Une nouvelle loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite a été promulguée le 27 juillet 2023.

Cette loi poursuit trois objectifs clairement énoncés :

  • Mieux réprimer le squat
  • Chapitre II : Sécuriser les rapports locatifs
  • Chapitre III : Renforcer l'accompagnement des locataires en difficulté

S'agissant du premier objectif d'une meilleure répression des situations de squat, les principales dispositions de la loi du 27 juillet 2023 sont les suivantes :

       1. Renforcement des dispositions et dispositifs préexistants

Le délit de violation de domicile

Le délit de violation de domicile, prévu par l'article 226-4 du code pénal, est modifié.

Pour rappel, constitue une violation de domicile, "l'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres (exemple : défoncer une porte, changer les serrures), menaces, voies de fait ou contrainte", sauf dans les cas où la loi le permet. Le fait de se maintenir dans le logement par la suite est puni des mêmes peines.

Jusqu'ici la notion de domicile n'était pas définie par la loi, mais par la jurisprudence.

La loi du 27 juillet 2023 vient proposer une définition du domicile : "constitue notamment le domicile d'une personne, au sens du présent article, tout local d'habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu'il s'agisse de sa résidence principale ou non".

La loi n'impose donc pas que l'immeuble squatté soit la résidence principale de la victime, ni même qu'elle y habite. La loi exige par contre la présence de meubles appartenant à la victime (il n'y a pas de liste, mais on peut légitimement penser au mobilier de base : lit, table, frigo, etc.).

La définition proposée par l'article 226-4 n'est toutefois pas exhaustive (cf. "notamment"), ce qui laisse aux tribunaux une marge d'appréciation.

La répression du délit de violation de domicile est accrue : on passe de 1 an d'emprisonnement et 15.000 € d'amende encourus, à 3 ans d'emprisonnement et 45.000 € d'amende.


Le délit d'usurpation de l'identité d'un propriétaire

Constitue un délit le "fait de mettre à disposition d'un tiers, en vue qu'il y établisse son habitation moyennant le versement d'une contribution ou la fourniture de tout avantage en nature, un bien immobilier appartenant à autrui, sans être en mesure de justifier de l'autorisation du propriétaire ou de celle du titulaire du droit d'usage de ce bien".

L'article 313-6-1 du code pénal réprimant cette pratique, visant à se faire passer pour le propriétaire d'un bien auprès d'un tiers intéressé pour le louer, existe depuis 2003.

La répression est toutefois aggravée par la loi du 27 juillet 2023 : comme pour la violation de domicile, on passe de 1 an d'emprisonnement et 15.000 € d'amende encourus, à 3 ans d'emprisonnement et 45.000 € d'amende.


Les délais de grâce

Avant la loi du 27 juillet 2023, un squatteur condamné à quitter les lieux par jugement d'expulsion pouvait bénéficier :

La loi du 27 juillet 2023 vient supprimer le bénéfice de ces délais de grâce, sauf possibilité pour le juge d'accorder aux squatteurs le bénéfice de toute ou partie de la période de trêve hivernale, dès lors que les locaux squattés ne constituent pas un domicile (article L. 412-6 nouveau, alinéa 3, du CPCE).


La procédure administrative d'évacuation des squats

La loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (DALO) prévoit, en son article 38, la possibilité pour le propriétaire d'un logement squatté d'obtenir une expulsion rapide (sans passer par le juge) par les services préfectoraux, à la triple condition :

  • De déposer plainte pour violation de domicile
  • D'apporter la preuve que le logement constitue bien son domicile, "qu'il s'agisse ou non de sa résidence principale"
  • Qu'un officier de police constate l'occupation illicite.

Si ces conditions sont réunies, le Préfet dispose de 48 heures à compter de la réception de la demande pour mettre en demeure les squatteurs de quitter les lieux dans un délai d'exécution qu'elle fixe et qui ne peut être inférieur à 24 heures. Cette mise en demeure est notifiée aux occupants et fait l'objet d'un affichage en mairie et sur les lieux.

Les seuls motifs possibles de refus de la Préfecture sont 1/ la méconnaissance d'une des trois conditions susmentionnée ou 2/ l'existence d'un motif impérieux d'intérêt général.

