L’ordonnance de protection a été créée par la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010, sur le modèle des « restraining orders » américaines. Elle est prévue par les articles 515-9 et suivants du code civil.

Toute victime vraisemblable de violences conjugales peut bénéficier d’une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales du lieu de résidence de la famille (ou, à défaut, du lieu de résidence du parent avec lequel vivent les enfants mineurs).

L’objectif de cette ordonnance de protection est triple :

  • Permettre à la victime et à ses enfants d’être protégés de l’auteur des violences par une série de mesures d’éloignement et interdictions ;
  • Statuer sur les mesures relatives aux enfants (autorité parentale, résidence) ;
  • Obtenir l’attribution de la jouissance du domicile conjugal.

 

Le domaine d’application de l’ordonnance de protection : le « couple », actuel ou ancien


L’article 515-9 vise les violences exercées « au sein du couple », même en l’absence de cohabitation : sont donc concernées les personnes mariées, pacsées ou en concubinage, qu’elles vivent sous le même toit ou non.

Une ordonnance de protection peut également être délivrée contre un ancien conjoint, partenaire de pacs ou concubin, même lorsqu’il n’y a jamais eu de cohabitation.

La victime qui ne souhaite pas déposer plainte au pénal peut utiliser la procédure des articles 515-9 et suivants du code civil comme alternative, afin d’obtenir des mesures de protection pour elle et ses enfants. Reste qu’une ordonnance de protection peut être demandée même en cas de poursuites pénales de l’auteur des faits.

Le bénéfice d’une ordonnance de protection peut également être demandée par une personne majeure menacée de mariage forcé (article 515-13).

 

La procédure


La procédure est régie par les articles 1316-3 à 1136-15 du code de procédure civile.

   1/ La saisine du Juge aux affaires familiales

Le juge aux affaires familiales (JAF) peut être saisi par deux personnes :

  • La victime, seule ou assistée par un avocat ;
  • Le procureur de la République : dans ce cas, l’accord préalable de la victime est nécessaire.

 Le juge aux affaires familiales est saisi :

  • Soit par une requête remise ou adressée au greffe du tribunal : le juge convoque alors les parties à une audience ultérieure.
  • Soit par une assignation délivrée par huissier sur laquelle figure déjà une date d’audience.

ATTENTION : Le décret n° 2020-636 du 27 mai 2020 impose au demandeur de remettre l’acte de signification au greffe dans les 24 heures suivant l’ordonnance fixant la date de l’audience, à peine de caducité. Ce délai de 24h étant, dans les faits, impossible à tenir, cette disposition a été très critiquée, comme étant contraire à l’esprit du texte visant à protéger les victimes, et ce à juste titre ! Il faut donc espérer une modification rapide de ce texte pour augmenter le délai pour placer l’assignation.

MAJ DU 06/07/2020 : Le décret n°2020-841 du 3 juillet 2020 fait passer de 24h à 48h à compter de l'ordonnance fixant la date d'audience le délai pour signifier ladite ordonnance, et supprime la sanction de caducité. Autrement dit, le dépassement du délai de 48h ne sera pas sanctionné. L'acte de signification pourra être remis au greffe le jour de l'audience.

Il n’est pas nécessaire d’avoir déposé une plainte pénale au préalable.

La victime peut demander, afin de dissimuler son adresse, à être domiciliée auprès de son cabinet d’avocat ou du parquet.

La demande doit être appuyée de pièces qui démontrent tant le lien conjugal que la matérialité des violences (photographies, vidéos, enregistrement audio, SMS, plainte déposée, etc.).

S’agissant d’une procédure urgente, il est possible de demander au juge le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire à l’audience, pour ne pas avoir à attendre la décision du bureau d’aide juridictionnelle.

   2/ L’audience

L’audience se tient en chambre du conseil (sans public).

La procédure est orale : les parties se défendent elles-mêmes, avec ou sans avocat.

Le juge recueille les observations des parties, étant précisé que si une des parties le demande, les auditions peuvent se tenir séparément (si c’est la victime des violences qui le demande, elles doivent se tenir séparément).

Le procureur est convoqué à l’audience pour donner son avis.

   3/ La délivrance de l’ordonnance de protection

L’ordonnance de protection est délivrée par le JAF s’il estime qu’il existe des « raisons sérieuses de considérer comme vraisemblable la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ».

Il n’est donc pas nécessaire de prouver les violences de manière certaine, il suffit qu’elles soient vraisemblables.

L’ordonnance doit être rendue dans un délai maximal de six jours à compter de la fixation de la date de l'audience. Mais aucune sanction n’est prévue par les textes en cas de non-respect du délai.

 

Les mesures édictées par le juge aux affaires familiales


Dans une ordonnance de protection, le juge aux affaires familiales peut :

   1/ Au titre des mesures de protection :

  • Interdire à l’auteur des violences de recevoir, de rencontrer ou d’entrer en relation avec la victime ou toute personne désignée par le juge ;
  • Interdire au défendeur de se rendre dans les lieux que le juge désigne et où se trouve de façon habituelle la victime (domicile, travail, école, etc.) ;
  • Interdire au conjoint violent de porter une arme ;
  • Proposer au conjoint violent la mise en place d’un suivi médical, social ou psychologique ou de suivre un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes ;
  • Autoriser la victime des violences à dissimuler son adresse en se domiciliant chez son avocat, chez le procureur de la République ou chez une personne morale qualifiée ;
  • Ordonner, avec le consentement des deux parties, le port par chacune d’un « bracelet anti-rapprochement » qui permet, grâce à un dispositif de géolocalisation, de signaler lorsque l’auteur des violences se trouve à moins d’une certaine distance de la victime (laquelle est précisée dans l’ordonnance).

   2/ S’agissant des enfants :

  • Statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et du droit de visite et d’hébergement : si le juge décide que le droit de visite et d’hébergement ne s’exercera pas dans un espace de rencontre en présence d’un tiers de confiance, sa décision doit être spécialement motivée ;
  • Statuer sur la contribution aux charges du mariage, sur l’aide matérielle en cas de concubinage (article 515-4 du code civil) et sur la contribution à l’entretien et à l’éduction des enfants ;

   3/ S’agissant du logement conjugal :

  • Ordonner la résidence séparée du couple. Si la victime des violences le demande, la jouissance du logement conjugal lui est attribuée et les frais afférents pris en charge par le conjoint violent. Le juge ne peut refuser qu’en cas de circonstances particulières et sur ordonnance spécialement motivée.

Ces mesures sont prises pour une durée maximale de 6 mois. En cas de dépôt d’une requête en divorce ou d’une requête en fixation des modalités de l’autorité parentale, les mesures sont prolongées automatiquement jusqu’à la date du jugement devenu définitif.

La victime ou l’auteur des violences, ou le procureur de la République peuvent demander la modification, la suppression d’une des mesures ordonnées ou une dispense temporaire, ou encore l’ajout de nouvelles mesures.

 

La sanction de la violation de l'ordonnance de protection


La violation de l’ordonnance de protection constitue un délit puni par l’article 227-4-2 du code pénal d’une peine de deux ans d’emprisonnement et 15 000€ d’amende.