La mise en place de l’état d’urgence sanitaire dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de COVID-19 soulève de nombreuses questions, notamment sur le sort des délais applicables en matière de bail d’habitation.

L’une de ces questions concerne le respect des délais de préavis impératifs en cas de délivrance d’un congé.

En effet, dans un bail d’habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989, un propriétaire peut donner congé à son locataire soit pour vendre le logement, soit pour le reprendre (pour y habiter ou y loger un proche), soit pour un motif légitime et sérieux (en cas de faute grave du locataire).

Le cas échéant, des conditions de forme et de délai doivent être respectées, à défaut de quoi le congé n'est pas valable et le bail reconduit tacitement.

La condition de délai consiste dans le respect d’un délai de préavis de six mois avant le terme du bail (ou sa tacite reconduction).

Or, certains bailleurs ont été confrontés à l’impossibilité de faire délivrer un congé pendant la période du confinement, les études d’huissiers de justice étant pour la plupart fermées.

Un bailleur qui doit délivrer un congé à son locataire pendant la période d’état d’urgence sanitaire bénéficie-t-il de la prorogation des délais issue de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ?

La réponse est OUI : tout congé qui devait être délivré au locataire entre le 12 mars 2020, début de la période protégée, et le 23 juin 2020, pourra être délivré jusqu’au 23 août 2020 inclus.

Ainsi, par exemple, un bail d’habitation (logement vide) a été signé le 1er décembre 2011 pour 3 ans renouvelable. Il s’est tacitement reconduit en 2014 puis en 2017 et vient à expiration le 30 novembre 2020. Compte tenu du délai de préavis de 6 mois, le congé devait en principe parvenir au locataire au plus tard le 30 mai 2020, soit pendant la période protégée.

En application de l’ordonnance du 25 mars 2020, le bailleur pourra faire parvenir le congé à son locataire jusqu’au 23 août 2020 inclus.

ATTENTION toutefois : le délai de préavis de 6 mois court à compter de la date à laquelle le congé est effectivement délivré (et non pas à compter de la date à laquelle il aurait normalement dû être délivré).

Ainsi, dans l'exemple susmentionné, si le congé est délivré le 10 juillet 2020, le locataire devra libérer le logement au plus tard le 10 janvier 2020. Alors que s'il a pu être délivré avant le 30 mai 2020, le locataire devra avoir libéré les lieux pour le 30 novembre 2020.

Il est donc recommandé, dans la mesure du possible, de ne pas attendre et de faire délivrer le congé par un huissier de justice même pendant l’état d’urgence sanitaire : la validité du congé délivré pendant la période protégée ne sera pas remise en cause et le congé produira ses effets à la date prévue. En effet, le bailleur qui est parvenu à faire délivrer son congé malgré le contexte d’état d’urgence sanitaire n’a pas besoin de bénéficier du mécanisme de report des délais prévu par l'ordonnance du 25 mars 2020.