La question de savoir si l'on peut indiquer qu'un parfum est "inspiré" d'une fragrance d’une autre maison soulève de nombreuses problématiques juridiques.

Ces dernières relèvent principalement des domaines du droit de la propriété intellectuelle, du droit de la concurrence et de la protection des consommateurs.

En substance, quels sont les enjeux et les risques associés à une telle démarche ?

1/ Risques liés à la contrefaçon de Marque

L'utilisation d'une marque de luxe pour indiquer qu'un parfum est "inspiré" par celle-ci peut, dans certains cas, être assimilée à une contrefaçon de marque.

Conformément à l'article L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle, constitue une contrefaçon l'usage non autorisé d'une marque enregistrée, que cet usage soit identique ou qu'il présente des similitudes susceptibles de porter atteinte aux fonctions essentielles de la marque.

La jurisprudence est particulièrement stricte en matière de contrefaçon par reproduction. Ainsi, il a été jugé que :

La personne qui diffuse à ses clients un tableau de correspondance entre des parfums de marque et ses fragrances se rend coupable de contrefaçon même s’il n’y a pas de risque de confusion entre ces produits. (Cass. crim. 16 juin 2015)

En effet, il est de jurisprudence constante que le délit de contrefaçon de marque par reproduction ne suppose pas, pour être constitué, que soit établi un risque de confusion dans l'esprit du public.

Cela signifie que l'usage d'une marque, même dans un contexte où le consommateur comprendrait que le produit n'est pas directement lié à cette marque, peut néanmoins constituer une contrefaçon dès lors qu'il porte atteinte aux droits du titulaire.

L'évocation d'une marque célèbre, même sous une forme indirecte comme "inspiré par", expose donc l'utilisateur à des poursuites judiciaires, pouvant donner lieu à des sanctions civiles et pénales.

2/ Risques liés à la concurrence déloyale et au parasitisme économique

Outre la contrefaçon, l'indication qu'un produit est "inspiré" d'une marque de luxe peut être analysée sous l'angle de la concurrence déloyale ou du parasitisme.

Ces notions, fondées sur l'article 1240 du Code civil (ancien article 1382), concernent les comportements qui causent un préjudice à autrui en tirant indûment profit de ses efforts, de ses investissements ou de sa réputation.

En matière de parfumerie, les tribunaux ont déjà considéré que : "Se rend coupable de parasitisme et de concurrence déloyale la société qui commercialise un parfum dont la fragrance est quasi identique à celle du parfum d'un autre fabricant, en profitant sans juste cause de la notoriété et des investissements de ce dernier". (Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 15 mars 2001)

En d'autres termes, l'évocation d'une marque prestigieuse pour valoriser un produit revient à s'approprier, de manière abusive, les fruits des efforts de création et de communication de cette marque. Un tel comportement, même s'il n'est pas malveillant, peut donner lieu à des actions en responsabilité civile, avec à la clé des indemnisations substantielles au profit du titulaire lésé.

3/ Risques liés à la publicité trompeuse

Enfin, l'utilisation de l'expression "inspiré par" peut également être qualifiée de publicité trompeuse. Aux termes de l'article L.121-2 du Code de la consommation, constitue une pratique commerciale trompeuse toute allégation, indication ou présentation fausse ou de nature à induire en erreur sur les caractéristiques essentielles d'un produit.

Si la mention "inspiré par" laisse entendre, directement ou indirectement, une affiliation ou une validation de la part de la marque de luxe, elle peut être perçue comme une pratique trompeuse. Cela est particulièrement vrai si cette mention conduit le consommateur à croire, à tort, que le produit bénéficie de la même qualité ou des mêmes caractéristiques que le produit de la marque évoquée.

Les conséquences de telles pratiques peuvent inclure :

  • Des sanctions administratives (amendes) de la part des autorités compétentes, telles que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
  • Des poursuites judiciaires engagées par des associations de défense des consommateurs ou par les titulaires des marques concernées.

En conclusion, indiquer qu'un parfum est "inspiré" d'une marque de luxe comporte des risques juridiques significatifs. Ces risques incluent des accusations de contrefaçon, de concurrence déloyale et de publicité trompeuse, susceptibles d'engager la responsabilité civile et pénale des entreprises concernées.

Pour éviter de tels écueils, il est vivement recommandé de :

  1. S'abstenir d'utiliser toute référence directe ou indirecte à une marque sans autorisation préalable.
  2. Faire auditer ses pratiques commerciales par un avocat spécialisé en droit de la propriété intellectuelle.
  3. Développer des stratégies marketing indépendantes, sans recourir à l'évocation de marques existantes.

Le respect de ces principes permet non seulement d'éviter des litiges coûteux, mais également de renforcer l'intégrité et la crédibilité de l'entreprise auprès des consommateurs et des partenaires commerciaux.

Etienne Bucher
https://www.erisavocat.com/

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000030758653

https://www.doctrine.fr/d/CA/Versailles/2001/INPIM20010203