En matière de garantie financière, la Cour de cassation a souligné très récemment que l'ouverture d'une procédure collective à l’encontre du maître d’ouvrage n’avait pas pour effet de contraindre un entrepreneur ayant régulièrement notifié un sursis à l’exécution des travaux, avant ladite ouverture, à les reprendre sans obtenir auparavant du maître d’ouvrage une garantie financière.

Pour mémoire, la garantie financière est prévue par les dispositions de  l'article 1799-1 du Code civil, qui sont d'ordre public et selon lesquelles:

"Le maître de l'ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l'article 1779 doit garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat.

Lorsque le maître de l'ouvrage recourt à un crédit spécifique pour financer les travaux, l'établissement de crédit ne peut verser le montant du prêt à une personne autre que celles mentionnées au 3° de l'article 1779 tant que celles-ci n'ont pas reçu le paiement de l'intégralité de la créance née du marché correspondant au prêt. Les versements se font sur l'ordre écrit et sous la responsabilité exclusive du maître de l'ouvrage entre les mains de la personne ou d'un mandataire désigné à cet effet.

Lorsque le maître de l'ouvrage ne recourt pas à un crédit spécifique ou lorsqu'il y recourt partiellement, et à défaut de garantie résultant d'une stipulation particulière, le paiement est garanti par un cautionnement solidaire consenti par un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d'assurance ou un organisme de garantie collective, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. Tant qu'aucune garantie n'a été fournie et que l'entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, celui-ci peut surseoir à l'exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l'issue d'un délai de quinze jours.

Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas lorsque le maître de l'ouvrage conclut un marché de travaux pour son propre compte et pour la satisfaction de besoins ne ressortissant pas à une activité professionnelle en rapport avec ce marché.

Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux marchés conclus par un organisme visé à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, ou par une société d'économie mixte, pour des logements à usage locatif aidés par l'Etat et réalisés par cet organisme ou cette société."

En l’occurrence, le sursis à exécution des travaux par l'entrepreneur est licite et non abusif en présence de factures impayées et après une mise en demeure infructueuse, puisqu’aucune disposition propre aux procédures collectives n’empêchait le MO d’obtenir une garantie financière.

Par ailleurs, la résiliation judiciaire du contrat de louage d'ouvrage est prononcée aux torts exclusifs du débiteur.

"Mais attendu qu'après avoir relevé que la Sogea, en l'absence de fourniture par le maître de l'ouvrage de la garantie prévue par l'article 1799-1 du code civil et de paiement par ce dernier de ses factures, a mis en demeure le CMCJ, par une lettre recommandée du 9 août 2011, de se conformer aux exigences du texte précité, l'arrêt retient, à bon droit, par motifs propres et adoptés, que devant la carence persistante du maître de l'ouvrage, la Sogea a régulièrement sursis à l'exécution de ses prestations, le 9 septembre 2011, avant l'ouverture du redressement judiciaire du CMCJ le 22 décembre suivant ; que, répondant aux conclusions prétendument délaissées invoquées par la première branche, l'arrêt retient encore exactement que si l'ouverture de la procédure collective interdisait au débiteur de payer les créances antérieures de la Sogea, aucune disposition propre aux procédures collectives n'empêchait l'administrateur et le débiteur, s'ils voulaient que les travaux reprennent, d'effectuer les diligences nécessaires à l'obtention de la garantie financière manquante qui demeurait, quant à elle, exigible et en déduit que la suspension des travaux, régulièrement acquise avant l'ouverture du redressement judiciaire, demeurait licite et exempte de tout abus de la part de l'entreprise ; que la cour d'appel, qui a, en conséquence, exclu toute faute de la Sogea pour avoir maintenu la suspension des travaux après le jugement d'ouverture a fait l'exacte application des textes d'ordre public invoqués par le moyen, dès lors que l'ouverture d'une procédure collective ne peut avoir pour effet de contraindre un entrepreneur ayant, avant cette ouverture, régulièrement notifié le sursis à l'exécution de ses travaux, à les reprendre sans obtenir la garantie financière édictée par l'article 1799-1 du code civil ; que le moyen n'est pas fondé"

Tels sont les enseignements tirés de la décision de la Cour de Cassation. (Cass. Com. 10 octobre 2018 n°17-18.547)