Définition du délit d’abandon de famille


Selon l’article 227-3 du code pénal, « Le fait, pour une personne, de ne pas exécuter une décision judiciaire ou l'un des titres mentionnés aux 2° à 5° du I de l'article 373-2-2 du code civil lui imposant de verser au profit d'un enfant mineur, d'un descendant, d'un ascendant ou du conjoint une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature dues en raison de l'une des obligations familiales prévues par le code civil, en demeurant plus de deux mois sans s'acquitter intégralement de cette obligation, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

Les infractions prévues par le premier alinéa du présent article sont assimilées à des abandons de famille pour l'application du 3° de l'article 373 du code civil ».

L’article 227-4 dispose que « le fait, par une personne tenue, dans les conditions prévues à l'article 227-3, à l'obligation de verser une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature, de ne pas notifier son changement de domicile au créancier dans un délai d'un mois à compter de ce changement, est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende ».

 

Les éléments constitutifs du délit d’abandon de famille


  A. La condition préalable : l’existence d’une obligation alimentaire ou familiale

L’infraction d’abandon de famille suppose qu’il existe, au préalable, une obligation alimentaire ou familiale déterminée.

     1. La nature de la décision

L’article 227-3, alinéa 1, du code pénal, renvoie à l'article 373-2-2 du code civil qui dresse la liste des décisions concernées :

  • Une décision judiciaire ;
  • Une convention judiciairement homologuée ;
  • Une convention prévue à l’article 229-1 du code civil (convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel) ;
  • Un acte reçu en la forme authentique par un notaire ;
  • Une convention à laquelle l'organisme débiteur des prestations familiales a donné force exécutoire en application de l'article L. 582-2 du code de la sécurité sociale.

Si l’obligation n’est pas constatée dans l’une de ces décisions, l’infraction ne peut être constituée.

     2. La nature de l’obligation

La décision doit obliger le débiteur au paiement soit d’une pension, soit d’une contribution, soit des subsides ou des prestations de toute nature dues en raison de l’une des obligations familiales prévues par le code civil.

La décision doit donc mettre à la charge du débiteur une obligation alimentaire ou familiale.

Ainsi, constitue une « décision judiciaire » au sens de l’article 227-3 une somme fixée par un jugement de divorce à titre d’avance sur la part de communauté (Crim., 19 octobre 1981, pourvoi n° 80-92.574, Bull. n° 275).

Il en va de même du jugement condamnant une personne à une obligation d’entretien au profit de son enfant majeur qui, poursuivant des études supérieures, était encore à charge (Crim., 14 octobre 1985, pourvoi n° 83-94.892, Bull. n° 309).

En outre, la décision doit être exécutoire, soit à titre définitif, soit à titre provisoire, au moment où son exécution est réclamée par le créancier et que le débiteur refuse de s’exécuter (Crim., 3 novembre 1977, pourvoi n° 76-91.256, Bull. n° 326).

Si la décision judiciaire émane d’un tribunal étranger, elle doit, pour servir de base à la poursuite, être revêtue de l’exequatur.

Ne présente pas un caractère exécutoire un jugement se bornant à donner acte de l’offre d’une prestation compensatoire (Crim., 10 janvier 1984, pourvoi n° 82-92.378, Bull. n° 10).

Pour être exécutoire, la décision judiciaire définissant l’obligation de famille mise à la charge du débiteur doit lui avoir été signifiée ou, à tout le moins, il doit en avoir eu connaissance.

Ainsi, le débiteur d’une pension alimentaire fixée par une ordonnance de non-conciliation, qui se réfère à cette ordonnance pour assigner son conjoint en divorce, a nécessairement connaissance de cette décision (Crim., 7 octobre 1992, pourvoi n° 91-85.138).

Ainsi encore, le débiteur d’une décision fixant la contribution aux charges du ménage qui, bien que cette décision ne lui ait pas été signifiée, en a interjeté appel, en a légalement eu connaissance (Crim., 9 janvier 1962, Bull. n° 13).

