En réaction notamment à l'affaire Sarah HALIMI, tuée en avril 2017, une nouvelle loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure a été promulguée le 24 janvier 2022.
Cette loi poursuit deux objectifs majeurs clairement énoncés :
1/ Limiter l'irresponsabilité pénale en cas de trouble mental résultant d'une intoxication volontaire aux substances psychoactives
2/ Renforcer la répression des atteintes commises contre les forces de sécurité intérieure.
S'agissant du second objectif d'une protection accrue des forces de l'ordre, les principales dispositions de la loi du 24 janvier 2022 sont les suivantes :
- Répression aggravée des violences volontaires sur les forces de l'ordre
Est créé un article 222-14-5 du code pénal consacré spécifiquement aux violences volontaires commises sur "un militaire de la gendarmerie nationale, un militaire déployé sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l'article L. 1321-1 du code de la défense, un fonctionnaire de la police nationale, un agent de police municipale, un garde champêtre, un agent des douanes, un sapeur-pompier professionnel ou volontaire ou un agent de l'administration pénitentiaire" dans l'exercice ou du fait de ses fonctions et lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur.
La répression est par ailleurs aggravée :
- peine de 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende si les violences ont entraîné une incapacité totale de travail (ITT) inférieure ou égale à 8 jours ou n'ont entraîné aucune ITT, portée à 7 ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende si une des circonstances aggravantes prévues aux 8° à 15° de l'article 222-12 du code pénal est retenue (réunion, guet apens, préméditation, usage ou menace d'une arme, état d'ivresse manifeste ou emprise manifeste de produits stupéfiants, etc.), portée à 10 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende si au moins deux des circonstances aggravantes prévues aux 8° à 15° de l'article 222-12 du code pénal sont retenues ;
- peine de 7 ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende si elles ont entraîné une ITT supérieure à 8 jours, portée à 10 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende si une des circonstances aggravantes prévues aux 8° à 15° de l'article 222-12 du code pénal est retenue.
Sont punies des mêmes peines les violences commises sur le conjoint, les ascendants ou descendants en ligne directe ou sur toute autre personne vivant habituellement au domicile du membre des forces de l'ordre en raison des fonctions exercées par ce dernier.
- Répression plus sévère du refus d'obtempérer
Les peines du refus d'obtempérer, délit prévu par l'article L. 233-1, I, du code de la route, sont doublées, passant à 2 ans d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende.
La répression est aggravée par l'article L. 233-1-1 du code de la route :
- À 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende lorsque les faits ont été commis dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;
- À 7 ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsque les faits ont été commis dans des circonstances exposant directement le "fonctionnaire ou agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité" auquel l'auteur refuse d'obtempérer, à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.
Point notable par ailleurs, les peines liées au refus d'obtempérer ne pourront plus se confondre avec les peines prononcées pour les autres infractions commises à l'occasion de la conduite du véhicule : il y aura un cumul des peines.
La confiscation du véhicule est rendue obligatoire lorsque le conducteur du véhicule auteur du refus d'obtempérer est en état de récidive légale (article L. 233-1-2 du code de la route), ou lorsque l’infraction a été commise dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou de blessure grave (article 233-1-1, II, 2° du code de la route), s'il en est par ailleurs le propriétaire ou s'il en a la libre disposition à condition, dans ce second cas, que le propriétaire ait été mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction.
La juridiction peut, toutefois, ne pas prononcer cette peine, mais doit alors rendre une décision spécialement motivée.
- La vidéosurveillance des locaux de garde à vue et de rétention douanière
En présence de raisons sérieuses de penser que le suspect pourrait tenter de s'évader ou représenter une menace pour lui-même ou pour autrui, le chef de service responsable de la sécurité des lieux ou son représentant peut décider de recourir à la vidéosurveillance du local de garde à vue et de rétention douanière (articles L. 256-1 et suivants du code de la sécurité intérieure).
La personne concernée doit être informée de la mesure de vidéosurveillance et de son droit de demander qu'il y soit mis fin à tout moment. Si elle est mineure ou placée sous un régime de protection, tant son avocat que ses représentants doivent être informés, et un médecin attester que la mesure de vidéosurveillance est compatible avec son état de santé.
L'autorité judiciaire sous le contrôle de laquelle s'exerce la garde à vue ou la rétention douanière doit également être immédiatement informée du placement sous vidéosurveillance. Elle peut décider d'y mettre fin à tout moment.
La durée de la mesure doit être strictement nécessaire eu égard au comportement de la personne concernée et ne peut, en principe, dépasser 24 heures, durée pouvant être prolongée au-delà sur autorisation de l'autorité judiciaire compétente jusqu'à la fin de la mesure de garde à vue ou de rétention douanière.
L'emplacement des caméras doit être visible, et une affiche rappelant l'existence du système et ses modalités d'utilisation doit être placée à l'entrée de la cellule.
Des mesures doivent être prises pour permettre de protéger la vie privée de la personne concernée (pare-vue permettant la prise d'images opacifiées, interdiction de tout dispositif biométrique, de captation du son, de reconnaissance faciale, etc.).
À l'issue de la mesure, si les images ne sont pas utilisées dans le cadre de la procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire qui s'en suit, elles doivent être effacées dans les 48 heures.
- Captations d'images depuis des aéronefs ou caméras embarquées
Les forces de l'ordre ont la possibilité de recourir à des aéronefs (avions, hélicoptères, ULM, drones, ballons, etc.) pour capturer des images, à des fins de sécurité civile et de police administrative (prévention), ou de police judiciaire (recherche de preuves, nécessité de l'enquête ou de l'instruction).
En ce qui concerne les caméras embarquées, elles ne peuvent être utilisées par les forces de l'ordre et de sécurité civile que pour assurer la sécurité de leurs interventions. L'usage doit donc être strictement limité au temps de l'intervention. Le public doit être informé par une signalétique appropriée de la présence d'une caméra à bord (sauf véhicules banalisés type BAC), et un signal lumineux ou sonore doit être activé lors du lancement de l'enregistrement. Si les images ne sont pas utilisées dans le cadre d'une procédure pénale, administrative ou disciplinaire, elles doivent être effacées sous 7 jours.
- Autres dispositions diverses de la loi, mais pas sans importance...
La loi du 24 janvier 2022 consacre par ailleurs d'autres nouveautés qui ne répondent ni à l'objectif de limitation de l'irresponsabilité pénale, ni à celui d'une protection accrue des forces de l'ordre, mais qui se doivent d'être mentionnées.
Ainsi, est consacrée la possibilité d'effectuer, par la contrainte, une prise d'empreintes digitales, palmaires ou une photographie, en usant de la force nécessaire et proportionnée lorsque :
- La personne concernée est majeure et qu'il est soupçonné d'avoir commis une infraction punie d'au moins 3 ans d'emprisonnement (article 55-1 du code de procédure pénale) ;
- La personne concernée est un mineur manifestement âgé d'au moins 13 ans et qu'il est soupçonné d'avoir commis une infraction passible d'au moins 5 ans d'emprisonnement (article L. 413-17 du code de la justice des mineurs).
Par ailleurs, le ministère public pourra désormais recourir à l'amende forfaitaire (donc pas d'audience) pour les vols portant sur des objets d'une valeur inférieure ou égale à 300 €, à condition que la victime ait été indemnisée ou que l'objet lui ait été restitué (article 311-3-1 du code pénal).
Pas de contribution, soyez le premier