Une décision de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 1er octobre 2025 vient rappeler les strictes conditions d'application de la loi Badinter du 5 juillet 1985.

Pour rappel, il existe plusieurs régimes spéciaux et autonomes d'indemnisation pour certaines catégories de victimes, par exemple en matière d'accident du travail, d'erreurs médicales, de dommages causés par des produits défectueux, etc.

La loi Badinter n° 85-677 du 5 juillet 1985 a ainsi consacré un régime spécial de responsabilité en matière d'accidents de la circulation. Plus précisément, cette loi s'applique "aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres".

Or, la Chambre Criminelle de la Cour de cassation est venue rappeler, le 1er octobre 2025, que le fait, pour le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, d'être reconnu coupable de l'infraction de violences volontaires commises avec une arme par destination (en l'occurrence, le véhicule ayant heurté la victime) et en état d'ivresse, empêchait de facto l'application de la loi Badinter du 5 juillet 1985 puisque celle-ci suppose l'existence d'un accident de la circulation et, donc, l'absence d'intentionnalité des faits commis.

En l'espèce, le conducteur du véhicule avait reconnu avoir intentionnellement fait usage de son véhicule pour blesser la victime. Il ne s'agissait pas de blessures involontaires.

En l'absence d'accident de la circulation ("accident" étant entendu comme un événément fortuit), le régime spécial de la loi Badinter était inapplicable, et c'est donc au droit commun de la responsabilité des articles 1240 et suivants du code civil qu'il convenait de se référer.

C'est donc le Fonds de Garantie des Victimes d'actes de terrorisme et autres infractions (FGTI) qu'il faudra actionner dans de telles circonstances, notamment si l'auteur s'avère être insolvable, et non le Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages (FGAO). 


Par ailleurs, la Cour de Cassation précise, dans cette même décision, qu'il est impossible de retenir contre le conducteur ayant intentionnellement heurté la victime avec son véhicule l'infraction de délit de fuite consacrée par l'article 434-10 du Code pénal car ce délit suppose d'avoir causé ou occasionné d'un accident préalablement à la fuite : "Le fait, pour tout conducteur d'un véhicule ou engin terrestre, fluvial ou maritime, sachant qu'il vient de causer ou d'occasionner un accident, de ne pas s'arrêter et de tenter ainsi d'échapper à la responsabilité pénale ou civile qu'il peut avoir encourue, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende".

En l'absence d'accident, il n'y a pas de délit de fuite.