Lorsqu'un bien est grevé d'un bail rural, la vente de ce bien pose la question de la bonne information de l'acquéreur quant à cette "charge", en particulier lorsque le bail est verbal.

L'affaire suivante en est l'illustration.

Une personne vend à une SCI une parcelle supportant un bâtiment d'exploitation au prix de 20.600 €. A la rubrique "Propriété, jouissance de l'acte", il est stipulé que l'immeuble est "libre de location et occupation".

Le nouveau propriétaire s'aperçoit que le bien est occupé, mais considérant légitimement que le bien est libre, il fait délivrer aux occupants une sommation de déguerpir.

A la suite de quoi, les occupants (les époux X) saisissent le tribunal paritaire des baux ruraux pour que soit reconnu, à leur profit, un bail. Le bail est reconnu et une action indemnitaire est engagée. Le juge fait droit à leur demande et leur alloue (sur le principe) une indemnité à dire d'expert en réparation des préjudices subis du fait de la privation de jouissance du terrain en cause. Durant la procédure d'expertise, les parties se mettent d'accord : les locataires s'engagent à quitter les lieux et reçoivent, en contrepartie, de la part de l'acquéreur, une indemnité de 53.400 €.

Le tribunal de grande instance homologue l'accord et condamne la venderesse - ainsi que le notaire rédacteur de l'acte - à verser à l'acquéreur une indemnité de 84.000 € pour réparer le préjudice subi. Dont appel.

La cour d'appel ramène le montant de l'indemnité à 61.000 € et met hors de cause le notaire.

La venderesse forme un pourvoi en cassation.

La haute juridiction rejette le pourvoi considérant que :

  • il importe peu que l'existence du bail rural ait été consacré après la vente et que l'acquéreur ait pu avoir connaissance de la présence des époux X sur la parcelle (l'acquéreur pouvant considérer qu'il s'agissait d'une "simple tolérance non créatrice de droit"),
  • pour calculer l'indemnité réparatrice du préjudice subi par l'acquéreur (du fait de la dissimulation par le vendeur de la "charge" qu'il aurait dû révéler), il convient de s'appuyer sur les dispositions de l'article 1639 du Code Civil ("les autres questions auxquelles peuvent donner lieu les dommages et intérêts résultant pour l'acquéreur de l'inéxécution de la vente, doivent être décidées suivant les règles générales établies au titre des contrats ou des obligations conventionnelles en général").

Ainsi, la sanction de la garantie lors d'une vente, dans le cas où une "charge" n'est pas déclarée, se traduit par l'indemnisation de l'intégralité du préjudice subi par l'acquéreur du fait de l'inexécution du contrat. Cette somme correspond au dommage subi et non pas seulement à une réfaction du prix de vente (comme le laisserait penser l'article 1637 du Code civil).

Ce qui a amené la venderesse à verser à l'acquéreur une indemnité dont le montant a représenté près de 3 fois le prix de vente du bien !