Cette note de jurisprudence a été initialement publiée dans le n°33 des Cahiers de Jurisprudence de la Cour Administrative d'Appel de Nantes en pages 6 et 7.

L’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale a inscrit dans le code de l'environnement un dispositif, auparavant expérimental, d'autorisation environnementale unique (Code de l’environnement, articles L181-1 et suivants). La création d’une autorisation environnementale unique visait à intégrer dans une même procédure plusieurs catégories d’autorisations relevant auparavant de législations spécifiques (installations classées « ICPE » et législation sur l’eau « IOTA », notamment), afin de « simplifier les procédures pour faciliter la vie des entreprises sans régression de la protection de l'environnement » (Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, NOR : DEVP1621456P). Cette ordonnance, a été complétée par des dispositions réglementaires pour en préciser les modalités d’application et adapter le Code de l’environnement et les autres codes concernés à la réforme (Décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017).

Spécifiquement pour les éoliennes terrestres, une disposition a été insérée au Code de l’urbanisme : « lorsqu'un projet d'installation d'éoliennes terrestres est soumis à autorisation environnementale [unique] en application du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement, cette autorisation dispense du permis de construire » (Code de l’urbanisme, article R425-29-2).

Dans cette affaire, la société portant le projet de parc éolien avait déposé en 2015 deux demandes de permis de construire, auprès des préfets des départements concernés par l’implantation du parc éolien. Si l’un l’avait accordé, l’autre l’avait refusé. Également saisis d’une demande d’autorisation environnementale, celle-ci-avait également été refusée par arrêté conjoint des deux préfets. La société portant le projet de parc éolien a contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Nantes. Par jugement, en 2019, le tribunal administratif de Nantes a, d’une part, annulé l’arrêté refusant la délivrance du permis de construire et a enjoint à l’administration de le délivrer et, d’autre part, annulé l’arrêté conjoint refusant l’autorisation environnementale, et a enjoint à l’administration de la délivrer, assorties des prescriptions nécessaires. Ces autorisations ont finalement été délivrées en 2020, en exécution des injonctions prises par le Tribunal.

Des tiers ont alors entrepris de contester ce permis de construire, litige dont la Cour était saisie. Constatant qu’une autorisation environnementale avait été délivrée, et qu’en application de l’article R425-29-2 du Code de l’urbanisme, cette autorisation valait « dispense de permis de construire », la Cour a jugé que cette décision ne pouvait faire l’objet d’un recours dès lors qu’elle ne faisait pas grief.

En effet, selon les principes connus du recours en excès de pouvoir tels que résumés par la doctrine la plus autorisée, seuls les actes produisant des effets juridiques peuvent faire l’objet d’un recours en annulation « Le recours pour excès de pouvoir n'est recevable que s'il est dirigé contre une décision, c'est-à-dire un acte administratif qui modifie l'ordonnancement juridique, qui fait grief au requérant. […] De la jurisprudence très nombreuse et très variée qui porte, à l'occasion de l'examen de la recevabilité des recours pour excès de pouvoir, sur la qualification des différents actes produits par l'Administration, se dégage une définition de la décision comme étant l'acte qui modifie unilatéralement une situation juridique existante, positivement ou négativement, c'est-à-dire qui produit des effets juridiques. » (Dalloz, Répertoire du contentieux administratif, Recours pour excès de pouvoir : conditions de recevabilité – Gilles PELLISSIER –Mai 2018, §51 ; voir également : Conclusions de Mme Suzanne von COESTER, rapporteur public, sur l’arrêt du Conseil d’Etat du 4 mars 2016, n°368082). Le Conseil d’Etat avait d’ailleurs déjà jugé qu’une autorisation présentant « un caractère superfétatoire » « n'était pas susceptible de faire grief aux tiers » et donc de faire l’objet d’un recours (Conseil d'Etat, 30 avril 2004, n°251569, aux tables).

Par cet arrêt, la Cour a donc tiré les conséquences de cette disposition spécifique aux éoliennes terrestres du Code de l’urbanisme en lui donnant tout effet utile. Cette disposition, dont l’efficacité est ainsi confirmée, confère une lisibilité procédurale aux porteurs de projets éoliens, qui peuvent ainsi escompter des recours de tiers concentrés sur l’autorisation environnementale, purgés sans que des décisions administratives et judiciaires contradictoires rendent plus difficile la résolution de ces difficultés et la mise en œuvre du projet. En revanche, elle implique en contrepartie pour les tiers qu’ils ne pourront faire valoir leurs droits que dans le cadre d’un recours dirigé contre l’autorisation environnementale ou dans le cadre d’éventuels recours indemnitaires ultérieurs, ces derniers ne pouvant toutefois empêcher la réalisation du projet.

Le cabinet est à votre écoute pour étudier votre situation et vous accompagner pour obtenir les autorisations nécessaires ou dans le cadre de recours.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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