Le voisinage est une source inépuisable de conflit.

L'une des sources la plus importante à l'heure actuelle est certainement la nécessité d'aller chez son voisin afin d'entreprendre des travaux ou des réparations sur un ouvrage inaccessible depuis sa propre propriété : enduire son mur, ramoner une cheminée, réparer son toit...

Le contentieux se développe avec un habitat de plus en plus dense.

Aucun texte ne prévoit ce droit mais la Cour de cassation a  consacré un "droit de tour d'échelle", expression tirée de l'ancien temps qui consiste à pouvoir disposer d'un accès temporaire chez son voisin afin de pouvoir effectuer des travaux sur sa propre propriété en cas de refus de ce dernier (Cass. civ., 14 décembre 1955, Pourvoi n° 1.808., Bull. 1955, I, n° 447).

Il s'agit d'une autorisation uniquement temporaire que le Juge judiciaire peut accorder en cas de refus de passage amiable si trois conditions sont réunies :

- les travaux projetés doivent être des travaux de réparation ou de réalisation d'une construction nouvelle (Cour d'appel, Montpellier, 1re chambre D, 16 Mai 2019 – n°18/05465) ;

- les travaux doivent être indispensables. Ils peuvent imposés soit par une obligation légale (obligation administrative d'accomplir un ravalement tous les dix ans dans certainnes communes...), soit par la nécessité d'accomplir des travaux afin de prévenir un péril sur sa propriété (dégradations...) ;

- l'impossibilité d'effectuer les travaux autrement. En principe, il est impératif démontrer que l'ouvrage objet des travaux à réaliser est inaccessible depuis sa propre propriété. Cette condition a vocation à éviter les demandes par simple commodité. Il faut noter que, dans un arrêt du 15 février 2012, la Cour de cassation a assoupli ce critère en autorisant le passage en raison du coût disproportionné de toute autre solution au regard du coût des travaux à réaliser  :

"Mais attendu qu’ayant constaté la nécessité de réaliser des travaux sur la toiture du pavillon des époux Y… du côté de la propriété de Mme X…, le refus du maire de la commune de voir installer une nacelle en vue d’effectuer ces travaux à partir de la voie publique, sans passage sur le fonds de Mme X… et le coût disproportionné de toute autre solution au regard de la valeur des travaux à effectuer, la cour d’appel, qui a souverainement retenu qu’il n’existait aucun autre moyen pour réaliser ces travaux que de passer sur le terrain de Mme X… et en a déduit que celle-ci ne pouvait, sous peine de commettre un abus de droit, s’opposer à l’installation d’un échafaudage en éventail ou sur pieds dans la propriété voisine pour une durée de trois semaines, a légalement justifié sa décision ; " (Cass. civ. 3°, 15 février 2012, RG n°10-22.899).

Le demandeur au bénéfice de ce droit doit être informé qu'il s'expose à une demande de dommages et intérêts de la part du voisin au titre du préjudice de jouissance résultant du passage sur sa propriété.

La Cour d'appel de MONTPELLER a ainsi alloué la somme de 5.000 euros au titre du préjudice de jouissance subi par le voisin au raison du passage (Cour d'appel, Montpellier, 1re chambre D, 16 Mai 2019 – n°18/05465).

Enfin, il est nécessaire de rappeler que ce droit peut être établi par voie amiable en cas d'accord, par exemple par une convention fixant les modalités de passage, l'assiette du passage, sa durée, son entretien ainsi que son éventuelle indemnisation.

Cet article n'engage que son auteur.

Article co-rédigé par Maître Elisabeth RUDELLE-VIMINI et par Maître Jérémy MAINGUY

Avocats au Barreau de l'AVEYRON

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