Tel est le cas si le chirurgien a porté atteinte au nerf supra-scapulaire lors d’une réparation de la coiffe des rotateurs associée à une acromioplastie, alors que cette intervention n’implique normalement aucun risque de lésion neurologique.

​Là où la médecine et les experts exigent des certitudes, le juge peut admettre la preuve plus souple d’une faute par des présomptions s’il existe des indices précis graves et concordants.  

​Si aucune autre explication qu’une faute ne permet d’expliquer la lésion, alors le chirurgien est responsable et doit indemniser le patient du préjudice subi – même si la faute est qualifiée de peu plausible par les experts.

​Cette solution complète la jurisprudence en matière de maladresse chirurgicale.

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Les Faits

​Le 21 mai 2013, au décours d’une chirurgie consistant à réparer la coiffe des rotateurs associée à une acromioplastie sous arthroscopie, un patient a présenté une atteinte de la branche terminale du nerf supra-scapulaire.

​Le patient a saisi la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des victimes d’accidents médicaux d’Île de France (CCI) d’une demande amiable d’indemnisation.

​Avant de rendre son avis, la CCI a ordonné une expertise médicale afin de déterminer si la prise en charge par le chirurgien avait été ou non fautive.

Le rapport d’expertise

​Aux termes de leur rapport, les experts ont conclu que l'atteinte du nerf ne pouvait s’expliquer que par deux mécanismes :

  • Soit par une maladresse lors de l'anesthésie ;

  • Soit par une lésion directe du nerf sus-épineux lors de l'arthrolyse des adhérences entre la coiffe et la face profonde du deltoïde.

 

Les experts concluaient que la première hypothèse devait être formellement exclue au regard des aiguilles utilisées et de l’étendue de l’atteinte neurologique alors que la seconde hypothèse était considérée comme « peu plausible. »

Dans ces conditions, les juges pouvaient-ils retenir une faute du chirurgien ?

​Dans un premier temps, la Cour d’appel avait répondu par l’affirmative en retenant une faute lors de la réalisation du geste technique et avait condamné le chirurgien à verser au patient la somme de 124 652,30 euros à titre de dommages et intérêts.

​Toutefois, le chirurgien a contesté la décision en formant un pourvoi. Il soutenait que le dommage n’était pas lié à une faute mais à un risque qu’il ne pouvait maîtriser, autrement dit à un « aléa thérapeutique » qui devait être indemnisé par l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM).

Réponse de la Cour de cassation

​Tout d’abord, la Cour de cassation rappelle le principe selon lequel le chirurgien est présumé fautif dès lors qu’il porte atteinte à un organe ou un tissu que son intervention n'impliquait pas.

​Ensuite, la Cour de cassation rappelle que la faute ne peut être écartée que si le chirurgien prouve :

  • Soit l’existence d’une anomalie anatomique rendant l'atteinte inévitable ;

  • Soit la survenance d'un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relève de l'aléa thérapeutique.

 

En l’espèce, les experts n’avaient envisagé que deux mécanismes susceptibles d'expliquer l'atteinte au nerf et ces deux mécanismes étaient tous les deux considérés comme fautifs.

​Par ailleurs, les experts n’avaient identifié aucun autre mécanisme « non-fautif » pour expliquer les lésions (une maladresse ou un risque). Par ailleurs, l'étude de la littérature médicale ne rapportait pas de complications de ce type.

​Par conséquent, et logiquement, si la première faute était écartée et si l’existence d’un risque était aussi écartée, seule la deuxième faute identifiée pouvait expliquer la lésion directe du nerf, et ce même si les experts concluaient que cette deuxième faute était « peu plausible. »

​Ainsi, la Cour de cassation valide l’arrêt de la Cour d’appel qui jugeait : « il importe peu que le mécanisme exact de la lésion soit défini, dès lors que l'alternative présentée par les experts entre deux mécanismes conduit nécessairement à retenir l'une d'entre elles (…) dès lors que l'anesthésie n'a pu causer une telle lésion, seule une maladresse commise par le chirurgien au cours de l'intervention litigieuse doit être retenue, quelle que soit les modalités pratiques d'une telle maladresse. » ;

​Aucune autre explication que la faute n’explique le dommage.  

​La maladresse fautive du chirurgien a donc été retenue et confirmée par la Cour de cassation.

Que faut-il en retenir ?

​Comme le synthétise la doctrine juridique, le raisonnement est le suivant :

​Première étape : une lésion imputable à un acte chirurgical est établie ;

​Deuxième étape : cette lésion n’est pas imputable à une anomalie anatomique, ni à un risque inhérent ;

​Troisième étape : cette lésion est nécessairement imputable à une faute technique ;

​Quatrième étape, deux fautes sont envisageables ;

​Cinquième étape : l’une d’elles peut être écartée de manière certaine.

Conclusion : l’autre faute envisagée est nécessairement la cause de la lésion. « Peu importe que les experts estiment celle-ci peu plausible, elle est, aux yeux de juges, la seule cause possible. »

 

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