Par deux arrêts respectivement rendus le 4 mai 2023 (n°464702) et le 30 juin 2023 (n° 463230), le Conseil d’Etat a apporté d’intéressantes précisions sur le régime contentieux du permis de construire de régularisation délivré en application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

Rappelons que ces dispositions permettent au juge administratif, lorsqu’il estime que l’illégalité entachant un permis ou une déclaration préalable est susceptible d’être régularisée, de surseoir à statuer et de fixer un délai au pétitionnaire pour notifier une mesure de régularisation.

Cette régularisation, qui peut intervenir même après l’achèvement des travaux, suit un régime distinct de celui du permis de construire modificatif "classique", lequel ne peut être délivré si la construction que le permis autorise est achevée.

 

D’une part, il est jugé que l’illégalité entachant une autorisation d’urbanisme ne peut être régularisée par le seul changement des circonstances de fait ou de droit en cours d’instance.

Dans cette première affaire, le permis de construire délivré à la société pétitionnaire méconnaissait les règles de hauteur fixées par le règlement écrit du PLU.

Estimant ce vice régularisable, le Tribunal administratif de TOULOUSE avait fait application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme en fixant, par jugement avant-dire droit du 16 février 2021, un délai de 5 mois afin de permettre à la société pétitionnaire de régulariser son projet.

Quatre mois plus, tard, le 28 juin 2021, le conseil municipal de la commune concernée approuvait une délibération modifiant le PLU, et en particulier les règles de hauteur méconnues par ledit permis.

Constatant que son projet était désormais conforme à la réglementation, la société pétitionnaire a considéré que son permis avait été régularisé par l’effet de cette modification.

Le Tribunal administratif de TOULOUSE a quant lui relevé qu’aucune mesure de régularisation n’était intervenue dans le délai imparti, et a par conséquent annulé le permis de construire.

En cassation, le Conseil d’Etat estime que la modification des règles applicables est « par elle-même », insusceptible d’entraîner la régularisation d’un permis de construire.

Selon l’arrêt, si une autorisation d’urbanisme peut « être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par l'autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l'effet d'un changement dans les circonstances de fait de l'espèce », « la seule circonstance que le vice dont est affectée l'autorisation initiale et qui a justifié le sursis à statuer résulte de la méconnaissance d'une règle d'urbanisme qui n'est plus applicable à la date à laquelle le juge statue à nouveau sur la demande d'annulation, après l'expiration du délai imparti aux intéressés pour notifier la mesure de régularisation, est insusceptible, par elle-même, d'entraîner une telle régularisation et de justifier le rejet de la demande ».

La régularisation n’étant pas automatique, il convient en pareil de cas de solliciter la délivrance d’un permis de régularisation qui aura pour seul objet de prendre acte de l’évolution des circonstances de droit ou de fait, et de notifier la mesure de régularisation dans le délai imparti.

 

Cette démarche sera d’autant plus aisée que, d’autre part, le Conseil d’Etat a jugé le 30 juin 2023 qu’une telle mesure de régularisation régularise le vice ayant justifié le sursis à statuer, même s’il n’est pas indiqué dans le dossier de permis déposé en mairie que la demande est déposée à cette fin.

En l’espèce, le Tribunal administratif de TOULOUSE avait là encore fait application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme pour permettre ici de régulariser le vice tiré de l’incompétence du signataire du permis.

Si, à la différence de l’affaire précédente, la société pétitionnaire avait sollicité et obtenu une mesure de régularisation, le juge a toutefois considéré que le permis obtenu ne régularisait pas le vice relevé au motif que le dossier de permis de construire modificatif « ne spécifiait pas qu’il était sollicité à cette fin ».

Le Conseil d’Etat censure le raisonnement et indique que « en déduisant de cette seule circonstance que le permis de construire modificatif délivré ne pouvait être regardé comme ayant régularisé le vice dont était entaché le permis de construire initial, sans rechercher s'il ne résultait pas d'autres éléments du dossier, tels que la chronologie dans laquelle s'inscrivait la demande de permis modificatif ou les échanges intervenus avec la commune à l'occasion de son instruction, qu'il avait en l'espèce eu cet objet, le tribunal a commis une erreur de droit ».

Un permis de construire sollicité dans le cadre d’un sursis à statuer doit donc, même s’il ne l’indique pas expréssement, être regardé comme ayant pour objet de régulariser le vice ayant justifié le sursis à statuer.

En synthèse, la régularisation d’une autorisation d’urbanisme n’est pas automatique et ce quand bien même la règle méconnue aurait évolué en cours de procédure ou ne serait plus applicable.

Pour autant, il suffit au défendeur de s’engager dans le processus de régularisation, même s’il ne l’indique pas formellement, pour que la délivrance de cette autorisation suffise à régulariser le vice.