La jurisprudence précise qu’il importe peu que le jugement servant de base aux poursuites n’ait pas été assorti de l’exécution provisoire ou n’ait pas été notifié au prévenu dès lors qu’il existe un commencement d’exécution volontaire (Crim., 23 octobre 1991, pourvoi n° 90-81.452).

     3. Le bénéficiaire de la décision

La décision doit fixer une créance au profit de l’une des personnes visées par l’article 227-3 du code pénal, à savoir :

  • Un enfant mineur ;
  • Un descendant ;
  • Un ascendant ;
  • Le conjoint.

Les frères et sœurs sont exclus car ils ne bénéficient d’aucune créance d’aliment.

  B. L’élément matériel : le défaut de paiement

Le débiteur de l’obligation alimentaire ou familiale doit, pour que l’infraction d’abandon de famille soit constituée, ne pas s’être acquitté intégralement de son obligation pendant plus de deux mois.

Il ressort du texte que le paiement doit être intégral et il doit intervenir entre les mains du créancier.

Ainsi, commet l’infraction le père, condamné à payer une pension alimentaire à la mère de ses deux enfants, qui verse directement à l’un de ses fils des sommes d’argent (Crim. 26 octobre 2005, pourvoi n° 05-81.053).

En outre, une condition d’ordre temporel est exigée : il faut caractériser un défaut de paiement pendant plus de deux mois consécutifs.

Il suffit, pour que le délit d'abandon de famille soit constitué, que les délais soient écoulés à la date à laquelle intervient la citation devant la juridiction correctionnelle ; il importe peu qu'ils ne l'aient pas été à la date où la plainte a été déposée au parquet. (Crim. 27 nov. 1962, Bull. n° 339 ; Crim. 14 janvier 1991, pourvoi n° 89-84.056).

Le paiement ultérieur de la dette laisse subsister l’infraction (Crim., 23 mars 1981, pourvoi n° 74-94.340, Bull. n° 101).

Le débiteur de l’obligation ne peut exciper d’une prétendue compensation pour justifier sa carence, la compensation n’étant pas admise en matière de dettes à caractère alimentaire (Crim., 4 janvier 1973, pourvoi n° 72-91.515, Bull. n° 3).

Le délit d’abandon de famille est constitué dès lors que le débiteur demeure plus de deux mois sans s’acquitter du montant de l’obligation mise à sa charge par une décision judiciaire légalement exécutoire ou une convention judiciairement homologuée ; la réduction ou la suppression ultérieure, même avec effet rétroactif, de l’obligation alimentaire, ne fait pas disparaître l’infraction déjà consommée (Crim., 4 février 2004, pourvoi n° 03-80.751 ; Crim., 4 juin 2008, pourvoi n° 07-87.697).

La solution est la même en cas de caducité de la décision judiciaire légalement exécutoire qui interviendrait postérieurement à la date des faits incriminés (Crim., 7 octobre 1992, pourvoi n° 91-85.138).

  C. L’élément moral de l’infraction

L’abandon de famille est une infraction intentionnelle.

L’intention coupable ne se présume pas et ne saurait donc être déduite du seul défaut de paiement (Crim., 16 décembre 2015, pourvoi n°14-88.175).

L’élément moral consiste tant dans la connaissance par le débiteur de la décision l’astreignant au paiement d’une obligation alimentaire ou familiale que dans la volonté, en connaissance de cause, de ne pas procéder au paiement.

Si le prévenu peut se prévaloir d’une impossibilité matérielle de payer pendant la période visée à la prévention, l’élément intentionnel du délit ne sera pas caractérisé (Crim., 28 juin 2000, pourvoi n° 99-84.364).

 

La répression du délit d’abandon de famille


La peine encourue pour le délit d’abandon de famille est prévue à l’article 227-3 du code pénal. Elle est de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

La tentative de l’infraction n’est pas punissable.

Des peines complémentaires telles que l’obligation d’accomplir un stage de responsabilité parentale, l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs ou encore l’interdiction d’exercer les droits civiques, civils et de famille sont prévues par l’article 227-29 du même code.

Par ailleurs, le fait pour le débiteur d’une obligation familiale de ne pas informer son créancier de son changement de domicile dans un délai d’un mois est puni de 6 mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende (article 227-4 du code pénal).