui usité par les juridictions qui proposent, compte tenu notamment des moyens contraints qui leurs sont alloués, des dates de renvoi de plus en plus lointaines.
Enfin, si je ne traiterai pas ici le détail de la recodification du livre cinquième du code de procédure civile relative au règlement amiable des différends, j’évoquerais simplement la nouvelle injonction à la conciliation et à la médiation.
L’injonction à la conciliation et à la médiation :
Le juge peut, à tout moment de l’instance, enjoindre aux parties de rencontrer, dans un délai qu’il détermine, un conciliateur de justice ou un médiateur qui les informera sur l’objet et le déroulement de la conciliation ou de la médiation. Au cours de cette rencontre, les parties peuvent être assistées par toute personne ayant qualité pour le faire devant la juridiction saisie. Le juge peut également, dans la décision qui enjoint aux parties de rencontrer un conciliateur de justice ou un médiateur, ordonner une conciliation ou une médiation en subordonnant la mesure au recueil du consentement des parties par le conciliateur de justice ou le médiateur (1533 du CPC dans sa version applicable à partir du 1er septembre 2025).
Puisqu’injonction sans contrainte n’est pas, le conciliateur de justice ou le médiateur informe le juge de l’absence d’une partie à la réunion et la partie qui, sans motif légitime, ne défère pas à l’injonction peut être condamnée au paiement d’une amende civile d’un maximum de 10000 euros (1533-3 du CPC dans sa version applicable à partir du 1er septembre 2025).
S’il peut toujours être bon de rencontrer un conciliateur ou un médiateur, il est tout aussi de rappeler que les avocats sont les premiers à œuvrer pour le règlement amiable DE litige qui oppose leur client et cette injonction à marche forcée qui n’invite finalement qu’aux présenter isthme apparaît comme relativement critiquable.
En somme, le décret du 18 juillet 2025 opère une rationalisation bienvenue des outils existants sans toutefois bouleverser l’économie procédurale. Aux praticiens, et d’abord aux avocats, de saisir cette opportunité d’une plus grande autonomie dans la conduite de l’instance.
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