Si votre locataire ne règle plus ses loyers et se maintient malgré tout dans l’appartement, vous devez agir en justice pour obtenir une décision d’expulsion. Quelles sont les démarches à suivre ?

PREMIÈRE ÉTAPE : AGIR EN JUSTICE POUR OBTENIR UNE DÉCISION D’EXPULSION


La procédure à suivre n’est pas la même selon que le bail contient ou non une clause résolutoire.

  • BAIL AVEC CLAUSE RÉSOLUTOIRE

La plupart des baux d'habitation contiennent une clause résolutoire, souvent formulée de la façon suivante : « Le présent contrat sera résilié de plein droit en cas de non-paiement du loyer et/ou des charges ».

La clause résolutoire permet d’obtenir une résiliation « automatique » du bail.

Il faut, préalablement, et conformément à l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, demander à un huissier de justice de délivrer un commandement de payer qui vise la clause résolutoire et qui contient plusieurs mentions obligatoires, notamment le montant du loyer, des charges, et de la dette locative.

L'huissier devra par ailleurs notifier le commandement de payer à la CCAPEX (Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives) dans certains cas :

- Si le bailleur est une personne physique ou une société civile familiale, la notification est obligatoire si le montant et l'ancienneté de la dette dépasse un certain seuil, fixé par chaque département (généralement autour de 6 mois d'impayés).

- Si le bailleur est une personne morale (autre qu'une SCI familiale), la notification à la CCAPEX est conseillée dès la délivrance du commandement de payer, même si elle n'est pas obligatoire à ce stade, car elle devra ensuite intervenir, cette fois-ci de façon obligatoire, a minima deux mois avant la délivrance de l'assignation. La notification dès le stade du commandement de payer permet donc de gagner de précieux mois.

Lorsque le locataire perçoit des APL, le signalement de la situation d'impayé à la CAF vaut saisine de la CCAPEX.

Si, deux mois après la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire, le locataire ne s'est pas acquitté de la dette, on dit que la clause résolutoire est acquise.

ATTENTION : Si vous avez délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire et que le délai de 2 mois venait à expiration entre le 12 mars et le 23 juin 2020, vous êtes concernés par l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'état d'urgence sanitaire. Le délai du commandement a été suspendu pendant cette période.

Il faut alors assigner le locataire devant le Juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire du lieu de situation de l'immeuble afin qu'il constate l'acquisition de la clause résolutoire, ordonne l'expulsion et condamne le locataire à payer l'arriéré de loyer.

A l'audience, il ne faut pas oublier d'actualiser le montant de la dette en tenant, le cas échéant, compte des règlements effectués par le locataire depuis la délivrance du commandement de payer.

Si le locataire se présente et demande des délais de paiement, le juge peut accorder jusqu'à 36 mois et mettre en place un échéancier pour que le locataire s'acquitte de l'arriéré. En pratique, le locataire devra verser X euros en plus du loyer courant et des charges pendant X mois jusqu'à apurement de la dette.

Dans ce cas, le juge constate l'acquisition de la clause résolutoire mais suspend ses effets pour donner au locataire une chance de respecter l'échéancier mis en place.

En cas de non-paiement d'une seule échéance, tant de l'arriéré que du loyer courant et des charges, la clause résolutoire reprend effet et le bail est résilié sans qu'il soit nécessaire de retourner devant le juge.

Si le locataire ne se présente pas à l'audience, le juge constate l'acquisition de la clause résolutoire, la résiliation du bail et ordonne l'expulsion.

On passe alors à la procédure d'expulsion proprement dite.

  • BAIL SANS CLAUSE RÉSOLUTOIRE

Quand le bail ne contient pas de clause résolutoire, le bailleur doit directement assigner le locataire devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire du lieu de situation de l'immeuble afin d'obtenir la résiliation du bail et l'expulsion du locataire.

On parle de résiliation judiciaire en ce qu'elle n'est plus automatiquement acquise par le jeu d'une clause contenue dans le bail, mais doit être prononcée par un juge.

Le juge apprécie la faute du locataire et sa situation financière pour accorder, le cas échéant, des délais de paiement.

S'il estime que la faute est suffisament grave, il prononce la résiliation du bail et ordonne l'expulsion.

 

SECONDE ÉTAPE : LA PROCÉDURE D’EXPULSION À PROPREMENT PARLER


La première chose à faire est de demander à un huissier de justice de signifier le jugement prononçant l'expulsion au locataire (devenu occupant sans droit ni titre).

Si le locataire ne fait pas appel de la décision dans le délai d'un mois à compter de la signification, l'huissier doit délivrer un commandement de quitter les lieux qui ouvre un nouveau délai de deux mois, conformément à l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Le locataire peut alors saisir le juge de l'exécution pour obtenir un délai supplémentaire pour quitter les lieux. Ce délai peut aller de 3 à 36 mois, selon la bonne ou mauvaise foi de l'occupant, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et financière, etc (article L. 412-4 du CPCE).

Une fois le délai pour quitter les lieux atteint, l'huissier tente de procéder à l'expulsion.

Toutefois, il ne peut pas contraindre le locataire à quitter les lieux : il doit demander à la Préfecture le concours de la force publique.

Le concours de la force publique n'est jamais accordé pendant la période de trêve hivernale, soit du 1er novembre au 31 mars (article L. 412-6 du CPCE).

NB : Cette année, la fin de la trêve hivernale a été repoussée au 10 juillet 2020 compte tenu de l'état d'urgence sanitaire.

Si l'État refuse ou tarde à accorder le concours de la force publique (hors trêve hivernale), le propriétaire pourra demander à être indemnisé du préjudice subi du fait du refus opposé par l’administration de prêter son concours à l’expulsion : cela passe d'abord par un recours indemnitaire préalable exercé auprès de la Préfecture puis, en cas de refus ou d'absence de réponse, par la saisine du tribunal administratif.

ATTENTION : le fait pour un bailleur de procéder lui-même à l'expulsion du locataire constitue une infraction pénale prévue par l'article 226-4-2 du code pénal et punie de 3 ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende.