Rappel

L’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale prévoit l’intégration dans l’assiette des cotisations sociales de la fraction des dividendes perçus par le travailleur indépendant, son conjoint, partenaire de Pacs ou ses enfants mineurs non émancipés, lorsqu’ils excèdent 10 % du capital et des primes d’émission et des sommes versées en compte-courant détenues par ces mêmes personnes.

La fraction de dividende inférieure à ce seuil de 10 % est soumise aux prélèvements sociaux sur les produits de placement au taux de 17,2 %.

L’objectif d’une telle législation est de dissuader les professionnels indépendants de sanctionner la substitution indue d'un dividende à une rémunération (Cons. const., 6 août 2010, n° 2010-24 QPC - « dissuader le versement de dividendes fondé sur la volonté de faire échapper aux cotisations sociales les revenus tirés de l'activité de ces sociétés »).

Décision

Dans une jurisprudence récente (Cass. 2e civ., 19 oct. 2023, n° 21-20.366), la Cour de cassation a jugé que cette législation s’appliquait également lorsque les dividendes sont perçus par une holding de professions libérales (SPFPL) elle-même détenue intégralement par le travailleur indépendant (chirurgien-dentiste exerçant dans une SELARL) et son épouse.

Le principe posé par la Cour de cassation est non équivoque : « les bénéfices de la SEL au sein de laquelle le travailleur indépendant exerce son activité constituent le produit de son activité professionnelle et doivent entrer dans l'assiette des cotisations sociales dont il est redevable y compris lorsque ces bénéfices sont distribués à la SPFPL qui détient le capital de la SEL  ».

Portée et critiques

Si cette jurisprudence est relative à la cotisation d'assurance vieillesse due par un chirurgien-dentiste, la solution vise en réalité (i) l’ensemble des cotisations sociales de travailleurs non salariés et (ii) ne semble pas spécifique aux distributions de dividendes de SEL au profit de SPFPL (la distribution de dividendes de SARL au profit d’une holding semble également visée par cette jurisprudence).

Cette décision surprend pour plusieurs raisons :

D’une part, l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale soumet aux cotisations sociales (sous réserve du dépassement du seuil de 10 %) les seuls dividendes « perçus » par le « travailleur indépendant » de sorte que la holding devrait faire écran.

D’autre part, en visant « les bénéfices de la SEL », la décision est extrêmement large dans la mesure où elle ne semble pas viser les dividendes stricto sensu mais le bénéfice quelle que soit son affectation. Sur ce point cependant, la rédaction de la décision est assez contradictoire.

Quoi qu’il en soit, une telle jurisprudence soulève plusieurs questions :

  • Est-ce une décision d’espèce applicable uniquement dans le cadre d’opérations d’OBO (vente à soi même) concernant notamment des professions libérales et qui seraient jugées d’abusives ou s’applique-t-elle pour tous les schémas de rachat d’entreprises par effet de levier (LBO) ?
  • Existe-t-il un risque de double assujettissement aux cotisations sociales lorsque la holding SPFPL redistribue à son tour au praticien ?
  • Enfin, et alors qu’en principe les cotisations sociales sont déductibles du résultat fiscal soumis à l’impôt sur les sociétés, en cas de distributions importantes, l’administration fiscale ne pourrait-elle pas juger que la rémunération est excessive rejetant ainsi la déductibilité de ces cotisations sociales ?

Compte tenu de cette jurisprudence, la plus grande vigilance s’impose et des stratégies alternatives méritent d’être envisagées en présence d'une holding de rachat ou encore d'une opération de vente à soi même.