Les faits.

En 2006, notre client a été victime d’une fracture de l’épitrochlée au niveau du coude. Cette fracture a été consolidée par une ostéosynthèse avec vis.

En 2011, la vis d’ostéosynthèse qui fixait l’épitrochlée s’est rompue et le morceau de l’épitrochlée est devenu mobile et gênant.

Notre client a consulté un chirurgien spécialiste de la main qui lui a proposé l’ablation, c’est-à-dire le retrait, de cette vis et du morceau d’épitrochlée gênant.

Il est important de souligner que, dans son compte-rendu de consultation préopératoire, le chirurgien indiquait que « le nerf ulnaire ne posait aucun problème. »

Notre client a donc signé une « feuille de consentement éclairé » et le chirurgien a programmé l’opération.

Or, l’opération ne s’est pas passée comme prévu.

En effet, au réveil, notre client a ressenti de vives douleurs et une paralysie de l’avant-bras.

Lors d’un électromyogramme, le neurologue a conclu : « Exploration du nerf ulnaire droit qui montre des signes de dégénérescence axonale complète, avec l'abolition de la conduction motrice, l'abolition du potentiel sensitif, une dénervation complète avec silence électrique. »

Aucune explication n’a été donnée à notre client sur les causes de cette paralysie.

avocat droit médical et de la santé

Une opération chirurgicale radicalement différente de celle consentie

Dans le cadre d’une expertise médicale, le chirurgien a expliqué qu’il avait rencontré des difficultés en cours d’opération.

Plus précisément, le chirurgien alléguait qu’un névrome avait été retrouvé sur le nerf cubital du patient.

Qu’il avait décidé de sectionner le nerf pour retirer ce névrome ;

Qu’il avait décidé ensuite d’interposer un tube de régénérescence nerveuse de marque Revolnerv® afin de favoriser la repousse nerveuse (qui n’a donné aucun résultat en pratique).

Or, notre client n’avait jamais consenti à une telle opération radicalement différente de celle qui était programmée et qui consistait seulement en l’ablation d’un fragment d’os sans toucher les nerfs.

Le médecin rétorquait que la « fiche de consentement » signée par notre client l’autorisait à réaliser des actes complémentaires qui apparaîtraient nécessaires en cours d’intervention.

 

L’échec de la procédure amiable devant la CCI

Notre client a décidé d’engager, seul et sans avocat, une procédure amiable devant la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des victimes d’accidents médicaux (CCI).

Toutefois, l’expert missionné par la CCI a conclu qu’il n’y avait aucune faute, ni violation du consentement de notre client.

Sur la base de ces conclusions d’expertise médicale, la Commission a rejeté purement et simplement la demande d’indemnisation de notre client.

 

Nouvelle procédure d’expertise judiciaire

Notre client a alors fait appel à notre cabinet d’avocat.

A la lecture des pièces produites par notre client, il nous apparaissait manifeste qu’une violation du consentement avait été commise, faute à l’origine de la paralysie ulnaire et d’importants préjudices pour la victime.

Nous avons donc sollicité une nouvelle expertise judiciaire qui a été ordonnée par le juge des référés.

Le rapport de l’expert judiciaire, et surtout les réponses aux questions que nous avions posées avec insistances, ont permis d’étayer de graves anomalies au niveau du consentement du patient.

 

Nos arguments dans la procédure judiciaire

Sur la base du nouveau rapport d’expertise, nous avons saisi le tribunal judiciaire et demandé la condamnation du chirurgien à indemniser les préjudices subis par notre client.

Nous avons rappelé qu’en vertu de l’article L1111-4 du Code de la santé publique, le chirurgien doit rechercher le consentement préalable du patient à l’opération envisagée.

« Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. »

Seule l’urgence vitale dispense le médecin de rechercher le consentement mais, dans ce cas, il doit prouver que l’état de santé du patient rend nécessaire une intervention immédiate pour préserver la vie ou l’intégrité physique gravement menacée.

A défaut d’urgence, l’acte médical accompli même conformément aux règles de l'art est fautif.

 

*

Nous rappelions aussi au tribunal que la production d’une feuille de consentement dit « éclairé » signée par le patient ne permettait pas au chirurgien d’accomplir une opération radicalement différente de celle programmée.

La seule production d’un formulaire type pré-imprimé qui ne fait aucune allusion précise à l’acte médical envisagé et qui se borne à mentionner que le patient reconnait avoir reçu une information sur les risques pouvant survenir est insuffisante pour appréhender la réalité et la qualité du consentement.

 

*

Nous rappelions que le chirurgien est présumé fautif en cas d’atteinte à un organe ou une partie du corps du patient que son intervention n’impliquait pas faute pour lui de prouver une anomalie rendant l'atteinte inévitable ; ou que le dommage était dû à la survenance d'un risque inhérent à cette intervention qu’il ne pouvait pas maîtriser

 

*

Enfin, en cas de violation du consentement du patient, le patient a droit à l’indemnisation intégrale de tous ses préjudices et pas seulement à l’indemnisation d’une simple perte de chance.

La perte de chance ne s’applique pas ici.

La réalisation d'une intervention à laquelle le patient n'a pas consenti et substantiellement différente oblige le médecin responsable à réparer tant le préjudice moral subi de ce fait par l'intéressé que, le cas échéant, toute conséquence dommageable de l'intervention.

 

Décision de première instance

Dans sa décision, le tribunal judiciaire a fait totalement droit à notre argumentation.

Le tribunal a souligné en effet qu’à aucun moment il n’a été évoqué la nécessité de pratiquer la résection du nerf ulnaire avec le patient.

En outre, le chirurgien n’avait pu informer le patient de cette décision puisque celui-ci était sous anesthésie générale.

Que ce choix thérapeutique invasif et risqué ne pouvait intégrer la feuille de consentement éclairé qui ne le prévoyait pas spécifiquement.

Et enfin aucune urgence vitale ne nécessitait cet acte.

 

Sur les préjudices indemnisés

Le tribunal a alloué diverses sommes à notre client pour son préjudice corporel dont :

  • 130.000€ pour les pertes de salaires (notre client a dû se reconvertir) ;
  • 80.000€ pour l’aide par tierce personne (apportée par sa femme) ;
  • 45.000€ pour le déficit fonctionnel permanent ;

Mais le tribunal a aussi indemnisé en tant que telle la violation du consentement et du droit à l’information.

En effet, suivant notre argumentation, il a alloué à notre client la somme de 10.000€ en réparation de son préjudice moral autonome d’impréparation et violation de son consentement, droit fondamental.

 

Le chirurgien et son assureur ont interjeté appel de cette décision… affaire à suivre donc.


Vous avez été victime d’une violation du consentement ou du droit à l’information ?

Nous intervenons dans toute la France.

Prenez contact sur notre site internet :