Lorsqu'un preneur entre dans une société d'exploitation (GAEC, EARL, SCEA, voire société commerciale), il peut faire apport de son droit au bail à la société (en fait il s'agit d'une cession), mais il peut également mettre les terres louées à la disposition de la société (solution très majoritairement retenue).

Deux textes s’appliquent dans cette situation :

a) Pour les Groupements Agricoles d’Exploitation en Commun c’est l’article L 323-14 du Code Rural et de la Pêche Maritime.

Un preneur peut mettre à la disposition d’un G.A.E.C. les biens loués en avisant le propriétaire.

Toutefois, le défaut d’avis du bailleur n’est pas sanctionné.

Les effets de la mise à disposition au profit d’un GAEC sont les suivants :

  • le preneur reste seul titulaire du bail,
  • les droits du bailleur ne sont pas modifiés,
  • le groupement (mais pas les coassociés) est tenu solidairement avec le preneur de l'exécution des clauses du bail.

b) Pour les autres personnes morales c’est l’article L 411-37 du Code Rural et de la Pêche Maritime.

Avec deux cas de figure :

-> le capital social est majoritairement détenu par des personnes physiques > I du texte.

-> le capital social n'est pas majoritairement détenu par des personnes physique et autres personnes morales : associations, fondations, .... -> II du texte.

Dans le cadre du I, la société doit :

  • avoir un objet principalement agricole,
  • avoir un capital majoritairement détenu par des personnes physiques.

Pour que la mise à disposition soit régulière, le preneur doit alors être :

  • associé au sein de la société bénéficiaire de la mise à disposition.

Et

  • se consacrer à l’exploitation du bien loué mis à disposition en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation.

 Formalisme

Le preneur doit informer le propriétaire par lettre recommandée avec accusé de réception de la mise à disposition des terres louées (l'avis doit comporter certaines mentions). L'accord du bailleur n'est pas exigé.

Sanction en cas de non-respect du formalisme.

En principe, en l’absence d’information du bailleur, la sanction est, en principe, la résiliation du bail.

Mais, depuis la loi du 9 juillet 1999, le bail ne peut être résilié que si le preneur n’a pas communiqué les informations prévues à l’alinéa précédent dans un délai d’un an après mise en demeure par le bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception (cette mise en demeure adressée depuis plus d'un an est un préalable à l'action en résiliation).

L’ordonnance n° 2006-870 du 13 juillet 2006 a prévu, en outre, que l’infraction ne peut être sanctionnée par la résiliation du bail que si elle est de nature à porter préjudice au bailleur.

Sanctions en cas de non-respect des conditions de fond de la mise à disposition.

a/ Le titulaire du bail n’est pas (ou plus) associé au sein de la société bénéficiaire.

Le preneur doit être associé au sein de la société bénéficiaire. A défaut, il s’agit d’une cession irrégulière et le bail doit être résilié : Cass. 3° civ., 4 janv., 1983; Cass. 3° civ., 16 mai 2007.

b/ La majorité du capital social n’est pas détenue par des personnes physiques.

La mise à disposition des biens loués au profit d’une société comptant une personne morale parmi ses membres s’analyse en une cession prohibée entraînant la résiliation du bail : Cass. 3° civ., 22 févr. 2005.

c/ Le titulaire du bail est associé, mais il ne participe aux travaux au sein de la société.

Le preneur qui ne participe pas l’exploitation du bien loué qu’il a mis à la disposition d’une EARL encourt la résiliation de son bail (Cass. 3° civ. 23 juin 2009), et ce sans mise en demeure préalable (Cass. 3° civ., 16 déc. 2003).

Mais, depuis l'ordonnance du 13 juillet 2006, le bailleur doit démontrer l'existence d'un préjudice pour que la résiliation du bail soit encourue.

Pour des décisions ne reconnaissant pas le préjudice du bailleur : Cass. 3°civ., 3 octobre 2012; Cass. 3° civ., 23 septembre 2014; Cass. 3° civ., 28 janv. 2016.

Pour une décision contraire reconnaissant le préjudice du bailleur : Cass. 3° civ., 22 septembre 2016, n° 15-20826 (bail résilié).

Cas de baux consentis à des copreneurs et irrégularités lors de la mise à disposition  des terres louées à une société (un des copreneurs n’est pas associé ou, s’il est associé, il ne participe pas aux travaux de l’exploitation).

Là encore, la résiliation n’est encourue que si le bailleur démontre que l’irrégularité lui a causé un préjudice.

Pour des décisions ne reconnaissant pas le préjudice du bailleur : Cass. 3° civ., 5 mars 2003; Cass. 3° civ., 3 mai 2011; Cass. 3° civ., 3 oct. 2012; Cass. 3° civ., 25 oct. 2018; Cass. 12 sept. 2019; Cass. 3° civ, 13 janvier 2015; Cass. 3° civ., 22 octobre 2015; Cass. 3° civ., 14 mars 2019; Cass. 3° civ., 11 avril 2019.

Pour des décisions reconnaissant le préjudice du bailleur : Cass. 3° civ, 13 janvier 2015; Cass. 3° civ., 22 octobre 2015; Cass. 3° civ., 14 mars 2019; Cass. 3° civ., 11 avril 2019 (le bail est résilié).

Cas particulier de l’associé-exploitant qui a mis à la disposition d’une société les terres louées et qui cesse de participer aux travaux (il devient donc associé-non-exploitant) ou du preneur qui se retire de la société (perte de la qualité d’associé) et les terres (objet du bail) continuent à être exploitées par la société.

Dès lors que le preneur a informé le bailleur qu’il a fait valoir ses droits à la retraite et qu’il est devenu associé-non-exploitant (de la société bénéficiaire de la mise à disposition des biens loués), la cour d’appel a pu en déduire qu’il ne participait plus aux travaux de façon effective et permanente => bail résilié (Cass. 3° civ., 22 octobre 2015).

Mais un revirement est intervenu récemment : l’arrêt est cassé en ce qu'il prononce la résiliation du bail (Cass. 3° civ., 23 janv. 2020, n° 18-15015), mais il s'agit d'une espèce très particulière.

Enfin, il convient de rappeler que, quelque soit l'infraction (défaut d'information du bailleur, non-respect des conditions de fond exigées pour la mise à disposition) les juges rejettent la demande de cession de bail rural (au profit d'un membre de sa famille) émanant du preneur, considérant alors qu'il est alors de mauvaise foi.