Lorsqu'un conflit surgit pour qualifier une convention verbale qui a porté sur la mise à disposition d'un bien rural au profit d'un exploitant et lorsque ce dernier revendique le bénéfice du Statut du fermage, la question du consentement du propriétaire quant à la conclusion d'une telle convention se pose. Ce fut, notamment, le cas dans une affaire qui a été tranchée le 10 septembre 2020 par la 3ème chambre de la Cour de cassation (pourvoi n° 19-11.770).

Les faits sont les suivants.

En 1998, un Groupement Foncier Agricole (GFA) consent un bail rural à long terme à une société d'exploitation agricole, constituée sous la forme d'une Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée (EARL), étant précisé que le gérant du GFA était également le gérant  de l'EARL.

Durant l'année 2004, une promesse de vente est établie par le GFA au profit de Mr et Mme E, laquelle promesse porte sur une maison d'habitation et diverses parcelles (incluses dans le bail consenti à l'EARL), sous condition suspensive de résiliation du bail pour ces terres. Le bail n'est pas résilié, la promesse arrive à son terme et se trouve frappée de caducité.

En 2005, l'EARL, titulaire du bail, est placée en redressement judiciaire, puis se trouve radiée du Registre du commerce et des sociétés en 2010.

Par décision prise en 2014, l'assemblée générale des associés du GFA décide de vendre l'ensemble immobilier à la SAFER.

Sauf que depuis au moins 2004 Mr et Mme E ont occupé et travaillé les terres objet de la promesse devenue caduque, et ce au vu et au su du propriétaire. Et qu'ils entendent se prévaloir de la qualité de preneur à bail et, accessoirement, exercer le droit de préemption qui en découle.

Après sommation infructueuse de quitter les lieux, le GFA saisit le Tribunal de grande instance aux fins d'expulsion des époux E. En riposte, ces derniers revendiquent le bénéfice d'un bail rural statutaire. 

Pour ce faire, ils se prévalent :

- de l'acceptation par le gérant du GFA de l'occupation des lieux, en justifiant d'une inscription à la MSA en qualité d'exploitant pour ces parcelles,

- de deux remises de sommes en espèces, à travers des attestations établies par des tiers,

- du paiement de la taxe foncière en lieu et place du GFA.

Le juge du premier degré fait droit à leur demande, mais la Cour d'appel d'AGEN infirme cette décision : elle déclare Mr et Mme E occupants sans droit ni titre et ordonne leur expulsion, sous astreinte.

Ces derniers forment un pourvoi, mais la Haute cour confirme la décision de la Cour d'appel.

Elle balaie "d'un revers de manche" les arguments soulevés par les deux exploitants.

L'inscription à la MSA ne démontre pas l'acceptation du propriétaire pour l'occupation des lieux.

La production de deux attestations certifiant la remise d'argent en espèces par les époux E. en 2003 et 2004 sont insuffisantes, dès lors que les montants ne sont pas précisés et que le lien avec l'occupation des terres n'est pas démontré.

L'avis à tiers détenteur établi par le Trésor Public pour faire exécuter l'obligation au paiement de la taxe foncière ne peut justifier d'un paiement effectif de cette taxe par les époux E.

Enfin, la revendication d'un bail verbal est en contradiction avec le bail rural à long terme conclu entre le GFA et l'EARL, bail dont les deux époux avaient eu connaissance.

Au final, les deux occupants n'ont pas apporté la preuve, qui leur incombait, du consentement du GFA à "une convention les chargeant de mettre en valeur les immeubles appartenant à celui-ci, la durée de la jouissance unilatérale (plus de 20 ans !) étant indifférente".

Il faut distinguer le consentement à la conclusion d'un bail et la tolérance d'occupation.