Dans le cas où la mise en demeure de quitter les lieux n'est pas suivie d’effet, la Préfecture doit faire procéder sans délai à l’évacuation forcée du logement.

Quelles sont les nouveautés apportées par la loi du 27 juillet 2023 pour favoriser le recours et le succès de cette procédure administrative accélérée ?

  • Le champ d'application de la procédure est élargi puisqu'on ajoute, au "domicile d'autrui, qu'il s'agisse ou non de sa résidence principale", la notion de "local à usage d'habitation".
  • La faculté de constater l'occupation illicite est donnée, outre les officiers de police judiciaire, aux maires et aux commissaires de justice (les anciens huissiers de justice).
  • Si le propriétaire est dans l'incapacité d'apporter la preuve de son droit de propriété (par exemple si tous ses documents administratifs se trouvent dans le logement squatté), le Préfet doit saisir l'administration fiscale dans un délai de 72 heures pour établir ce droit.

Deux nouvelles dispositions de la loi sont au contraire favorables aux squatteurs :

  • Il est désormais précisé que la Préfecture doit prendre en considération la situation personnelle et familiale de l'occupant avant de délivrer la mise en demeure.
  • Lorsque le local squatté ne constitue pas le domicile du propriétaire, le délai d'exécution après mise en demeure est porté à 7 jours et l'introduction d'un référé administratif suspend l'exécution de la mesure d'expulsion.

       2. Création de nouveaux délits

La loi du 27 juillet 2023 crée trois nouveaux délits en vue de lutter contre l'occupation illégale.

Le délit d’occupation frauduleuse

L'article 315-1 du code pénal réprime "l'introduction dans un local à usage d'habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte, hors les cas où la loi le permet", ainsi que "le maintien dans le local à la suite de l'introduction mentionnée au premier alinéa".

La peine encourue est de deux ans d'emprisonnement et 30.000 € d'amende.

Le délit ressemble étrangement, à première vue, à celui de violation de domicile, et se pose la question de son intérêt. En réalité, les deux infractions se distinguent sur deux points :

  • Le champ d'application de cette nouvelle infraction est plus large, puisqu'un "local à usage d'habitation ou commercial, agricole ou professionnel" ne constitue pas nécessairement un "domicile", terme visé dans l'infraction de violation de domicile.
  • Le délit d'occupation frauduleuse vient réprimer une atteinte aux biens, là où le délit de violation de domicile sanctionne plutôt une atteinte aux personnes. Les intérêts protégés sont différents.

 

Le délit d'occupation frauduleuse par un locataire défaillant

L'article 315-2 du code pénal sanctionne le fait, pour un ancien locataire devenu occupant sans droit ni titre, de se maintenir "dans un local à usage d'habitation en violation d'une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois".

La peine est beaucoup moins lourde que pour l'infraction précédente, car on tient compte du fait que l'occupant disposait d'un titre (un contrat de bail) avant que son expulsion ne soit prononcée : 7.500 € d'amende.

Les dispositions de cet article ne sont pas applicables dans trois cas :

  • Lorsque l'occupant bénéficie de la période de trêve hivernale (article L. 412-6 du CPCE)
  • Lorsque le juge de l'exécution a été saisi d'une demande de délais de grâce, jusqu'à ce qu'une décision de rejet de la demande intervienne, ou jusqu'à l'expiration des délais accordés à l'occupant par le juge (article L. 412-3 du CPCE)
  • Lorsque le logement appartient à un bailleur social ou à une personne morale de droit public

 

Le délit d'incitation au squat

L'article 226-4-2-1 du code pénal réprime "la propagande ou la publicité, quel qu'en soit le mode, en faveur de méthodes visant à faciliter ou à inciter à la commission des délits prévus aux articles 226-4 (violation de domicile) et 315-1 (occupation frauduleuse de certains locaux)".

On cherche ici à sanctionner les personnes qui prodiguent des conseils et des recommandations pour faciliter le squat, en ligne (articles, vidéos, etc.), ou sur papier (modes d'emploi, brochures), etc.

Si l'infraction est commise par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les personnes responsables sont déterminées par application les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières (cf. distinction entre l'éditeur, l'auteur ou l'imprimeur faite par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse).

La peine encourue est une amende de 3.750 €.