Dans une décision rendue en sous-section réunies le 23 mars 2023 (CE, 23 mars 2023, n° 468360), le Conseil d’Etat juge que les “dark stores” doivent être regardés comme relevant de la sous-destination “entrepôt” au sens des dispositions des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l’urbanisme.

Ce faisant, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance rendue par le juge des référés du Tribunal administratif de PARIS, qui avait pour sa part considéré le 5 octobre 2022 que ces “dark stores” constituaient des constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif (CINASPIC).

Outre le débat de fond sur la qualification de ces locaux “d’espaces de logistique urbaine” au sens du règlement du PLU de PARIS, le Conseil d’Etat censure la décision du juge des référés sur deux points de droit récemment jugés.

Le Conseil d’Etat reproche d’une part au juge des référés d’avoir apprécié la nécessité d’obtenir d’une autorisation au titre du changement de destination au regard des catégories figurant dans le règlement écrit du PLU de PARIS, lequel demeure régi par les dispositions de l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016.

Or, la jurisprudence considère que, pour apprécier la nécessité d’obtenir une autorisation au titre du changement de destination, doivent être prises en compte les nouvelles catégories résultant de la réforme du 28 décembre 2015 (CE, 7 juillet 2022, n° 454789 confirmant CAA PARIS, 20 mai 2021, n° 19PA00986).

Les “anciennes” catégories auxquelles se réfère encore le règlement du PLU de PARIS retrouvent toutefois leur empire pour apprécier, sur le fond, la conformité de l’autorisation d’urbanisme requise au titre du changement de destination avec la réglementation d’urbanisme.

D’autre part, le Conseil d’Etat censure le raisonnement du juge des référés s’agissant de la portée des dispositions de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme.

Dans son ordonnance, le juge des référés avait estimé que les conditions requises pour la mise en oeuvre de ces dispositions n’étaient pas remplies, en l’absence de “travaux” au sens des articles L. 421-1 à L. 421-5 du code de l’urbanisme.

Mais ainsi que le Conseil d’Etat l’a jugé le 22 décembre 2022 (CE, 22 décembre 2022, n° 463331), les dispositions de l’article L. 481-1 permettent à l’autorité administrative de faire usage de ces dispositions “lorsqu’a été dressé un procès-verbal constatant que des travaux soumis à permis de construire, permis d’aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou dispensés, à titre dérogatoire, d’une telle formalité ont été entrepris ou exécutés irrégulièrement”.

Un changement de destination étant à tout le moins soumis à déclaration préalable, le Conseil d’Etat juge ici que l’autorité administrative pouvait régulièrement faire usage de ces dispositions quand bien même le changement de destination n’aurait pas impliqué de travaux.

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat considère en définitive que l’exploitation de dark stores dans les locaux occupés par les sociétés concernées constituait un changement de destination nécessitant le dépôt de déclarations préalables.

De telles autorisations ne pouvaient cependant être régulièrement délivrées dès lors que le règlement écrit du PLU de PARIS interdit à l’article UG.2.2.2 la transformation en entrepôts de locaux existants en rez-de-chaussée.

Le 24 mars 2023 – soit 24 heures après la décision du Conseil d’Etat – étaient publiés au journal officiel un décret n° 2023-195 du 22 mars 2023 portant diverses mesures relatives aux destinations et sous-destinations des constructions pouvant être réglementées par les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu, ainsi qu’un arrêté du 22 mars 2023 modifiant la définition des sous-destinations des constructions pouvant être réglementées dans les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu.

Outre quelques mesures (notamment l’ajout d’une nouvelle sous-catégorie de destination “lieu de culte”), le décret crée une nouvelle nouvelle sous-destination « cuisine dédiée à la vente en ligne » dans la destination « autres activités des secteurs primaire, secondaire et tertiaire ».

Les “dark kitchens” relèvent donc désormais d’une sous-catégorie de destination spécifique.

S’agissant des “dark stores”, l’arrêté du 22 mars 2023 avalise la solution du Conseil d’Etat en définissant la sous-destination “entrepôt” comme suit :

La sous-destination “entrepôt” recouvre les constructions destinées à la logistique, au stockage ou à l’entreposage des biens sans surface de vente, les points permanents de livraison ou de livraison et de retrait d’achats au détail commandés par voie télématique, ainsi que les locaux hébergeant les centres de données.

Le législateur et le juge s’accordent ainsi à considérer qu’un “dark store” doit être regardé comme relevant de la sous-catégorie “entrepôt” au sens des dispositions de l’article R. 151-28 du code de l’urbanisme.

Les drive piéton échappent en revanche à cette qualification et sont incorporés dans la sous-catégorie "artisanat et commerce de détail", qui recouvre "les locaux dans lesquels sont exclusivement retirés par les clients les produits stockés commandés par voie télématique"

Les “dark kitchens” relèvent quant à elles, depuis le 1er juillet 2023, d’une catégorie de sous-destination spécifique appartenant à la catégorie de destination “autres activités des secteurs primaire, secondaire et tertiaire ».

Si l’on peut saluer la prise en compte en droit positif de ces nouveaux modes de consommation, il est toutefois regrettable que le législateur n’ait pas saisi l’opportunité pour réglementer d’autres phénomènes tels que, par exemple, le coliving…