A peine a-t-on fini de s’étonner des propos tenus par le Président de la République, François Hollande, qui qualifiait l’institution judiciaire d’« Institution de lâcheté », un nouveau coup est porté à l’autorité judiciaire, cette fois-ci par Manuel Valls, la veille de son départ du gouvernement.

Le 5 décembre 2016, par un décret qui a été publié au journal officiel le 6 décembre 2016, il a été subrepticement créé une Inspection Générale de la Justice chargée d’une « mission permanente d'inspection, de contrôle, d'étude, de conseil et d'évaluation des juridictions judiciaires », y compris la Cour de cassation.

L’Inspection Générale de Justice est chargée « d’apprécier l'activité, le fonctionnement et la performance des juridictions, établissements, services et organismes soumis à son contrôle ainsi que, dans le cadre d'une mission d'enquête, la manière de servir des personnels. Elle présente toutes recommandations et observations utiles ».

Ces dispositions qui auraient pu passer en douce, compte tenu du climat politique actuel, n’ont pas manqué d’indigner les membres de la Cour de cassation qui ont immédiatement interpellé le nouveau Premier ministre, Bernard Cazeneuve, dans un courrier en date du 6 décembre 2016, co-signé du Premier Président Bertrand Louvel et du Procureur général Jean-Claude Marin. 

Ces hautes autorités invoquent une atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, cher à notre République, et demandent à être reçus immédiatement par le Premier ministre en s’appuyant sur l’article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui, dans des termes clairs, pose le principe de la séparation des pouvoirs : « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution ».

De prime abord, l’on peut considérer que la nouvelle Inspection Générale est de bon sens car elle centralise les compétences qui étaient jusque-là dévolues à l’Inspection des Services Judiciaires. Toutefois, celle-ci n’avait pas la compétence d’évaluer le travail de la Cour de cassation, juridiction judiciaire suprême, qui était cependant évaluée d’une part par elle-même et d’autre part par la Cour des comptes.

Le problème qui se pose avec ce décret, nonobstant le fait qu’il ait été créé sans consulter les magistrats et sans qu’il fût signé par le Président de la République, garant de l’autorité judiciaire, est que l’Inspection Générale de la Justice reçoit ses ordres de l’Exécutif, ce qui porte vraisemblablement atteinte à la Séparation des Pouvoirs.

L’on peut alors penser que sa mission est en dehors de l’activité juridictionnelle, mais le décret n’en dit rien. Même si le ministre de la Justice, Jean-Jacques URVOAS estime que nul ne compte placer les juridictions du premier ou du second degré sous le contrôle direct ou indirect du gouvernement, l’on peut légitimement s’inquiéter d’une instrumentalisation car, comme le soulève le Professeur Roseline Letteron, « La formule n'interdit pas un contrôle sur la manière dont les arrêts sont rendus, voire sur leur contenu ».

Le 8 décembre 2016, le Garde des sceaux a rencontré le premier président de la Cour de cassation et le Procureur général. Dans un communiqué livré le même jour, ceux-ci ont dénoncé la place dévalorisée donnée à la Cour de cassation, juridiction judiciaire suprême et proposent que l’Inspection Générale de la Justice soit plutôt placée sous l’autorité du Conseil Supérieur de la Magistrature qui est déjà investi d’une mission générale d’information à l’égard des juridictions.

Aujourd’hui, l’affaire suit son cours car elle vient d’être portée devant le Conseil d’Etat par le syndicat FO des magistrats.

A suivre donc !

Me Yannick LUCE

Avocate au Barreau de Paris