Ce qu’il faut retenir :
Dans un arrêt du 1er février 2023 (CE, 1er février 2023, n° 461478), le Conseil d'Etat juge qu'une décision administrative retirant un retrait de permis de construire doit être notifiée au tiers qui avait initialement sollicité ledit retrait auprès de l’autorité compétente.
Le retrait d’une autorisation d’urbanisme créé des droits au profit de la personne qui en fait la demande auprès de l’administration.
L’intéressé qui sollicite le retrait d’un permis de construire n’est plus un tiers à cette autorisation : il en devient, si l’administration fait droit à cette demande, bénéficiaire.
Le tiers-bénéficiaire du retrait ayant intérêt au maintien de cette décision, le « retrait du retrait » s’analyse comme une décision faisant disparaître celle ayant créé des droits à son égard.
Dès lors, l’affichage de cette décision ne constitue pas une mesure de publicité suffisante pour déclencher le délai de recours à l’égard du bénéficiaire de la décision retirée.
Seule la notification au « tiers bénéficiaire » a pour effet de déclencher ce délai.
Pour approfondir :
Les autorisations d’urbanisme illégales – qu’il s’agisse d’un permis de construire, de démolir, d’aménager ou d’une décision de non-opposition à déclaration préalable – peuvent être retirées par l’administration dans un délai de 3 mois à compter de leur délivrance.
Il existe toutefois deux exceptions à cette règle.
D’une part, l’alinéa 1 de l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme prévoit qu’une autorisation d’urbanisme peut être retirée au-delà de ce délai sur demande de son bénéficiaire.
D’autre part, la jurisprudence retient qu’une autorisation obtenue par fraude – qui suppose que le pétitionnaire se soit livré à des manœuvres dans le but de tromper l’administration sur la réalité du projet – peut être retirée à tout moment (CE, 5 mai 2011, n° 336893).
C’est en s’appuyant sur cette possibilité que, par arrêté du 6 août 2007, le maire de la commune d’ANZIN-SAINT-AUBIN a retiré, à la demande d’un couple de riverains, un permis de construire une maison d’habitation délivré le 28 octobre 2003.
Toutefois, par arrêté du 10 juillet 2015, le maire de la commune a retiré cet arrêté et a donc rétabli le permis délivré 12 ans plus tôt.
Le couple de voisins a alors saisi le juge administratif d’une requête tendant à l’annulation de l’arrêté du 10 juillet 2015 portant « retrait du retrait » du permis délivré en 2003.
Leur requête, rejetée pour irrecevabilité en première instance, a été accueillie par la Cour administrative d’appel de DOUAI.
Les ayants-droits du bénéficiaire du permis ont alors formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat, qui a ainsi été amené à se prononcer sur la question du délai de recours contre une décision retirant un retrait de permis.
La question pouvait légitimement se poser dans la mesure où les riverains n’ont contesté l’arrêté du 10 juillet 2015 que le 17 mars 2017, date à laquelle ils ont déposé leur requête devant le Tribunal administratif de LILLE.
Pour considérer comme tardive la requête, les premiers juges ont relevé que la commune justifiait de l’affichage en mairie de l’arrêté du 10 juillet 2015 et ont estimé qu’une telle mesure de publicité faisait courir à l’égard des requérants le délai de recours contentieux de deux mois prévu à l’article R. 421-1 du code de justice administrative.
En appel, la Cour a censuré ce raisonnement en rappelant que « la décision par laquelle le maire retire un permis de construire est créatrice de droits à l'égard des tiers qui ont intérêt au maintien de ce retrait ».
Le Conseil d’Etat approuve la solution en soulignant que le tiers ayant obtenu le retrait d’un acte administratif ne peut être regardé comme tiers à la décision retirant ce retrait : il devient destinataire de cette décision qui fait disparaître celle lui ayant créé des droits.
Dès lors, la décision retirant le retrait ne pouvait être opposée à ce couple de riverains qu’à la condition de leur avoir été notifiée.
En ce qui concerne ces voisins, le seul affichage en mairie n’a ainsi pas eu pour effet de déclencher le délai de recours contentieux, de sorte que leur requête, déposée deux ans après l’arrêté du 10 juillet 2015, n’était pas tardive.
Si le destinataire de la décision retirant le retrait peut donc contester cette décision tant qu’elle ne lui a pas été notifiée, le rétablissement de la décision initiale n’a en principe pas pour effet de faire courir un nouveau délai de recours contentieux contre le permis.
En l’espèce, le couple de riverains avait contesté tardivement le permis délivré en 2003 et ne pouvait donc, à la faveur du retrait de la décision retirant ce permis, bénéficier d’une nouvelle fenêtre de contestation.
Il en serait allé différemment si ce permis avait été retiré par l’administration dans le délai de recours contentieux.
Dans ce cas, la préservation du droit au recours des tiers qui auraient eu intérêt à contester le permis aurait impliqué, puisque le retrait aurait empêché ce recours, qu’un nouveau délai de contestation leur soit offert à compter d’une nouvelle période d’affichage continu de deux mois du permis sur le terrain (CE, 26 juillet 2018, n° 419204).
Pas de contribution, soyez le premier