Par l'effet de la loi, le gérant d'une SCI peut conclure les actes entrant dans l'objet social tel qu'il est défini par les statuts : "Dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social" et "Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants sont inopposables aux tiers" (Code civil, article 1849).

Appliquant cet article, la Cour d'appel de Bordeaux a jugé que lorsque la vente des biens immobiliers n'est pas prévue à l'bojet social, le gérant ne peut engager la société dans une vente, quand bien même une décision de justice lui en a donné l'autorisation. La vente devait être décidé à l'unanimité des associés et est en conséquence frappée de nullité :

"La décision de vendre un immeuble n'entrait pas dans l'objet social et excédait donc les pouvoirs du gérant ; elle ne pouvait être prise qu'à l'unanimité des voix attachées aux parts créées par la société.

L'autorisation de vendre l'immeuble de la SCI Saint Parosa qui a été donnée à M B par une ordonnance sur requête dépourvue de toute autorité de chose jugée au fonds n'a pas pu avoir pour effet de l'investir d'un pouvoir de vendre qui ne lui était pas reconnu par les statuts. 

En conséquence, M B n'a pas engagé la société par les actes de cession contestés n'entrant pas dans l'objet social. 

Ces ventes encourent donc la nullité qui sera prononcée par infirmation du jugement." (Cour d'appel de Bordeaux, 14 avril 2022,  n°18/06056).

Cette position rigoureuse a été confirmée par la Cour de cassation :

"8. La cour d'appel a relevé que les SCI Parosa [Adresse 11] et Saint Parosa avaient, selon leurs statuts respectifs, le même objet social, à savoir l'acquisition, la propriété, l'administration, l'exploitation de tous biens immobiliers, la prise à bail à construction de tous immeubles en vue de la location ainsi que toutes opérations juridiques, administratives , financières et de gestion à caractère mobilier ou immobilier concourant directement ou indirectement à la réalisation de l'objet social, pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société. 9. Elle a pu déduire de cette énumération qui ne comportait pas la vente des biens immobiliers au titre de l'objet social, que la cession des immeubles excédait les pouvoirs du gérant, de sorte que celle-ci ne pouvait être prise qu'à l'unanimité des associés." (Cour de cassation, 23 novembre 2023, n°22-17.475).

L'arrêt de la Cour d'appel renseigne également sur la situation qui a conduit le gérant à outrepasser ses pouvoirs. Une mésentente durable semble s'être installée entre les associés, qui avait conduit à une situation de blocage compte-tenu de l'impossibilité de conclure un contrat de crédit-bail. Le gérant a donc souhaité "évincer l'un de ses associés" en cédant à une autre société à sa main le patrimoine immobilier de la SCI pour une valeur inférieure de 15% à la valeur de marché des immeubles. La Cour d'appel rappelle également que "Ces circonstances traduisant une mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société auraient dû conduire à la dissolution de la société en application de l'article 1844-7 du code civil et à sa liquidation, et donc à la vente des immeubles des SCI par un liquidateur au prix du marché et selon la loi de l'offre et de la demande." L'associé du gérant n'a donc eu d'autre choix que de rechercher la nullité de la vente pour protéger ses intérêts, procédure lourde et longue (vente de 2012, décisions de justice en 2022 et 2023).

Quelque soit l'opération envisagée (investissement locatif y compris en cadre familial, détention d'un actif immobilier professionnel, etc.), les associés doivent veiller à la rédaction des statuts et le cas échéant des pactes pour sécuriser leurs intérêts financiers tout en prévenant les situations de blocage.

Le cabinet est à votre écoute :

  • Pour vous aider à prévenir, mesurer, réduire et éviter les risques induits dans le cadre de vos opérations immobilières ;
  • Pour rédiger vos statuts, pactes et accomplir les formalités nécessaires ;
  • Pour vous accompagner à chaque étape du processus, et en particulier dans la négociation avec les différentes parties prenantes, en veillant à la sécurité juridique globale de l'opération ;
  • Plus globalement, sécuriser juridiquement vos projets immobilier et/ou de construction en identifiant, évaluant et prévenant les risques juridiques et fiscaux ;
  • Le cas échéant, défendre de vos intérêts devant les juridictions.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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