Par un avis consultatif rendu le mercredi 10 avril 2019, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) énonce que les Etats membres doivent établir un lien de filiation entre un enfant né par gestation pour autrui (GPA) pratiquée à l’étranger et la mère d’intention, mais ces Etats sont libres des moyens pour y parvenir.

Cet avis inédit et définitif fait suite à la demande adressée par la Cour de cassation le 12 octobre 2018, en vertu de l’article 1 du Protocole n°16 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, entré en vigueur le 1er aout dernier, qui permet aux hautes juridictions des douze Etats qui l’ont ratifié de demander un avis consultatif à la Cour européenne des droits de l’homme afin de trancher un litige pendant.

C’est ainsi que la Cour de cassation a sursis à statuer dans l’attente de réponse de la CEDH aux trois questions suivantes :

-    Doit-on obligatoirement reconnaitre le lien de filiation avec la mère d’intention ?

-    Est-ce que cela change quelque chose si la mère d’intention n’a pas donné ses ovocytes ?

-    Le lien de filiation peut-il être établi par l’adoption ?

Tout d’abord, rappelons qu’il n’y pas de consensus entre les Etats-membres de la convention sur le recours à la GPA. Dans ces circonstances, la CEDH ne prend pas position sur le principe même de la GPA dans son avis du 10 avril dernier. Cependant, il lui apparaît impératif de reconnaitre le lien de filiation de la mère d’intention. Ne pas le reconnaître serait contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi conçu.

En effet, le droit au respect de la vie privée de l’enfant requiert que le droit offre une possibilité d’un lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention.

Les juges européens n’imposent pas aux Etats-membres à retranscrire obligatoirement l’état civil étranger pour reconnaître la filiation avec la mère d’intention. En effet, une marge d’appréciation est laissée aux Etats dans le choix du moyen pour parvenir à établir la filiation entre les enfants nés par GPA et les mères d’intention. La Cour fixe tout de même une double condition d’effectivité et de célérité de mise en œuvre.

La mère d’intention voit sa situation appréhendée différemment par le droit français par rapport au père d’intention. N’ayant pas accouché de l’enfant, elle n’est considérée qu’en tant que mère nourricière.

Alors, la Cour de Strasbourg semble valider la position actuelle de la Cour de cassation française qui permet la reconnaissance de la filiation d’un enfant né légalement par GPA à l’étranger et de la mère d’intention par la procédure d’adoption simple de cette dernière de l’enfant biologique de leur conjoint.

Autrement dit, la législation française ne permet l’établissement de la filiation de cette femme commanditaire par la procédure de l’adoption simple qu’à la double condition que celle-ci soit mariée et que son conjoint soit le père biologique et le père d’intention de cet enfant né légalement par GPA à l’étranger.

Dès lors, cela reviendrait à dire que l’adoption simple par la mère d’intention aurait les mêmes effets sur le plan juridique que la transcription de l’acte de naissance étranger.

En revanche, la Cour n’a pas pris la peine de répondre sur le fait de savoir s’il fallait distinguer les cas où la mère d’intention a donné ou non ses gamètes et les cas où la mère porteuse elle-même a donné ses propres ovocytes.

La Cour aurait pu imposer une retranscription automatique de l’acte de naissance légalement formé à l’étranger. Par cet avis, elle semble encourager les couples à pratiquer - la GPA dans les Etats-membres l’autorisant puis à obliger leur juge national à reconnaitre la filiation par une autre procédure juridique légale.

De plus, considérer l’adoption comme alternative à la retranscription des actes de naissance étrangers ne permet pas de satisfaire complètement l’établissement de la filiation de ces mères d’intention.

Cet avis consultatif n’a pas permis d’envisager la filiation des couples non mariés qui auraient recours à la GPA. Cela fragmente encore davantage la notion traditionnelle de parentalité, voire en l’espèce de maternité.

Cet avis consultatif va être très certainement suivi par la Cour de cassation, car c’est la première fois que la Cour européenne rend un avis sur le sujet et d’autant plus qu’il a été rendu par la plus haute et grande formation de la Cour.

Il appartient désormais à chaque législateur national de choisir le mode d’établissement de filiation dans le cadre de révision des lois bioéthiques.

  

Maître Yannick LUCE

Avocate au Barreau de Paris