Le photographe sportif n’est rien sans son sujet, le sportif de haut niveau.
De même que le sportif tire un réel bénéfice des images de ses exploits le mettant en valeur, captées par des tiers.
Mais comment s’articulent les droits respectifs du photographe et du sportif, autrement dit, lequel du droit d’auteur du premier ou du droit à l’image du second est supérieur ?
Si un photographe veut exploiter les clichés mettant en scène le sportif, ne se heurte-t ’il pas au véto du sportif qui dispose de la maîtrise juridique de son image ?
Afin de répondre à cette question il est utile de rappeler succinctement les règles qui s’appliquent à ces deux matières potentiellement contradictoires.
Le travail du photographe professionnel :
En France de nos jours, une photographie est protégée par le droit d’auteur dès lors qu’elle est originale, c’est-à-dire qu’elle porte « l’empreinte de la personnalité de son auteur », notion qui reste toutefois à l’appréciation des Tribunaux.
A titre d’exemple, des clichés d’une course de Formule 1 n’ont pas bénéficié de la protection du droit d’auteur, par leur manque d’originalité[1], de même que le développement de la photo numérique en a fait un geste à la portée de tous, de sorte que tout un chacun peut se décréter photographe sportif s’il le souhaite. Cela ne signifie pas pour autant que ses clichés seront élevés « au statut d’œuvre »[2] ….
Mais que recoupe le droit d’auteur et de quelle protection bénéficie dès lors le photographe qui a produit une œuvre originale ?
Sa création doit être respectée de sorte qu’elle ne peut être ni modifiée ni détournée : le droit d’auteur confère à la photographie une protection contre la contrefaçon.
Par ailleurs quel que soit le sort de la photographie, (vente, cession de droits… voir ci-après) le photographe conserve sur son œuvre un droit moral constitué d’un droit au nom et d’un droit à l’intégrité du cliché originel.
Le droit au nom suppose de mentionner systématiquement le nom d’auteur d’une photographie dans toute publication de celle-ci.
Le droit à l’intégrité (c’est-à-dire l’interdiction d’apporter des modifications à la photographie) existe mais n’est pas absolu dans la mesure où sont tolérées des petites modifications (ex : passer de la couleur au noir et blanc) sous condition qu’il n’y ait pas atteinte à l’intégrité de l’œuvre (dont l’appréciation est fonction des circonstances) : si la modification apportée conserve l’esprit et la destination de l’œuvre d’origine, ou ne porte pas préjudice à l’honneur et à la réputation de l’auteur, elle sera admise.
Le droit à l’image du sportif :
Avant l’ère des mannequins et sportifs « bankable » assez récente finalement, la seule protection dont bénéficiait les athlètes était celle de tous au droit au respect de sa vie privée, d’abord d’origine jurisprudentielle au début du XXème siècle puis consacré par le code civil en son article 9 depuis 1970. Les tribunaux jugeaient alors que « chaque personne a un droit absolu sur son image et peut s'opposer à toute édition et reproduction de celle-ci faite sans son autorisation ».
Le droit à l’image n’existait pas vraiment et se limitait à ce droit au respect de la vie privée.
Désormais le droit à l’image a évolué et s’est patrimonialisé sur le modèle américain, sous l’effet du développement des contrats des mannequins et des sportifs : le droit à l’image se retrouve géré dans des contrats comprenant des obligations réciproques des contractants, contre rémunération.
Généralement le titulaire des droits qui maîtrise juridiquement son image décide de céder à un cessionnaire les prérogatives attachées à ce droit. En revanche un sportif peut s’opposer à la mise en vente de produits à son effigie, sans son accord. Il est le seul à donner son autorisation et prévoir les conditions d’utilisation de son image.
La seule limite au véto du sportif relève du droit à l’information ainsi qu’à la liberté d’expression : lorsque le sportif est impliqué dans un évènement public et qu’il est pris en photo au milieu du public et non pas en gros plan, dans le respect de sa dignité, si la photo est en relation directe avec l’évènement et qu’il n’y a pas détournement de l’usage pour lequel la photo a été prise, il ne peut empêcher la diffusion du cliché…
En revanche dès lors qu’un tiers utilise commercialement le cliché d’un sportif (et peut en tirer des revenus), et même si la photo a été prise dans un lieu public, ce dernier peut s’opposer à l’exploitation car c’est lui qui dispose des droits patrimoniaux attachés à son image[3].
Comment rédiger un contrat de droit à l’image ?
S’il n’existe pas de formalisme particulier, il faut rappeler que tout ce qui n’est pas autorisé expressément par le sportif est absolument interdit au cessionnaire. Il est bien de prévoir pour quel usage le droit d’utilisation de l’image est cédé, si la cession est exclusive ou limitée sur un territoire donné et pour quelle durée. Lorsque le délai est expiré le cessionnaire ne peut plus diffuser la photo. Il se heurte le cas échéant à une condamnation à des dommages intérêts car il engage sa responsabilité civile.
Que se passe-t’il lorsqu’un sportif fait appel à un photographe pour un shooting ? Qui détient les droits sur les photographies ?
Quand il s’agit d’une commande à un professionnel, il faut se référer au contrat car la transmission des droits patrimoniaux découle des stipulations contractuelles. En cas de litige les Tribunaux les interpréteront strictement.
Le contrat est ici essentiel car si le photographe remet les clichés au sportif, cela ne signifie pas qu’il l’autorise à diffuser et donc exploiter lesdites photos.
Par exemple « la reproduction d'une photo dans une publication autre que celle mentionnée au contrat ou à d'autres fins et au-delà de l'échéance contractuelle constitue un acte de contrefaçon » (CA Paris, 4e ch., 14 oct. 1993, Franklin c/ Ken Browar, Gaz. Pal. 7 juin 1994, p. 18).[4]
La cession des droits de reproduction doit être formalisée dans un écrit conforme aux dispositions de l’article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle : le contrat doit prévoir l’étendue, la destination et la durée du mode d’exploitation, ainsi que la rémunération du photographe (normalement proportionnelle aux recettes qu’en tirera le sportif mais un forfait est aussi possible dans certains cas visés à l’article L 131-4 du CPI)
Comme indiqué précédemment le photographe conserve sur ses prises de vue son droit moral (nom et intégrité).
Et le sportif devra veiller à respecter le cadre du contrat s’il veut utiliser les clichés ultérieurement et pour divers usages.
Conclusion :
On voit donc que le droit d’auteur du photographe ne fait pas obstacle au droit à l’image du sportif ; ils peuvent être respectés l’un et l’autre il suffit de prévoir en amont les règles qui s’appliqueront et de les formaliser dans un contrat.
Match nul.
[1]Civ. 1re, 3 févr. 2004, no 02-11.400 , NP, Propr. intell. 2004, p. 633, note Sirinelli. Dalloz action Droit d'auteur Chapitre 204 – Photographies – André R. Bertrand-
[2] Idem
[3] Cf Dictionnaire Permanent Droit du sport - Image du sportif
[4] Dalloz action Droit d'auteur Chapitre 204 – Photographies – André R. Bertrand –
crédit photo @csa
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