Au point de départ : le jeu vidéo…

La pratique du jeu vidéo est très répandue mais elle se caractérise surtout par une grande variété d’un consommateur à l’autre :  il peut s’agir de jouer seul contre la machine depuis son ordinateur ou sa console personnelle, d’affronter ses amis - voire de parfaits inconnus – en se connectant en réseau des quatre coins du monde, ou de se mesurer à ses adversaires, seul ou par équipe, dans un stade plein d’un public déchaîné et averti…

L’esport recouvre -t-il toutes ces pratiques du jeu vidéo ? 

Non, l’esport ne désigne pas toutes ces pratiques variées. Le terme a intégré les dictionnaires Larousse et Robert en 2018. Il a également fait l’objet en France d’un encadrement juridique par la loi pour une République Numérique promulguée le 7 octobre 2016 (Loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016, JORF 8 octobre 2016 n°0235, texte n°1) C’est l’article L321-8 alinéa 2 du Code de la Sécurité Intérieure qui précise ce dont il s’agit :

On entend par esport une « compétition de jeux vidéo confrontant, à partir d’un jeu vidéo, au moins deux joueurs ou équipes de joueurs pour un score ou une victoire ».

La compétition est donc ce qui distingue l’esport du simple jeu vidéo.

La loi française est ainsi venue donner un cadre à une pratique existante, mais aussi définir un statut du joueur professionnel et enfin se préoccuper de la protection des mineurs. 

Cette activité esport (ou esportive) qui aurait pu aussi s’appeler « sport électronique » commence à se structurer et à s’organiser un peu partout dans le monde (avec des Championnats mondiaux pour certains jeux à succès) et ici et là des réglementations.

Pour ce qui est de la France, il faut avouer que la loi est un peu le fruit du hasard :

C’est grâce à une consultation citoyenne menée à l’occasion de la sortie de l’avant-projet de loi concernant l’accès des Français au numérique que fut suggéré par le Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisir[1] d’ajouter un article intitulé « les compétitions de jeux vidéo « esport » ».

A défaut, l’activité de compétitions de jeux vidéo - pourtant existante et en plein essor - aurait continué à être officiellement… prohibée!!! 

En effet elle était jusqu’alors potentiellement assimilée à l’interdiction des loteries et jeux de hasard (posée par les articles L322-1 et suivants du code de la sécurité intérieure).

Depuis la loi pour une République Numérique et ses deux seuls articles 101 et 102 consacrés à la matière (sur 113), deux décrets d’application du 9 mai 2017 sont venus en préciser les modalités concrètes[2], l’un concernant « l’organisation des compétitions », l’autre « le statut des joueurs professionnels salariés de jeux vidéo compétitifs ». 

Ceci étant, l’esport n’a pas fait l’objet d’un « traitement législatif spécifique », comme le souligne Benjamin Valette, auteur d’un article consacré à la « Loi pour un République numérique, histoire d’une loi consacrant l’esport »[3]. Et il n’y a pas eu d’évolution législative depuis 2017...

Si un débat subsiste sur la question de savoir si l’esport peut être assimilé à un sport, en France la législation naissante n’apparaît pas dans le code du sport.

Cinq ans après cet encadrement législatif de la pratique, après l’engouement pour le phénomène, les enjeux juridiques et économiques sont désormais cernés. Quel modèle a été adopté dans la construction de l’esport en France comme à l’international ? 

On voit l’émergence d’un système apparemment calqué sur le modèle sportif, qu’il s’agisse de la structuration des compétitions ou du parallélisme des règles et institutions sportives. 

Mais l’analyse plus approfondie du secteur révèle les limites d’une telle assimilation au modèle sportif ; on voit pointer un modèle à inventer, sui generis, afin de répondre aux spécificités de la matière et aux enjeux colossaux qui l’animent.

La structuration n'est nullement terminée....

Les prochains articles viendront détailler la structuration de ce système.

A suivre….

Cet article est tiré du Mémoire rédigé par Me France ROCHE « La structuration de l’esport : d’un modèle sportif à un modèle sui generis » Master 2 Droit du Sport Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 2021

 


[1] Note du contributeur du SELL pour justifier l’ajout d’un article 18 au projet de loi sur le numérique : « les compétitions de jeux vidéo ont aujourd’hui une audience massive et passionnent beaucoup de Français. Pourtant il existe une incertitude juridique dans le Code de sécurité intérieure qui pourrait assimiler ces compétitions à des jeux d’argent. Notre proposition d’article vise à assurer au sport électronique un cadre juridique sûr, susceptible de favoriser le développement de ce secteur, d’assurer l’engagement des sponsors et de constituer un premier pas pour la reconnaissance du esport » in les Enjeux juridiques de l’e-sport 

[2] Décret n° 2017-871 du 9 mai 2017 relatif à l’organisation des compétitions de jeux vidéo et n° 2017-872 du 9 mai 2017 relatif au statut des joueurs professionnels salariés de jeux vidéo compétitifs voir annexes 11 et 12

[3] Valette B.  « Loi pour un République numérique, histoire d’une loi consacrant l’esport » dans Les enjeux juridiques de l’e-sport sous la direction de Gaylor Rabu Morgane Reverchon-Billot Coll. Centre de Droit du Sport Aix-Marseille PUAM p 81-94