La déclaration sans suite ou le refus d'attribution le contrat est une faculté reconnue

L'administration peut à tout moment décider de déclarer sans suite la procédure de passation d'un marché public et ne pas conclure le contrat, sous-réserve de motiver sa décision (Code de la commande publique, articles R2185-1 et Article R2185-2). Si cette décision n'est pas appuyée sur un motif d'intérêt général, elle est fautive. L'administration engage alors sa responsabilité et le candidat un évincé, particulièrement s'il est attributaire ou seul en lice, peut être indemnisé non seulement sur le manque à gagner mais aussi sur les dépenses engagées en vue de l’exécution du marché public (Cour Administrative d'Appel de Paris, 4 mai 2010, n°08PA04899).  

Le Tribunal Administratif fournit une illustration en matière de concession.

 

La déclaration sans suite doit être maniée avec précaution car elle peut conduire à un risque indemnitaire

La société candidate exerçant une activité de restauration, seule en lice et dont l'offre avait été négociée, s'est vue évincée de l'attribution d'un lot de concession de plage. L'autorité concédante a déclaré la procédure sans suite en invoquant des manquements commis par cette société, titulaire sortante, dans le cadre de l'exécution du contrat dont le renouvellement était l'objet de la procédure de passation. Il s'agissait de manquements aux règles d'urbanisme (notamment absence de déclaration préalable pour l'édification d'une clôture) et aux clauses contractuelles, notamment l'obligation de démonter la terrasse amovible durant la période hivernale. 

Le Tribunal Administratif écarte ces motifs en l'espèce, en retenant que les manquements reprochés n'étaient pas justifié. La société démontrait avoir été relaxée par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence concernant les infractions et la législation d'urbanisme. L'arrêt d'appel démontrait également que la terrasse était démontée durant la période hivernale.

 

Le préjudice du candidat indument évincé est susceptible de représenter des sommes importantes, ce que le juge détermine en analysant le compte d'exploitation prévisionnel joint à l'offre

Le Tribunal Administratif va condamner l'autorité concédante à indemniser le titulaire indument évincé. Le juge fixe l'indemanité à 55 000 euros, correspondant à son appréciation du manque à gagner incluant les frais de présentation de l'offre, estimé sur la base du compte de résultat prévisionnel joint par la société à son offre et en tenant compte de l'aléa d'exploitation, lié notamment à l'état d'urgence sanitaire :

"15. A l'appui de son offre, la société Le Klubbing a produit un compte de résultat prévisionnel pour les trois premières années d'exploitation de la seule activité réalisée sur le domaine public maritime. Le résultat net est évalué à la somme de 11 398 euros pour l'année 2017, 11 750 euros pour l'année 2018 et 12 105 euros pour l'année 2019, soit une augmentation évaluée à 3% par an. En tenant compte de l'aléa qui affecte les résultats de ce type d'exploitation et de la durée du sous-traité de concession en cause ainsi que de la période d'état d'urgence sanitaire qui a également impacté lesdits résultats d'exploitation de ce type d'établissement, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la société requérante au titre du manque à gagner, incluant les frais de présentation de l'offre, en l'évaluant à la somme de 55 000 euros.

16. Si, en outre, la société Le Klubbing soutient que son éviction irrégulière de la procédure d'attribution du sous-traité de concession a eu un impact non négligeable sur les conditions d'exploitation du restaurant, elle ne l'établit pas, en l'absence de tout justificatif. La société requérante n'est donc pas fondée à demander réparation de ce chef de préjudice qu'elle allègue.

17. Enfin, si la société requérante demande en outre l'indemnisation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi, elle n'établit pas la réalité d'un tel préjudice.

18. Il résulte de ce qui précède que la société Le Klubbing est seulement fondée à demander la condamnation de la commune de Villeneuve-Loubet à lui verser la somme de 55 000 euros." (Tribunal Administratif de Nice, 8 août 2024, n°2104250).

Le tout a été augmenté des intérêts de retard avec capitalisation et des frais de justice. 

 

Colletivités territoriales et opérateurs économiques doivent redoubler d'attention en cas de déclaration sans suite

Le rejet infondé d'une offre et le refus d'attribution subséquent d'une concession n'est donc pas une acte anodin, et les collectivités comme les opérateurs économiques doivent identifier les risques à ce titre, notamment indemnitaires. A cet égard, le compte d'exploitation prévisionnel joint à l'offre doit être analysé avec attention, puisque c'est sur cette base que le juge est susceptible de fixer l'indemnité. 

 

Le cabinet est à votre écoute :

  • Pour vous aider à prévenir, mesurer, réduire et éviter les risques induits dans le cadre de vos opérations de valorisation du domaine public ou du domaine privé ;
  • Plus globalement, sécuriser juridiquement vos projets immobilier et/ou de construction en identifiant, évaluant et prévenant les risques juridiques et fiscaux ;
  • Le cas échéant, défendre de vos intérêts devant les juridictions.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

goulven.leny@avocat.fr - 06 59 96 93 12 - glenyavocat.bzh