M. W achète un billet d'avion auprès de la compagnie aérienne VUELING AIRLINES pour un vol prévu le 11 juin 2018 à 21h00, au départ de Milan et à destination de Paris-Orly. L'arrivée était prévue à 22h30.
L'avion décolle finalement à 23h04. L'aéroport d'Orly fermant à 23h30, l'avion atterit finalement à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle à 00h18, lequel se situe à plus de 40 km de l'aéroport d'Orly.
M. W sollicite une indemnisation auprès de la compagnie aérienne, sur le fondement du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol.
Le 24 juin 2019, le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine rejette la demande d'indemnisation de M. W, au motif qu'il n'établissait pas avoir subi un retard supérieur à 3 heures par rapport à l'heure d'arrivée initialement prévue (22h30), conformément aux dispositions des articles 2, h, 6 et 7 du règlement européen susvisé.
Ainsi, selon le tribunal, la compagnie aérienne n'aurait dû indemniser les passagers que si l'avion avait atterri après 01h30, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Le tribunal d'instance ne se prononce absolument pas sur la question du changement d'aéroport prévu pour la destination.
N'ayant pas obtenu satisfaction, M. W se pourvoit en cassation.
Se pose la question de savoir si l'on peut considérer comme ayant atteint sa destination finale dans les délais impartis l'avion ayant atterri dans un autre aéroport que celui initialement prévu.
Dans sa décision rendue le 17 février 2021 (n° 19-21.362), la première chambre civile de la Cour de cassation raisonne d'abord en termes de charge de la preuve.
Elle rappelle qu'il résulte du règlement européen du 11 février 2004 qu'il incombe à la compagnie aérienne qui se voit reprocher d'avoir atteint sa destination finale avec un retard de trois heures ou plus par rapport à l'heure initialement prévue de démontrer qu'elle s'est acquittée de ses obligations.
Elle précise que la "destination finale" est définie comme celle figurant sur le billet présenté au comptoir d'enregistrement ou, en cas de vol avec correspondance, la destination du dernier vol.
En l'espèce, la Cour de cassation reproche au tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine d'avoir, à tort, fait peser sur M. W la charge de la preuve du retard du vol.
Il appartenait à la société VUELING AIRLINES de démontrer que l'avion avait atteint l'aéroport d'Orly avec un retard inférieur à trois heures.
Ce faisant, le tribunal d'instance a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1353 du code civil aux termes duquel "celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver".
La Cour de Cassation se prononce ensuite sur la notion de circonstances exceptionnelles, lesquelles avaient été retenues par le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine en faveur de la compagnie aérienne VUELING AIRLINES.
Le tribunal a en effet estimé que la compagnie aérienne ne pouvait être tenue responsable de la réglementation en vigueur dans l'aéroport d'Orly visant à interdire tout atterrisage après 23h30.
La Cour de Cassation, au visa de l'article 5, paragraphe 3, du règlement européen du 11 février 2004, et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, considère que la règlementation propre à l'aéroport d'Orly ne saurait constituer une circonstance extraordinaire permettant à la compagnie aérienne d'échapper à sa responsabilité.
Autrement dit, il appartenait à la compagnie aérienne de prendre des mesures raisonnables pour éviter de décoller trop tard, et atteindre sa destination finale avant la fermeture.
En conséquence, la Cour de cassation casse l'arrêt rendu par le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine, et renvoie les parties devant le tribunal judiciaire de Paris pour que l'affaire soit rejugée au fond.
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